Dominic Baril et Simon-Pierre Deschênes, doctorants en informatique à la Faculté des sciences et de génie, travaillent depuis cinq ans en robotique mobile hors route, où les signaux GPS sont absents. «On regarde des environnements qui ont rarement été étudiés, comme les champs ou les mines. On veut comprendre comment les conditions du milieu influencent les algorithmes en vue de les rendre plus robustes», explique Dominic Baril.
Leur technologie de navigation autonome sans GPS est née au sein du Laboratoire de robotique boréale de l'Université Laval (Norlab), sous la direction du professeur François Pomerleau. Les doctorants ont réalisé le potentiel de leur système de navigation autonome lors du DARPA Subterranean Challenge, où ils ont terminé au deuxième rang à l'une des finales. «On s'est démarqué parmi les meilleurs laboratoires au monde pour ce qui est de la capacité à localiser les véhicules sous-terrain le plus longtemps possible», souligne Dominic Baril.
À l'origine, l'entreprise visait principalement l'agriculture, à travers la fabrication de robots autonomes. Face au potentiel de la technologie de navigation, les doctorants ont recentré leur énergie sur la valorisation de cette dernière. Durant les deux prochaines années, leur objectif est de faire murir la technologie et de la mettre en œuvre à travers des projets pilotes et des partenariats clés.
«Il nous reste beaucoup de chemin à parcourir pour rendre notre système ultra fiable et nous avons besoin de ressources pour y arriver. La Bourse Pierre-Péladeau accélère le processus et maximise nos chances de succès», indique Dominic Baril.
L'une des grandes forces de cette jeune entreprise réside dans la complémentarité et la multidisciplinarité de l'équipe fondatrice. Elle comprend également Pierre-Hugo Vigneux, diplômé de la Faculté des sciences de l'administration, qui apporte son bagage entrepreneurial ainsi qu'une expertise en marketing et en finance. Dany Grimard, ancien vice-président à la Banque de développement du Canada et vétéran des Forces armées canadiennes, s'est joint en début d'année 2024 comme investisseur et conseiller stratégique.
Une technologie polyvalente
Leur système de navigation autonome sans GPS utilise une technologie LiDAR. L'appareil détecte son environnement en utilisant des faisceaux laser qui réfléchissent sur les obstacles qui l'entourent. «Quand le véhicule se déplace, le système de navigation assemble ces données pour construire une carte en trois dimensions et trouver sa position relativement au point de départ, sans GPS, explique Simon-Pierre Deschênes. Ce module est essentiel pour un véhicule autonome, car il permet de le contrôler et de planifier le trajet.»
La technologie peut servir dans plusieurs domaines. Tessellate Robotics en a mis trois de l'avant dans sa candidature pour les Bourses Pierre-Péladeau. Le domaine minier en fait partie, car il n'y a pas de GPS sous terre. Le système de navigation permettrait de cartographier les mines pour détecter des affaissements ou des mouvements de terrain et déterminer s'il y a un enjeu de sécurité. Dans le domaine militaire, la technologie éviterait de dépendre du GPS, comme le signal peut être brouillé facilement.
En agriculture, la technologie serait utile au phénotypage, c'est-à-dire pour caractériser des plants croisés génétiquement afin de répondre à certains besoins, comme une plus grande résistance à la sécheresse. «Actuellement, c'est un humain qui fait le suivi régulier des plants dans les champs, mais ça pourrait être automatisé, soutient Simon-Pierre Deschênes. Un robot pourrait compter le nombre de feuilles, la taille des plants. Comme il serait au niveau du sol, le signal GPS peut être bloqué par les plants. Notre technologie serait utile, car le robot pourrait naviguer sous les feuilles sans problème et reconstruire un modèle 3D de la plante pour inspection.»
L'université propice à l'entrepreneuriat
Pour démarrer leur entreprise, les deux doctorants ont pu compter sur le soutien d'Entrepreneuriat ULaval. «Ils ont eu un rôle majeur. Ils nous ont épaulés alors qu'on ne savait pas comment se lancer», souligne Dominic Baril.
Les doctorants ont pu participer à des formations et recevoir des conseils pour faire avancer le projet. «Entrepreneuriat ULaval nous a permis de réaliser qu'il fallait aller sur le terrain pour voir où étaient les besoins. C'était une étape intimidante, mais bénéfique. Ça nous a débloqués et fait progresser rapidement», ajoute Simon-Pierre Deschênes.
Selon les doctorants, Entrepreneuriat ULaval aide, en début de projet, à l'éveil entrepreneurial. «Leurs formations permettent d'enseigner au chercheur comment penser d'un point de vue “produit” et non “recherche”», rapporte Dominic Baril.
Se lancer en affaires lorsqu'on est aux études demande des sacrifices que les deux étudiants ne regrettent aucunement. «Nous avons travaillé beaucoup sur l'entreprise en parallèle à notre doctorat, mais ça nous a motivés à faire de la recherche de calibre international. Savoir que notre entreprise nous attendait à la fin des études nous encourageait», raconte Dominic Baril.
Ils se disent reconnaissants de l'appui de l'Université Laval, de la Faculté des sciences et de génie, de la Faculté des sciences de l'administration, du Norlab, d'Entrepreneuriat ULaval et de l'Académie entrepreneuriale ULaval-CDPQ. Ils ajoutent l'apport de General Dynamics Land Systems, un partenaire clé durant leur projet doctoral, qui continue de les soutenir dans leur entreprise. «Sans eux, il y a cinq ans, on ne se serait pas rendu aussi loin», mentionne Dominic Baril.
Avec Tessellate Robotics, les doctorants espèrent lancer un mouvement pour développer un pôle d'excellence en robotique à Québec, à l'image du Pôle d'excellence en optique-photonique, un rêve dont ils ont longuement discuté avec leur directeur.