Chez les personnes hospitalisées en raison de la COVID-19, il y aurait moyen de prédire, à partir d'une prise de sang, qui risque davantage de souffrir de COVID longue. En effet, pendant la phase aiguë de l'infection, certaines cellules du système immunitaire, appelées lymphocytes T4, montrent des taux plus élevés de mort cellulaire chez les patients qui auront une COVID longue que chez ceux qui se remettront sans séquelles de l'infection. C'est ce que rapporte une équipe de chercheurs de France et de l'Université Laval dans une étude qui vient d'être publiée par la revue Frontiers in Immunology.
Cette conclusion repose sur le suivi de 29 patients traités pour la COVID-19 du Centre hospitalier universitaire de Nîmes, en France. Des échantillons sanguins prélevés pendant la phase aiguë de l'infection ont permis aux chercheurs de quantifier l'abondance des différents types de cellules sanguines de même que la concentration de certaines protéines pro-inflammatoires ou anti-inflammatoires chez chacun des sujets.
Dans les mois qui ont suivi l'hospitalisation, 19 patients ont souffert de COVID longue alors que 10 patients n'ont eu aucune séquelle. En comparant la composition sanguine des sujets des deux groupes au moment de leur hospitalisation, les chercheurs ont eu la surprise de constater que les valeurs étaient similaires, sauf une.
«Le pourcentage de lymphocytes T4 en processus d'apoptose – une forme de suicide cellulaire – était de 37% dans le groupe COVID longue contre 24% dans l'autre groupe», résume le coresponsable de l'étude, Jérôme Estaquier, professeur à la Faculté de médecine de l'Université Laval et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.
«Chez des personnes bien portantes, le pourcentage de lymphocytes T4 en apoptose se situe à environ 20%, ce qui est comparable au taux observé chez les sujets avec COVID-19, mais qui n'ont pas eu de séquelles, souligne-t-il. En revanche, chez les personnes qui allaient développer la COVID longue, le pourcentage d'apoptose des lymphocytes T4 était presque deux fois plus élevé que la normale. Cette mortalité des lymphocytes T4 pendant la phase aiguë de la maladie cause une immunodéficience qui pourrait ouvrir la porte à des séquelles associées à la COVID longue.»
Selon le chercheur, cette immunosuppression pourrait permettre au SARS-CoV-2 de survivre dans certaines parties du corps, notamment dans la muqueuse intestinale. Elle pourrait aussi favoriser la réactivation de virus latents ou encore dérégler les mécanismes de défense du corps.
«Nous voulons maintenant vérifier où en est le taux d'apoptose des lymphocytes T4 chez les personnes qui souffrent de COVID longue. S'il est encore élevé plusieurs mois après l'infection, cela appuierait notre hypothèse, ce qui pourrait relancer la recherche de médicaments pour prévenir l'apoptose de ces cellules. Dans des expériences que nous avons réalisées in vitro, nous avons réussi à réduire de 60% l'apoptose des lymphocytes en ajoutant une molécule appelée Q-VD au milieu de culture. C'est une approche intéressante, mais il faudrait davantage de moyens pour tester l'innocuité et l'efficacité de cette molécule dans le cadre d'une étude clinique. Pour le moment, il n'y a pas de médicaments pour traiter les millions de personnes qui souffrent de COVID longue dans le monde.»