L'Université Laval accueillera le Centre national de primatologie pour la préparation aux pandémies. Cette infrastructure permettra au pays d'accroître son autonomie stratégique en matière de biosécurité et de répondre plus efficacement à de nouvelles menaces sanitaires telles que celle causée par le virus de la COVID-19. L'annonce en a été faite le 6 mai à Montréal lors d'une conférence de presse où étaient dévoilés les gagnants nationaux du plus récent concours du Fonds d'infrastructure de recherche en sciences biologiques du Canada. La création de ce centre a été rendue possible grâce, entre autres, à un financement de 42 M$ de la Fondation canadienne pour l'innovation.
«De nouvelles pandémies sont certainement à craindre dans l'avenir et il est de notre devoir d'être prêts à y faire face. Grâce à ce nouveau centre national de recherche pour la préparation aux pandémies annoncé aujourd'hui, l'Université Laval, le Québec et le Canada seront en position de force pour prévenir, détecter et mitiger l'effet de ces maladies, contribuant ainsi à l'effort international pour contrer les problèmes de santé publique et protéger les populations», a déclaré la rectrice de l'Université Laval, Sophie D'Amours.
Ce nouveau centre national, soutenu par le Pôle de préparation aux pandémies de l'Est du Canada, consistera en deux composantes interreliées qui répondront à d'importantes lacunes observées dans l'écosystème canadien de recherche et de mise au point de vaccins au cours de la dernière pandémie: une colonie de primates non humains et un laboratoire de niveau de confinement biologique NC3 spécialement conçu pour accueillir ces animaux.
«La dernière pandémie a mis en évidence des failles dans le développement et l'évaluation de vaccins, notamment des difficultés d'accès à des primates non humains, une ressource indispensable pour les études précliniques contre des agents infectieux émergents, a expliqué Jérôme Estaquier, professeur à la Faculté de médecine de l'Université Laval et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval, qui agira à titre de directeur du nouveau centre. La création de cette colonie permettra au Canada de conserver son autonomie en matière de recherche et de mise au point de vaccins contre des pathogènes émergents.»
Les animaux au sein de cette colonie vivront en semi-liberté dans un environnement hautement sécurisé imitant leur habitat naturel. Les protocoles de recherche seront soumis à des évaluations éthiques rigoureuses. La santé et le bien-être des animaux seront assurés par la Direction des services vétérinaires de l'Université Laval, dont le programme de soins approuvé par le Conseil canadien de protection des animaux répond aux plus hauts standards nationaux et internationaux.
Le laboratoire NC3 sera conforme aux plus hautes normes de biosécurité édictées par l'Agence de santé publique du Canada et l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Il sera équipé d'un appareil d'imagerie biomédicale PET/CT-scan de toute dernière technologie qui permet de générer des images d'une remarquable précision. Cette nouvelle technologie, qui ne se retrouve que dans quelques installations à travers le monde, permettra de suivre l'évolution de la condition des animaux testés de façon non invasive et d'évaluer avec la plus grande précision possible d'éventuels médicaments développés au service de la santé de la population canadienne.
«L'Université Laval possède déjà une grande expertise en matière de maladies infectieuses et de virologie. Ces nouvelles installations vont permettre à nos spécialistes et à l'ensemble de la communauté scientifique de bénéficier d'une infrastructure où il sera possible de mettre au point de nouvelles approches thérapeutiques pour le bien de la population canadienne. La création de ce centre contribuera aussi à la formation de personnel hautement qualifié et à l'accroissement de notre capacité à attirer et à retenir les meilleurs talents en infectiologie et en soins de primates non humains, ce qui permettra à l'Université Laval de jouer un rôle encore plus important dans la préparation aux futures menaces pandémiques», a conclu la vice-rectrice à la recherche, à la création et à l'innovation de l'Université Laval, Eugénie Brouillet.
Ce que le CNPPP va changer dans l'écosystème de la recherche au Canada
Elle est venue d'un constat que j'ai fait au fil de mes 30 années de carrière en recherche. L'idée est réapparue en 2020 au moment où le gouvernement fédéral tentait, par l'intermédiaire des Instituts de recherche du Canada, de structurer la recherche pour répondre aux défis posés par la pandémie de COVID-19. Or, nous ne disposions pas des infrastructures de recherche nécessaires pour répondre adéquatement à toutes les étapes menant au développement de vaccins ou de médicaments antiviraux. Il manquait notamment des installations permettant de faire des tests précliniques sur des primates en vue de développer des traitements et des vaccins contre des virus comme ceux qui causent la COVID-19, contre des virus respiratoires ou neurologiques ou contre certaines souches bactériennes comme celles qui causent la tuberculose.
Parce que sur le plan physiologique et immunitaire, ce sont les animaux qui sont les plus proches des humains. Depuis de nombreuses années, les tests sur les primates ont permis des développements majeurs dans le traitement de maladies infectieuses comme le sida. Pour des raisons de sécurité, tester un vaccin ou un médicament antiviral sur des primates est une étape essentielle avant de passer à des essais chez l'humain.
La demande adressée à la Fondation canadienne pour l'innovation est soutenue par 15 chercheurs de 7 universités canadiennes, dont 8 chercheurs de l'Université Laval. Ce noyau réunit des virologues, des infectiologues, des cliniciens ainsi que des spécialistes en développement de vaccins et d'antiviraux, en imagerie, en sciences «omiques» et en primates non humains. Par ailleurs, le CNPPP sera ouvert à tous les chercheurs canadiens qui mènent des travaux en lien avec la préparation aux pandémies nécessitant un laboratoire de niveau de confinement 3 pour effectuer des tests sur des primates non humains. Je souhaite que cette infrastructure soit accessible à tous les chercheurs canadiens afin qu'ils puissent réaliser leurs travaux et ainsi répondre aux besoins en santé publique de la population canadienne.
Les retombées d'une infrastructure comme le CNPPP ne se font pas sentir à court terme. Elles se manifesteront sur un horizon de 5 à 20 ans. C'est la raison pour laquelle il faut disposer dès maintenant d'un tel centre si on veut préparer adéquatement la réponse aux prochaines pandémies. Le Canada n'est pas le seul pays dans cette situation. Si un nouveau virus pandémique faisait son apparition aujourd'hui, aucun pays ne serait prêt à y répondre rapidement.
Justement, la pandémie de COVID-19 a montré ce qui se produisait en situation de crise internationale lorsque nous devons compter sur les autres pays pour l'approvisionnement en matériel de protection, en tests de dépistage et en vaccins. Même lorsque nous sommes en mesure de payer, il n'est pas assuré que nous puissions acquérir le matériel qu'il nous faut pour répondre rapidement aux besoins qui se manifestent au pays. Cela a des conséquences sanitaires et économiques énormes. Le Canada en a tiré une leçon et il a adopté une politique d'approvisionnement domestique pour éviter que cette situation se reproduise.
L'accroissement de la population mondiale, la destruction des habitats naturels, le réchauffement de la planète, la désertification ainsi que l'intensification des échanges commerciaux et touristiques ont contribué à accroître les interactions entre les humains et les animaux, ce qui a mené à une augmentation des maladies transmises aux humains par les animaux vecteurs. De plus, les gens ont recommencé à voyager et les transports aériens représentent un important vecteur de dissémination des maladies infectieuses à travers le monde. Le Canada n'est qu'à quelques heures d'avion de tous les virus émergents de la planète, comme l'a bien démontré la pandémie de COVID-19. Il y aura d'autres pandémies et il faut profiter de la présente période d'accalmie pour se préparer. Nous avons l'occasion de le faire, il ne faut pas la rater.