Qu’ont en commun Benjamin Allen, Marie-Pier Trépanier et Marine Queffeulou? Ils étudient tous à l’Université Laval, respectivement au baccalauréat en droit, à la maîtrise en génie mécanique et au doctorat en infectiologie. Ce sont aussi des entrepreneurs dans l’âme, chacun ayant cofondé une entreprise qui est maintenant rendue à l’étape de la commercialisation. Ces PME sont respectivement TUP (protection sur les verres visant à réduire les risques d’intoxication par les drogues), Rorqual (planches à pagaie innovantes) et Kalego Solutions (traitement pour éviter la formation de buée sur les appareils d’endoscopie). Enfin, tous trois faisaient partie de la cohorte 2023 de l’Académie entrepreneuriale ULaval-CPDQ, une formation gratuite d’un an ayant pris fin en décembre dernier.
«Benjamin, Marie-Pier et Marine sont trois des neuf jeunes entrepreneurs de la cohorte 2023, laquelle comprend des étudiants de l’Université Laval, mais aussi des diplômés de moins de cinq ans issus du même établissement», explique le coordonnateur d’activités au Département de management et responsable du programme de l'Académie entrepreneuriale ULaval-CDPQ David Poulin.
«Il y a un an, poursuit-il, j’étais très fier lorsque j’ai constitué la cohorte. On avait une belle diversité. Les secteurs d’activité représentés comprenaient, entre autres, le design d’intérieur, la production de viande de bœuf nourri à l’herbe, l’enseignement de la musique aux enfants du primaire, les prothèses dentaires et les sous-vêtements pour femmes, même les jumelages en vue de l’adoption d’un chien! La diversité se voyait aussi dans la provenance facultaire. Ils ne venaient pas seulement des sciences de l’administration. Je me plais à dire que cela est souhaitable, car notre formation est une sorte de mini-MBA si l’on veut. On va couvrir plusieurs facettes du baccalauréat en administration.»
Soixante et onze entrepreneurs en sept ans
Cette formation d’accompagnement s’adresse aux entrepreneurs rendus à l’étape de la commercialisation de leur produit ou de leur service et dont l’entreprise présente un fort potentiel de croissance. L’Académie entrepreneuriale a été créée en 2017 par la Faculté des sciences de l’administration et la Caisse de dépôt et placement du Québec, avec la collaboration de deux partenaires: BCF avocats d’affaires et le Collège des administrateurs de sociétés. En sept ans, elle a accueilli 71 jeunes entrepreneurs. La formation offerte comprend deux jours d’activités par mois, chacun d’une durée de six heures. Les frais de fonctionnement, qui s’élèvent à plus de 20 000$ par personne, sont pris en charge par la Caisse. Ce partenaire fondateur vient d’ailleurs de renouveler son financement pour une période de trois ans.
«La personne entrepreneure est au cœur de nos activités, souligne David Poulin. On s’intéresse surtout à l’entrepreneur derrière l’entreprise. Nous voulons développer son plein potentiel. Nous voulons des entreprises qui auront de l’impact dans le futur et qui vont se préoccuper de deux dimensions importantes de nos jours: la société et l’environnement.»
La programmation 2023 offrait à nouveau des volets incontournables tels que la gestion stratégique, les négociations d’affaires et l’entrepreneuriat international ainsi que la gestion du temps et du stress. Une nouveauté s’est ajoutée: les stratégies numériques, l’intelligence artificielle et la transformation numérique. Autre nouveauté: le module Entreprendre en conscience et en santé. Ces activités de méditation se sont déroulées au Monastère des Augustines à Québec.
«À la fin de la formation, ajoute-t-il, nous nous sommes réunis à la Station touristique Duchesnay pour participer à un atelier sur la persévérance entrepreneuriale, une formation offerte par Nathaly Riverin, anciennement de l’École de l’entrepreneurship de Beauce. Elle a expliqué comment être bien comme entrepreneur avant d’être bon en affaires.»
La Station était un endroit familier à tous les membres de la cohorte puisqu’ils s’y étaient réunis durant une fin de semaine au début de leur formation. Des conférences étaient au programme ainsi que des exercices de consolidation d’équipe et des tests psychométriques. La fin de semaine du 27 janvier prochain, ce sera au tour de la cohorte 2024 de s’y retrouver. Les participants apprendront à se connaître, comme personnes et comme groupe. Un invité de marque sera présent.
«Nous accueillerons François Gilbert, un entrepreneur d’expérience et un administrateur de sociétés, indique David Poulin. Nous le surnommons “le parrain de l’Académie”. Durant toute l’année, il agira comme entrepreneur en résidence. Il apportera toute son expérience aux jeunes entrepreneurs. Par son intermédiaire, ils auront accès à beaucoup d’entrepreneurs de l’écosystème, à Québec et au Québec.»
L’encadrement des membres de la cohorte se fera également par des conseillers d’Entrepreneuriat ULaval qui travaillent de très près avec l’Académie.
«En 2023, nous avons essayé quelque chose de nouveau, rappelle-t-il. Nous commençons à avoir une bonne communauté de finissants et on les met à contribution. Durant une journée, nous avons tenu un module sur les rondes de financement des entreprises. Nous avons fait intervenir quatre anciens participants de l’Académie qui ont partagé leur expérience, entre autres les cofondatrices d’Omy Laboratoires. Cette entreprise de dermocosmétiques personnalisés est une belle histoire à succès. Les entrepreneures ont levé plusieurs millions de dollars en financement.»
Plus de 300 jumelages
Élisabeth Turcotte se passionne pour les chiens depuis sa tendre enfance. Pas surprenant que deux d’entre eux partagent sa vie. Mais il y a plus. Sa passion, elle la vit maintenant au quotidien depuis qu’elle a lancé Déniche ton chien, une petite entreprise numérique de Québec vouée aux jumelages entre maîtres et chiens.
«C’est en mars 2023 que mon application Web a officiellement vu le jour, explique cette titulaire d'un diplôme de baccalauréat en communication publique de l’Université Laval. Grâce à l’algorithme que j’ai mis sur pied, je suis en mesure de créer les meilleurs jumelages possibles entre le maître et le chien. Je recommande à mes clients uniquement des races provenant d’éleveurs éthiques ou des chiens provenant de refuges. Chaque recommandation est personnalisée selon le profil du client.»
L’idée de son entreprise, Élisabeth Turcotte l’a trouvée pendant ses cours de profil entrepreneurial durant ses études universitaires. Elle savait que le Québec enregistrait le taux d’abandons de chiens le plus élevé en Amérique du Nord. C’est en discutant avec sa mère que l’idée d’une application de rencontres semblable à Tinder a émergé.
«On trouvait amusante l’idée de jumeler un humain à un chien, amusante mais surtout pertinente, souligne-t-elle. Ayant moi-même vécu une mauvaise expérience lors de l’adoption de mon chien Mika quelques années auparavant, je tenais, en plus de faire des matchs, à sensibiliser la population quant à l’importance d’adopter au bon endroit.»
La jeune entrepreneure se considère réellement privilégiée de pouvoir contribuer au bien-être animal. «Ce contact, affirme-t-elle, m’apporte tellement de bonheur!»
Faire affaire avec Déniche ton chien permet d’éviter bien des désagréments. Le client ne devra pas mettre fin à sa relation en raison d'un manque de compatibilité. Il évitera des heures et des heures de recherche pour trouver la perle rare. Il ne courra pas le risque d’adopter à des endroits peu recommandables. Au contraire, à partir d’un long questionnaire, il lui sera proposé le chien qui convient le mieux à sa personnalité et à son mode de vie, à ses habitudes quotidiennes et à sa vision du chien idéal.
L’application Web a reçu l’approbation de vétérinaires, d’éducateurs canins et d’intervenants en refuge. Le site propose deux questionnaires aux futurs propriétaires de chiens à partir de deux questions. Premièrement, suis-je prêt à adopter? Deuxièmement, devrais-je opter pour un chiot, un chien adulte ou un chien âgé?
La base de données répertorie 120 races de chiens classées selon des dizaines de critères. Jusqu’à présent, la jeune entrepreneure a réalisé plus de 300 jumelages.
Après ses études, Élisabeth Turcotte s’est inscrite à l’Académie entrepreneuriale, d’une part pour acquérir et développer de nouvelles connaissances auprès d’experts de différents domaines, d’autre part pour avoir la possibilité d’échanger avec un réseau d’entrepreneurs passionnés.
Trois volets lui ont particulièrement plu: les stratégies numériques, la présentation d’un projet et l’art de la négociation. Avec le recul, elle a le sentiment d’avoir été très bien accompagnée par les formateurs.
Selon elle, il faut une certaine dose de naïveté lorsqu’on se lance en affaires. «C’est loin d’être facile, indique-t-elle, mais j’adore mon quotidien! Je crois aussi que notre état d’esprit a un grand rôle à y jouer. Je suis une personne naturellement optimiste, alors je ne vois pas vraiment de problèmes, mais plutôt des défis à surmonter.»
Élisabeth Turcotte consacre beaucoup de temps à sa page Facebook, laquelle est suivie par quelques milliers d’abonnés. «J’adore échanger avec la communauté», dit-elle. Elle juge particulièrement intéressant le potentiel de croissance de Déniche ton chien. «Le site, souligne-t-elle, sera prochainement traduit en anglais afin que mes services soient accessibles de l’Ontario.»
Un instrument de musique acoustique et innovant
Dominic Lavoie, Hervé Boudreau et Marc-Antoine Déry baignent dans la musique depuis leur plus jeune âge. Ils comptent de nombreuses années de formation à leur actif, tant à l’école primaire et secondaire publique que dans des écoles privées. Ils ont suivi de nombreux cours de musique, donné des concerts et chanté dans des chorales. En 2021, tous trois terminaient leur baccalauréat en design de produits à l’Université Laval. La même année, ils fondaient Ara musique, une entreprise de Québec qui commercialise leur projet de fin d’études, soit un instrument de musique acoustique et innovant, l'Ara. Cet instrument sert à enseigner la création musicale dans les écoles primaires accompagné de matériel pédagogique.
«Dans le créneau de l’innovation de l’enseignement de la musique, nous sommes les seuls avec une offre acoustique, affirme Dominic Lavoie. Quelques autres entreprises s’attardent au même créneau que nous, mais avec une solution numérique et technologique. L'Ara est un instrument tangible et sans électronique, ce qui apporte beaucoup d’avantages dans la qualité de l’apprentissage: rétention des apprentissages, engagement et motivation, stimulation de la créativité et autres.»
Devant leur constat d’un manque d’outils pour enseigner et évaluer la création musicale au primaire, les trois musiciens ont eu l’idée de partir du principe de la boîte à musique et de la rendre programmable tout en l’adaptant à l’usage par des enfants.
À la suite de la cohorte VIP3 d’Entrepreneuriat ULaval, ils ont poursuivi leur formation avec l’Académie entrepreneuriale. «Les formations ont été très pertinentes, explique-t-il, mais à travers ces discussions sur des sujets divers, c’est le recul sur nos activités au jour le jour qui m’a été le plus utile. Le recul m’a permis de voir notre entreprise à un autre niveau.»
Qu’aimez-vous le plus de la vie d’entrepreneur? «Construire quelque chose à mon image, répond-il. Aussi savoir que notre travail et notre solution pourraient inspirer une prochaine génération à aller plus en profondeur dans la musique est un grand vecteur de motivation dans ma vie, au jour le jour. La musique a été très importante dans mon parcours et j’espère pouvoir donner ça au plus de gens possible.»
Dominic Lavoie qualifie la communauté de l’enseignement de la musique de très active. Il y a, dit-il, beaucoup de bouche-à-oreille et de partage d’astuces entre les enseignants. «Dans ce milieu où les innovations sont plutôt rares ou inaccessibles pour les enseignants, quand on a proposé notre solution, on a fait pas mal de bruit dans la communauté!»
Selon lui, l'Ara se vend de plus en plus au Québec. Les prochains marchés à explorer seront les Maritimes, l’Ontario et les États-Unis. «Mais, ajoute-t-il, pour nos clients actuels et les prochains, on souhaite améliorer et agrandir notre produit en proposant plus d’activités pédagogiques. On a aussi reçu beaucoup d’intérêt pour l’achat de l’Ara pour la maison, mais nous voulons tester le produit dans ce milieu afin de valider sa pertinence sans l’accompagnement par un enseignant. Sinon, la création musicale ne se limite pas au primaire. On aimerait un jour explorer les solutions pour l’éveil musical dans les premières années de la vie, le secondaire et peut-être même après. Mais une chose à la fois!»