Rose-Marie Guévin, Vincent Ouellet, Tristan Morissette et Marie-Pier Caron-Desrochers ont fait un arrêt aux Jardins de Métis durant leurs vacances, il y a deux ans. Couchés dans une installation du Festival international de jardins, un parcours d'une vingtaine de créations contemporaines attenant au site, les quatre amis se sont mis à rêver. «Imaginez si on faisait ça un jour!» Ils étaient loin de se douter qu'ils y participeraient si rapidement.
Leur projet Matière-Matière fait partie des cinq nouvelles propositions sélectionnées pour le 24e concours, parmi 134 idées soumises en provenance de 32 pays. Une immense surprise. «On ne s'attendait pas à ça pendant nos études. De passer d'un projet à l'échelle virtuelle à sa réalisation avec nos propres outils, c'était vraiment incroyable pour nous», indique en entrevue Rose-Marie Guévin, candidate à la maîtrise en architecture à l'Université Laval, comme ses confrères Vincent Ouellet, Tristan Morissette (qui forme le Studio Haricot avec Marie-Pier Caron-Desrochers).
Le thème du festival cette année, Racines, a beaucoup inspiré le quatuor. «C'est un peu le retour aux sources. On cherchait une idée de simplicité», poursuit Rose-Marie Guévin. Elle et ses collègues avaient aussi envie de s'interroger sur les techniques de construction, de trouver une façon de les rendre encore plus durables.
Artisanat
La fameuse matière au cœur de leur projet est du béton de chanvre, un matériau utilisé de manière ancestrale en Europe, redécouvert récemment là-bas, mais méconnu en Amérique du Nord. Les créateurs ont tout appris de l'entreprise québécoise artisanale DuChanvre, avec qui ils ont passé quatre jours de formation.
Si ce matériau convient à notre climat, il a toutefois mauvaise réputation, la plante étant associée à la marijuana, soulève Rose-Marie Guévin.
«On peut utiliser toutes les composantes de cette plante, dont la chènevotte, la fibre au centre de la tige qui ressemble à des copeaux de bois ou du paillis. C'est ultra résistant. Mais pour séparer la chènevotte du reste du plant, ça prend de la machinerie spécifique et, au Québec, il n'y a pas assez de demande. C'est pourquoi on l’a fait venir d'Europe», ajoute l'étudiante créatrice.
Expérience tactile, visuelle, immersive
L'équipe de Matière-Matière souhaite faire découvrir le béton de chanvre à travers son installation très artistique: trois murs en courbe, un geste simple et fort, ton sur ton. «C'est vraiment une immersion. C'est comme des volumes monolithiques qui vont émerger des graminées», illustre Rose-Marie Guévin, avec une pensée au monument de Stonehenge, en Angleterre.
Elle se réjouit du site un peu en retrait qui leur a été attribué par le festival et qui contribue à l'expérience. «On peut avoir du recul, on est intrigué, on sent qu'on est dirigé vers l'intérieur.»
Au moment de couler le béton de chanvre, dit-elle, la matière était blanche «comme des Mini-Wheats côté givré», mais elle a rapidement tourné au jaune, comme le feront les graminées. «Au fur et à mesure qu'on montait les murs, on ne pouvait plus s'entendre parler. L'ambiance sonore changeait aussi.»
Matière-Matière, qu'ULaval nouvelles a visité, invite à toucher la texture de chanvre exposée. «C'est quelque chose de tangible qui évoque quelque chose de plus grand, estime l'étudiante. C'est un retour contemporain à un savoir-faire ancestral.»
La créatrice parle d'artisanat. «On les voit les imperfections dans les murs, l'impact des mains. Ce qu'on a fait se voit au final dans la matière.»
Pour au moins deux ans
Chaque année, le Festival international de jardins dévoile cinq nouvelles installations sur une vingtaine au total. À travers cette rotation, les projets peuvent perdurer. «On est là pour minimum deux ans. On a mis beaucoup d'effort pour que ça tienne longtemps», mentionne Rose-Marie Guévin.
L'événement, qui se poursuit cette année jusqu'au 1er octobre aux Jardins de Métis, a attiré plus d'un million de visiteurs depuis sa création en 2000.