Le Chili est un pays d’environ 20 millions d’habitants situé le long de la côte ouest de l’Amérique du Sud. Il occupe une superficie de plus de 750 000 km2. On y trouve d’abondantes ressources forestières. Ce pays hispanophone fait actuellement face à un déficit de logements sociaux. La solution du gouvernement est de miser sur la préfabrication de bâtiments en bois, une méga commande de 600 000 logements en 10 ans.
C’est dans ce contexte que la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique de l’Université Laval a accueilli une délégation chilienne de 14 personnes, en majorité des industriels du secteur de la construction, entre le 21 et le 26 avril.
«La délégation est venue ici pour voir comment on travaille dans notre écosystème», explique le professeur Pierre Blanchet, du Département des sciences du bois et de la forêt et titulaire de la Chaire industrielle de recherche du CRSNG sur la construction écoresponsable en bois. «Je pense que l’on peut dire que les chercheurs de l’Université Laval et les entrepreneurs québécois ont une expertise de niveau international en préfabrication de bâtiments en bois», poursuit-il.
Une occasion d’échanger
Selon le professeur, cette mission technico-économique a d’abord été une occasion d’échanger. «Le groupe a visité huit usines, indique-t-il. Chaque fois, la visite dépassait le temps prévu. Parfois, cela prenait trois heures. Je ne le dis pas négativement. Les gens de la délégation posaient beaucoup de questions à ceux qui les accueillaient.»
L’agent de développement économique Frane Zilic représentait le gouvernement chilien au sein de la délégation. Durant l’entrevue avec ULaval nouvelles, il a nommé l’entreprise RG Solution comme son premier choix parmi les entreprises visitées. Idem pour José Pablo Undurraga, un entrepreneur chilien étudiant au doctorat à l’Université du Biobío à Concepción.
RG Solution est située à Saint-Romain, en Estrie. Cette société se spécialise dans la construction modulaire sur mesure basée sur des unités de travail indépendantes. «L’organisation et la logistique derrière sont impressionnantes», soutient Frane Zilic. Le professeur Blanchet renchérit. «Tout est tellement bien organisé, séquencé, dit-il. L’unité est stable et l’équipe et les matériaux arrivent aux cellules de façon très organisée. Rien ne traîne, tout est propre. C’est atypique pour une usine. On a l’impression d’entrer dans une usine à l’arrêt.» Pour José Pablo Undurraga, c’est la philosophie de l’équipe, non de la personne. «Si un employé fait une erreur, explique-t-il, l’équipe est responsable, pas l’individu.»
Une collaboration de longue date
La mission était pilotée par l’Université du Biobío. Selon Pierre Blanchet, il y a beaucoup de liens entre la recherche en préfabrication de bâtiments en bois menée à l’Université Laval et les objectifs derrière la mission. «Six des huit entreprises visitées sont des partenaires de recherche de l’Université Laval, indique-t-il. L’une d’elles est une jeune pousse lancée par deux finissants à la maîtrise en génie du bois et en génie industriel.»
Le professeur mentionne aussi le connecteur autoverrouillant pour la construction modulaire, une innovation imaginée et conçue par Laurence Picard, une doctorante en génie mécanique maintenant diplômée. Ce projet de recherche a été mené sous la supervision de Pierre Blanchet et celle de son collègue André Bégin-Drolet, du Département de génie mécanique. «Le brevet a été vendu à une multinationale française, poursuit-il. J’ai transmis l’information à l'un des ingénieurs chiliens. Il est intéressé de voir si c’est applicable au Chili.»
La collaboration entre les deux universités remonte à environ 25 ans. Certains professeurs de l’Université du Biobío ont fait leurs études doctorales à Québec.
Sur le campus de l’Université Laval, la délégation chilienne a visité les laboratoires de recherche du pavillon Gene-H.-Kruger. Un équipement unique a retenu leur attention: une unité climatique capable de reproduire les conditions extérieures et intérieures.
Un déficit foncier
L’ambitieux projet du gouvernement chilien se heurtera à un défi de taille: le manque de terrains sur lesquels ériger les petits bâtiments. «Nous ferons face à un problème de densification des terrains urbains, soutient Frane Zilic. Pour cela, nous aurons besoin de construire des bâtiments en hauteur. Or, pour nous, cela représente un problème puisque nous n’avons pas le savoir-faire. C’est pourquoi la première étape de notre programme stratégique portera sur des bâtiments en bois d’un ou deux étages.»
Selon le professeur Blanchet, l’une des principales observations faites par les visiteurs touchait à une perception, celle que la préfabrication nécessite de gros investissements financiers. «Je crois, dit-il, qu’ils ont réalisé que ce n’était pas le cas. Ils ont vu comment, dans un contexte de PME, les entreprises québécoises réussissent à faire de la préfabrication de façon plutôt efficace. Elles ont leur place sur le marché.»
José Pablo Undurraga souligne la présence, dans la délégation, de la représentante syndicale Paola Zuñiga. Celle-ci a posé des questions sur la santé et la sécurité au travail, sur la présence des femmes dans cette industrie, sur les conditions de travail et les salaires.
Selon Frane Zilic, le Chili et le Québec font face jusqu’à un certain point aux mêmes enjeux, que ce soit le positionnement stratégique, la carboneutralité, la rareté de la main-d’œuvre et l’avenir de la construction. «On observe la même urgence, explique-t-il, les mêmes prix élevés et le besoin de passer d’une construction artisanale à une construction industrielle. Durant notre visite, nous avons eu de bonnes discussions là-dessus.» Et Pierre Blanchet d’ajouter: «Je suis d’accord avec Frane sur les enjeux globaux. Ici, à l’Université, nous les travaillons avec les Écossais, les Espagnols, les Français. Nous avons vraiment un positionnement international dans tous ces enjeux, que ce soit l’utilisation du bois ou l’industrialisation de la construction.»