13 juin 2024
Recourir davantage aux transfusions sanguines pourrait améliorer le rétablissement après un grave traumatisme craniocérébral
Les patients qui profitent de cette stratégie transfusionnelle recouvrent davantage leur indépendance fonctionnelle et ils ont une meilleure qualité de vie
Recourir davantage aux transfusions sanguines est la stratégie qui devrait être adoptée pour améliorer le rétablissement des personnes hospitalisées dans une unité de soins intensifs à la suite d'un grave traumatisme craniocérébral (TCC), concluent les auteurs d'une étude publiée aujourd'hui dans le New England Journal of Medicine. En effet, six mois après un TCC, les patients qui ont profité de cette approche recouvrent davantage leur indépendance fonctionnelle et ils ont une meilleure qualité de vie que des patients soumis à une approche plus restrictive, même si l'incidence combinée de décès et de handicap majeur n'était pas significativement différente entre les deux groupes.
C'est ce qu'a constaté une équipe de recherche internationale dirigée par Alexis Turgeon, professeur à l'Université Laval, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en soins intensifs neurologiques et traumatologie, médecin spécialiste en soins intensifs et chercheur au CHU de Québec – Université Laval.
«Cette étude, entreprise en 2017, a été réalisée dans 34 centres hospitaliers du Canada, du Royaume-Uni, de France et du Brésil. Elle visait à comparer deux stratégies de transfusions sanguines – l'une dite restrictive et l'autre libérale – employées pour soigner les personnes hospitalisées dans une unité de soins intensifs à la suite d'un TCC. Ces approches diffèrent quant à la concentration sanguine minimale d'hémoglobine qui doit se retrouver dans le sang des patients avant de procéder à une transfusion sanguine», explique le professeur Turgeon.
«L'hémoglobine est ce qui permet aux globules rouges de transporter l'oxygène vers les tissus. La plupart des patients hospitalisés à la suite d'un TCC souffrent d'anémie, qui se définit par une concentration basse d'hémoglobine, ce qui pourrait réduire le transport d'oxygène vers le cerveau pendant une période où il est très vulnérable», souligne François Lauzier, également professeur à l'Université Laval et cochercheur principal de l'étude avec le professeur Dean Fergusson, de l'Institut de recherche de l'Hôpital d'Ottawa.
L'approche restrictive consiste à maintenir le taux d'hémoglobine au-dessus de 7 g/décilitre de sang pendant la période où le patient est à l'unité de soins intensifs. L'approche libérale préconise pour sa part un seuil à 10 g/décilitre. «En améliorant le transport d'oxygène vers le cerveau pendant la phase aiguë de soins, il serait peut-être possible de sauver plus de cellules nerveuses dans les jours qui suivent un TCC et de prévenir ainsi les lésions cérébrales secondaires», avance le professeur Turgeon.
Pour mener cette étude, les chercheurs ont recruté 742 patients victimes de TCC d'intensité élevée ou modérée dont le taux d'hémoglobine était de 10 g/décilitre ou moins au moment de l'hospitalisation. Subdivisés en deux groupes, ces patients ont été soumis à l'une ou l'autre des stratégies transfusionnelles pendant leur séjour à l'unité de soins intensifs. Pour maintenir ces seuils, les équipes soignantes procédaient à une transfusion sanguine chaque fois que cela était nécessaire.
Six mois après le TCC, les chercheurs ont évalué, pour les sujets de chaque groupe, le niveau de rétablissement global incluant l'état neurovégétatif, la dépendance pour accomplir les activités de la vie quotidienne et les handicaps empêchant la reprise des activités qui étaient pratiquées avant le TCC. «L'incidence combinée de décès et de handicap majeur n'était pas statistiquement différente entre les deux groupes, mais la direction de l'effet favorisait la stratégie libérale dans toutes les analyses», souligne le professeur Turgeon. De plus, les sujets qui avaient été soignés selon l'approche libérale montraient un indice d'indépendance fonctionnelle et un indice de qualité de vie supérieurs à ceux des patients soignés selon l'approche restrictive.
«L'approche restrictive est utilisée depuis la fin des années 1990 à la suite d'études réalisées auprès de patients traités dans des unités de soins intensifs pour différentes maladies, rappelle le professeur Turgeon. Les patients avec un TCC étaient sous-représentés dans ces études, mais l'approche restrictive a été appliquée de façon élargie, sans tenir compte du fait que le cerveau est un organe très fragile et qu'une diminution de l'hémoglobine dans le sang a un effet sur le transport d'oxygène au cerveau.»
«À la lumière de l'ensemble des résultats de notre étude et considérant la sécurité des transfusions sanguines actuelles, la stratégie libérale est probablement l'option qui doit être privilégiée en phase aiguë de soins pour améliorer le pronostic à long terme suivant un TCC», conclut le professeur Turgeon.