«Une mine, ça ferme forcément, plus ou moins vite parce que ça dépend du marché, c'est la valeur des métaux qui détermine. Et quand une mine ferme, il ne se passe plus grand-chose. L'idée, c'est d'intégrer cette composante dans une vision plus large, c'est de penser au développement économique au-delà de la mine, c'est de réfléchir sur des mines responsables.»
Voilà comment Thierry Rodon, professeur titulaire à la Faculté des sciences sociales de l'Université Laval, résume le rôle du Laboratoire international associé (Maroc-Québec): Sciences environnements, sociétés et activités minières (LIA SESAM), lancé le 11 mai à Rabat, au Maroc. Une nouvelle entité qu'il codirige avec Mouna Fahr, professeure à la Faculté des sciences de l'Université Mohammed V.
Lisez les déclarations des personnes représentant les deux universités dans le communiqué officiel de l'événement.
Joints en visioconférence par ULaval nouvelles, ils ont raconté que le projet est né il y a deux ans, alors que le professeur Rodon et deux étudiants au doctorat ont fait un saut au Maroc pour rencontrer l'équipe de la professeure Fahr, le doyen et discuté d'une collaboration.
Expertises complémentaires
Leurs expertises sont complémentaires. «On se comprenait même si on ne venait pas des mêmes disciplines», lance le codirecteur du LIA SESAM. Lui est spécialisé dans les relations avec les communautés minières et le développement minier, du projet à l'opération, en passant par la fermeture et la restauration, alors que les travaux de sa collègue à Rabat touchent la réhabilitation des sites miniers par la végétation.
«Au sein d'un site minier, des plantes poussent naturellement. Notre objectif est d'identifier ces espèces végétales, de voir leur réponse à ces métaux et par la suite d'orienter leur utilisation. Certaines plantes sont utilisées pour limiter l'érosion, le passage des métaux vers les nappes phréatiques. D'autres plantes ont la capacité de fixer ces métaux dans leurs parties aériennes avec un pouvoir de dépollution», explique la professeure Fahr, aussi membre du Laboratoire de biotechnologie et physiologie végétales à l'Université Mohammed V.
Il y a de la recherche similaire au Québec sur des plantes locales, souligne le professeur Rodon. «On va échanger sur les meilleures pratiques qui se font dans les différents pays.» Car les membres de LIA s'étendent déjà au-delà du Maroc et du Québec. «On est complètement interdisciplinaire et interculturel», se réjouit le codirecteur, qui est également titulaire de la Chaire INQ sur le développement durable du Nord.
À titre de professeur de science politique, il souhaite que leur travail de recherche permette aussi aux politiques publiques d'évoluer. Il mentionne que le Maroc est un pays minier et que les mines représentent 5% du PIB au Canada.
L'université hors des murs
Les codirecteurs du LIA SESAM parlent avec enthousiasme de leur visite d'Ahouli, en octobre dernier. Cette ancienne mine de plomb et de zinc a cessé ses activités dans les années 1980, mais la ville minière est toujours habitée. Les professeurs veulent y faire un diagnostic social, sanitaire et environnemental. «C'est vraiment une approche d'université hors des murs. On ne veut pas travailler dans le bureau, on est des chercheurs de terrain», plaide Thierry Rodon. Leur prochain point de rencontre est l'Abitibi cet automne, en octobre.
Le nouveau LIA est un projet de cinq ans, dont les deux prochaines années sont déjà tracées, notamment avec l'organisation du séminaire Mining the Connections, en mai 2024, à Marrakech. L'échange de professeurs et d'étudiants et la codirection de thèses sont aussi à l'ordre du jour.
Ce programme de recherche s'inscrit dans l'actualité. «Les crises environnementale, sanitaire et géopolitique ne font que renforcer la pression sur la ressource minérale, laissant entrevoir un épuisement des gisements de plusieurs métaux primaires entre 2050 et 2100, souligne Mouna Fahr. La pression est telle que des gisements de plus en plus pauvres sont exploités, créant des impacts environnementaux et sociétaux de plus en plus importants. Il est temps d'accompagner l'activité minière par une implication multi et interdisciplinaire de la science dans une perspective de responsabilité croissante.»