François Dion est diplômé du baccalauréat en administration des affaires de l’Université Laval. En 2013, il fondait, à Québec, une firme de services-conseils en affaires et technologies, Levio. Cette entreprise compte actuellement 2000 experts-conseils parmi son personnel. Elle offre une gamme de services complète pour la transformation numérique. Elle a des bureaux au Canada, aux États-Unis, au Maroc, en Inde et en France. En 2022, Levio figurait à un palmarès de la revue L’actualité, celui des entreprises ayant connu une ascension fulgurante au cours des dernières années. Au nombre de ses 200 clients elle compte notamment Desjardins, Morgan Stanley, le ministère de la Justice et la SAAQ. En 2023, et ce, pour une deuxième année consécutive, la firme de Québec figurait parmi les 25 meilleurs endroits où travailler au Canada, selon le site Glassdoor.ca.
Le jeudi 5 octobre, à l’occasion de la Semaine ULaval pour toujours, et dans le cadre de ses Grands entretiens, la rectrice Sophie D’Amours a accueilli François Dion dans l’amphithéâtre Hydro-Québec du pavillon Alphonse-Desjardins. L’activité, qui a attiré plusieurs dizaines de spectateurs, était organisée par la Direction de la philanthropie et des relations avec les diplômées et diplômés de l’Université Laval. Voici les questions posées par la rectrice et les réponses de son invité.
Parlez-nous de votre passage à l’Université.
«J’ai étudié à l’Université Laval au début des années 1990. Je n’ai pas été un étudiant universitaire conventionnel. J’étais peut-être en avance sur mon temps. Mes années universitaires ont été fantastiques. J’ai d’abord fait du dépannage informatique dans les laboratoires de la Faculté. J’ai appris à aimer l’informatique. J’ai aussi pris goût à l’entrepreneuriat en démarrant une entreprise en peinture de bâtiments. Les travaux se faisaient l’été par des étudiants. De par ma personnalité, il a toujours été clair que j’étudierais en administration et que je me lancerais en affaires.»
Le mouvement vers la transformation numérique ne ralentit pas et s’accélère avec l’intelligence artificielle. Qu’est-ce qui nous attend?
«À la fondation de Levio en 2013, la technologie était arrivée à maturité dans plusieurs domaines. Réseaux de communication, adoption des appareils mobiles par la clientèle, capacité de stockage des données dans l’infonuagique, capacité de brancher les objets connectés: pour moi il était clair que les modèles d’affaires des entreprises, que les règles, les conventions et les façons de transiger avec les clients étaient pour changer. Je me suis dit: pour la transformation numérique, cela va prendre des entreprises très engagées, des gens avec des capacités de business mobilisés ensemble et centrés sur le résultat. Il y avait une belle occasion à saisir. Je me suis lancé là-dedans. Dix ans plus tard, le constat est pareil. Les technologies ont continué d’évoluer, les capacités sont de plus en plus grandes. Et les organisations ont pris un certain retard. Depuis plusieurs années, elles sous-investissent dans le numérique. Pourtant, elles sont de plus en plus conscientes de la nécessité de le faire. D’autre part, il faut faire rayonner nos succès en transformation numérique. Ces entreprises ont le courage de se lancer, de modifier leur modèle d’affaires et gagnent des parts de marché face à des concurrents étrangers.»
La société arrive possiblement à une étape de rupture à cause de l’intelligence artificielle. Les potentiels sont énormes. En même temps on se dit: est-ce qu’il y a une place pour l’humain? Va-t-on déshumaniser les milieux de travail avec l’IA, ou est-ce qu’on peut cohabiter?
«La technologie est un outil, un moyen d’abord et avant tout. L’humain est au cœur de la transformation numérique et c’est lui qui décide de la programmer, de la façonner. C’est lui qui réfléchit aux modèles du futur, qui décide quelle technologie implanter et comment la mettre en place. Le numérique est au service des humains qui vont l’accueillir et le mettre en œuvre.»
Le monde du travail se transforme par le numérique. Comment préparer nos étudiants aux défis qui les attendent?
«Les jeunes diplômés, c’est exceptionnel, arrivent sur le marché du travail avec leur fougue, la connaissance de nouvelles choses et le goût d’entreprendre. Ce qu’il faut stimuler chez eux est leur capacité à développer leur esprit de réflexion, leur capacité d’analyse et leur capacité à travailler en équipe. Les prochaines générations vont vivre dans une ère de changement en continu. Il faut les préparer à embrasser le changement, à en faire partie. Développer leur sens éthique et critique, je trouve ça important. Chez Levio, nos structures ne sont pas trop pesantes, c’est très aplani. On travaille pour le bien commun. On laisse éclore les jeunes employés qui ont le talent, la connaissance et la drive, dans un contexte de liberté d’action, de créativité et de travail en équipe.»
L’Université Laval comme la ville de Québec accueillent un nombre grandissant d’étudiants et de travailleurs de l’international. C’est pareil chez Levio?
«Avant d’avoir des bureaux à l’étranger, j’ai commencé par accueillir beaucoup de personnes d’autres pays. Amérique du Sud, Maghreb, Europe de l’Est: ils sont arrivés de partout. J’ai découvert des gens fantastiques, mobilisés, courageux à l’extrême. La détermination qu’ils ont mérite notre respect.»
La Société canadienne du cancer, le Centre de ressources pour les familles militaires de Valcartier, le CHU de Québec, la Croix-Rouge, vous aidez plusieurs organismes comme philanthrope. Comment a commencé votre engagement?
«C’était au milieu des années 2000. Je travaillais alors chez LGS. Un cadre d’une compagnie de Québec me dit qu’il s’occupe à mobiliser des donateurs dans les entreprises œuvrant dans les technologies de l’information. Il m’a invité à assister à la présentation d’Yvon Charest, un philanthrope engagé. En sortant de la conférence, il était devenu évident pour moi qu’il fallait donner. Nous vivons dans un environnement sécuritaire, nous avons de super belles conditions de travail. Le minimum qu’on puisse faire est de contribuer selon nos moyens. Et mon engagement a été en s’accélérant. Je trouve que la philanthropie est un outil incroyable pour développer la culture d’entraide, de collaboration, dans une entreprise. Ça devient naturel d’accepter de demander de l’aide, et d’aider. Chez Levio, 65% de nos employés donnent, nous poussons pour atteindre 80%.»
Votre emploi du temps est très chargé. Comment conciliez-vous travail et vie privée?
«Je n’ai pas l’impression que je travaille. À la fin de mon 5e secondaire, dans l’album de finissants, j’avais écrit dans la section «ambition»: «faire de l’argent sans travailler». Avec son petit sourire en coin, mon fils m’a rappelé ça en disant: «T’as manqué ton coup solide, hein?» Après un moment de réflexion, j’ai dit: «Au contraire, j’ai très bien réussi. Dans la vie, je ne travaille pas, je m’amuse». Honnêtement, c’est ce que je fais et que je souhaite à tous les jeunes à l’université.»
Aujourd’hui, 70% de nos étudiants travaillent, beaucoup ont plus de 25 ans et 20% sont parents. On vit maintenant dans la dynamique d’une société apprenante où les défis sont de plus en plus nombreux. Comment une université fait-elle pour se transformer?
«Le conseil que je donne est le même que je donne à tous mes clients. La transformation ne commence pas par la technologie. Elle commence par le modèle d’affaires, le bien ou le service que l’on offre. Il faut identifier ce qui est important en analysant la clientèle. Aujourd’hui, on réécrit les règles d’affaires. Ça ne se fait pas du jour au lendemain, mais dans un continuum. Ensuite, par étapes, on définit ses ambitions et on met les bonnes personnes autour de la table.»
Quel est le rôle de la recherche universitaire dans le monde d’aujourd’hui?
«La recherche universitaire a son rôle et sa nécessité. Les universités veulent toujours innover, aller de l’avant. Leur défi se situe sur le plan de la recherche appliquée. Les équipes de recherche doivent s’associer à des entreprises qui vont amener des cas d’affaires concrets dans tous les domaines. Les gagnants seront ceux qui font de la recherche appliquée dans un écosystème comme celui de la ville de Québec avec une grande université de recherche comme l’Université Laval et de belles entreprises innovantes. C’est gagnant.»
Durant la période de questions, un spectateur a demandé à François Dion quelle était la stratégie à la base de la croissance aussi rapide de son entreprise.
«Ma stratégie comporte trois étapes, a-t-il répondu. D’abord, il faut avoir une idée, une vision et un plan. Ensuite, il faut aller chercher des collaborateurs. Ceux que j’ai recrutés étaient pas mal meilleurs que moi. Une fois l’équipe bien alignée sur ce que veut le marché, il faut vendre avec assurance, ne pas avoir peur de prendre des commandes et s’assurer de ne pas manquer notre coup.»
Pour visionner le Grand entretien de la rectrice Sophie D’Amours avec le PDG de Levio