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Comment anticiper et mesurer l'impact des fluctuations des taux d'intérêt sur le panorama économique mondial? Cette question, des équipes étudiantes de l'Université Laval et de HEC Montréal ont tenté d'y répondre dans le cadre du concours DéfiA 2024-2025 de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ). Le dénouement a eu lieu en début d'année.
Le 24 janvier à Montréal, dans une salle de l'édifice Jacques-Parizeau, les différentes équipes ont présenté les résultats de leurs projets devant un jury. Après les délibérations, le troisième prix est allé à Montassar El Kolli, Hassane Konaté et Arnauld Vernafred Yao, trois étudiants de l'Université Laval. Au total, neuf étudiantes et étudiants de cet établissement d'enseignement ont pris part à la compétition.
Pour rappel, la CDPQ est l'un des gestionnaires de fonds les plus influents en Amérique du Nord, avec un actif net de plus de 450 milliards de dollars. Quant au DéfiA, cette compétition interuniversitaire novatrice se veut un pont entre théorie et pratique, basée sur la science des données, en particulier l'intelligence artificielle (IA).

En marge de la remise des prix, le 24 janvier à Montréal. De gauche à droite: Arnauld Vernafred Yao, Hassane Konate, Montassar El Kolli et le mentor Vincent Constantin.
— Joana Bezeau
«L'IA est un domaine qui nous intéresse particulièrement tous les trois», explique Hassane Konaté, inscrit à la maîtrise en administration des affaires, avec spécialisation en analytique d'affaires, tout comme Montassar El Kolli. Pour sa part, Arnauld Vernafred Yao est inscrit à la maîtrise en administration des affaires, avec spécialisation en finance. «Le défi, poursuit le premier, était axé sur comment l'IA, qui commence à faire partie de notre monde, peut être utilisée par les futurs investisseurs institutionnels.»
Les trois étudiants ont d'abord construit un modèle quantitatif d'apprentissage par renforcement profond basé sur les spécificités et la complexité du marché américain. «Nous avons examiné l'impact des fluctuations des taux d'intérêt sur le marché des actions, précise Hassane Konaté, avec un focus particulier sur le rendement des obligations américaines à 10 ans.»
Comme deuxième étape, ils ont intégré à leur projet le traitement du langage naturel à partir, notamment, de discours de dirigeants de banque et d'entreprise.
Enfin, les deux technologies développées ont permis à l'équipe de l'Université Laval de créer un modèle de type GPT-2, une interface intuitive et facile à utiliser. Cet agent conversationnel actif est capable de répondre avec précision aux questions qu'on lui pose sur la finance en général, en particulier sur les activités de la CDPQ. Par exemple, comment les marchés ont-ils réagi durant la crise financière de 2008 ou durant la pandémie de COVID-19?
«Notre programme est performant, affirme Hassane Konaté. Pour le défi que nous avions à relever, je dirais: mission accomplie.»
Une compétition alliant science des données et finance
Sarah Mjidou est directrice principale du Centre d'accélération IA et analytique à la CDPQ. Elle est également responsable du DéfiA.
«À la Caisse, dit-elle, nous sommes convaincus que l'investisseur et le financier de demain devront maîtriser la science des données et de l'intelligence artificielle. C'est dans cette optique-là que la compétition du DéfiA a été créée il y a trois ans. Nous avions remarqué que nos jeunes recrues doivent passer des périodes de formation. C'est là qu'on s'est dit: Si on peut sensibiliser le monde universitaire en amont avant que les diplômés arrivent chez nous…»
Le premier établissement universitaire approché par la CDPQ fut l'Université Laval. «On a travaillé avec le Centre d'apprentissage expérientiel Desjardins de FSA ULaval sur comment on pourrait collaborer ensemble, rappelle la directrice. Le Centre a été présent dès le jour un dans la conception de cette compétition. À travers le concours, nous recherchons cette collaboration vers une relation d'affaires sur le long terme avec l'Université Laval. Et c'est aussi une occasion pour les étudiants d'élargir leurs réseaux, de rencontrer des personnes et de travailler sur des sujets d'actualité.»
Et les participantes et participants au DéfiA? «Nous avons été très impressionnés par la qualité du travail des étudiants, répond Sarah Mjidou. D'année en année, on se rend compte que le niveau d'expertise augmente dans les projets. C'est un défi qui pousse les étudiants à aller au-delà de ce qu'ils apprennent. Ok, vous avez vos connaissances financières. Maintenant coupler ces connaissances avec la technologie peut vous amener très loin.»
Des professionnelles et professionnels de la Caisse agissaient comme mentores et mentors auprès des différentes équipes. «Le mentor était comme la quatrième personne d'une équipe, explique-t-elle. Il était très engagé. Lors de la remise des prix, certains mentors étaient encore plus contents que les étudiants. On les voyait avec d'immenses sourires. Et je dirais que c'est ce qui fait la différence en compétition.»
Une huitième cohorte
Vu d'Ici Lunetterie et Tesselate Robotics sont deux jeunes entreprises dynamiques de Québec. Durant un an, en 2024, Amélie Lafontaine, cofondatrice de Vu d'Ici, et Pierre-Hugo Vigneux, cofondateur de Tesselate Robotics, ont suivi la formation donnée à l'Université Laval par l'Académie entrepreneuriale ULaval-CDPQ. La cohorte comprenait 12 jeunes entrepreneures et entrepreneurs issus de l'Université Laval. Il s'agissait de la huitième cohorte du genre depuis la création du programme. La remise des diplômes s'est tenue en décembre dernier sur le campus.

Les membres de la cohorte 2024 de l'Académie entrepreneuriale ULaval-CDPQ. À l'avant à gauche: Pierre-Hugo Vigneux. À l'arrière à l'extrême-gauche: Amélie Lafontaine.
— Simon Clark
Selon Amélie Lafontaine, les formatrices et formateurs ont prêté une oreille attentive aux «vraies réalités» des entreprises. «Cette équipe incroyable qui nous a soutenus tout au long de l'année nous a permis de grandir et de nous affirmer en tant qu'entrepreneurs, dit-elle. Et l'aventure ne serait pas complète sans la richesse des échanges entre les membres.»
Pour sa part, Pierre-Hugo Vigneux souligne que l'Académie lui a apporté beaucoup plus que ce qu'il aurait pu espérer. «Au début, explique-t-il, mes attentes étaient relativement de base, sans plus. Il y a beaucoup de formations sur l'entrepreneuriat et ça peut se ressembler. J'en ai fait quelques-unes, mais aucune ne ressemble à celle de l'Académie. Franchement, la formation a été quelque chose de très à propos.»
Vu d'Ici Lunetterie se définit comme une entreprise écoresponsable. Les montures qu'elle vend sont faites, entre autres, de coquillages, de matières recyclées ou de bois. Elles sont fabriquées localement. Tessellate Robotics, pour sa part, se spécialise dans les solutions robotiques autonomes pour des milieux complexes et hors routes. Par exemple, l'inspection automatisée de grandes infrastructures, la maintenance préventive dans les mines et la surveillance des frontières.
Gestion stratégique, entrepreneuriat international, transformation numérique, la formation ratisse large. Amélie Lafontaine a particulièrement aimé la présentation sur les négociations d'affaires. «La journée était axée sur des mises en situation, indique-t-elle. Négocier ne veut pas nécessairement dire un gagnant et un perdant.» Son collègue, lui, a préféré la présentation sur la gestion des émotions de l'entrepreneur. «Cela a été très révélateur, dit-il. Un entrepreneur sera confronté à des situations où on ne fait pas juste ce qu'on aime, mais ce qui doit être fait.»
Pierre-Hugo Vigneux insiste sur la diversité des entreprises représentées au sein de la cohorte. «Cette diversité est un peu la beauté de l'Académie, soutient-il. On a tous notre bagage, notre expertise. Souvent, dans de tels programmes, on essaie de regrouper des entreprises qui se ressemblent. Un lien fort unissait les individus.»
Amélie Lafontaine renchérit. «Le fait que nous étions ni un petit groupe, ni un trop grand groupe, que nous provenions d'horizons très différents, par exemple que nous n'étions pas tous des diplômés en administration, je pense que c'est une très grande force de l'Académie.»
Catherine Samson est directrice principale, relations d'affaires, Québec, à la CDPQ. Elle rappelle que la Caisse soutient les activités de l'Académie entrepreneuriale ULaval-CDPQ depuis sa création en 2017. «Cette formation, dit-elle, vise à accompagner une nouvelle génération d'entrepreneures et entrepreneurs qui, par la mise en œuvre de projets innovants, participent au dynamisme de notre économie. L'équipe de l'Académie met son expertise et son réseau au service des participantes et participants, leur permettant à la fois de développer leurs compétences, leur leadership et d'aiguiser leurs réflexes d'affaires.»