Le mardi 7 mars, les membres du Conseil universitaire réunis en séance ordinaire au pavillon Louis-Jacques-Casault ont approuvé le projet de création d’un programme de diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en illustration scientifique. La décision a été rendue après la présentation du vice-doyen de la Faculté d’aménagement, d’architecture, d’art et de design, Alain Rochon, suivie de la présentation, par la présidente Josée Bastien, de l’avis du comité-conseil de la Commission des études, et des recommandations de la vice-rectrice aux études et aux affaires étudiantes, Cathia Bergeron.
Alain Rochon est le copromoteur du projet. Il est le responsable de la mise en place du programme et il en est le directeur. «Ce projet, dit-il, me tient beaucoup à cœur, étant moi-même designer et m’intéressant énormément à la science.» Les autres copromoteurs du projet sont tous rattachés à l’École de design. Ce sont les chargés d’enseignement Jérôme Lessard et Marius Gindac, ainsi que le professionnel de recherche Jean-François Bolduc.
L’illustration scientifique occupe une place de choix dans les sociétés modernes puisque celles-ci sont axées sur le savoir. Située à la croisée de l’art visuel, du design et de la science, l’illustration permet de donner un visage à quelque chose d’abstrait ou d’infiniment petit, d’expliquer un mécanisme, une interaction ou un phénomène complexe du domaine scientifique.
Depuis une vingtaine d’années, la recherche scientifique a connu un essor sans précédent. Une des conséquences de cette croissance est l’appétit grandissant du public pour la science et ses récents développements. Or, les objets de la science sont de plus en plus complexes, ce qui les rend plus difficiles à communiquer à un large public. C’est ici qu’intervient l’illustrateur scientifique.
«Les acteurs des domaines scientifiques ont de plus en plus recours à l’illustration pour communiquer les résultats de leurs recherches à différents publics, notamment avec la communauté scientifique, explique Alain Rochon. Toutefois, ils ne possèdent pas tous le talent ni les connaissances nécessaires pour créer des images d’une grande efficacité. L’illustrateur scientifique agit comme médiateur, comme intermédiaire entre le scientifique et ses différents publics cibles. Sa formation lui permet de comprendre les besoins du scientifique, la nature de ses préoccupations, sa science. Et ensuite d’être capable de la traduire en images.»
Au Québec, les besoins de vulgarisation sont là. On n’a qu’à penser aux 14 médias d’information et associations spécialisées qui ont recours notamment à l’illustration pour vulgariser l’actualité scientifique. Dans le domaine biomédical, 10 maisons d’édition éditent des manuels scolaires. En 2012, le Québec comptait 172 entreprises pharmaceutiques et biotechnologiques. L’illustration jouait un rôle essentiel pour schématiser les mécanismes d’action de leurs produits.
L’illustration scientifique joue aussi un rôle de premier plan en éducation, des programmes de science au secondaire jusqu’aux études supérieures.
De la géologie à la médecine
Le programme de DESS touchera à quatre domaines scientifiques: les sciences de la Terre, dont la géologie, les sciences du vivant, dont la botanique, les sciences de la santé, dont la médecine, et les sciences de l’espace.
«Dans le monde anglo-saxon, poursuit le vice-doyen, la majeure partie des programmes en illustration scientifique ne s’intéressent qu’au domaine biomédical. Nous voulons ouvrir les horizons. Nous essaierons de couvrir le plus grand spectre possible de la science. Dans la Francophonie, il n’existe qu’un seul programme d’illustration scientifique de niveau universitaire. Il se donne à Paris.»
Selon lui, l’illustrateur scientifique a un talent naturel en dessin. «Beaucoup de gens ont ce talent, affirme-t-il, mais ils ne l’ont développé que comme passe-temps. Comme ceux qui font de la musique et qui sont très bons sans avoir suivi de cours.»
Le DESS initiera l’étudiant à une palette de médiums, du simple crayon à mine jusqu’à la gouache, de l’aquarelle à des logiciels fort complexes permettant de faire des rendus complètement différents. «L’image fixe dessinée à la main, ajoute-t-il, mais aussi de l’animation qui apporte une dimension qui facilite la compréhension de l’image. Le fait que l’image bouge permet de comprendre davantage un phénomène scientifique.»
Alain Rochon insiste sur l’attention aux détails selon le type d’illustration. «Parfois l’image sera schématique, parfois le détail sera extrêmement important, explique-t-il. Par exemple, lorsqu’il s’agit d’illustrer des poissons. Pour un livre à portée scientifique où chaque écaille est comptée, il ne doit pas y en avoir une de plus ni une de moins. Les mesures et les proportions doivent aussi être très fidèles à la réalité. Le niveau de détails doit être extrêmement rigoureux, alors que dans d’autres cas, il ne sera pas nécessaire d’être aussi détaillé.»
Le DESS touchera aux sciences de l’espace. Selon lui, il y a un réel intérêt dans la population pour le cosmos. «Surtout, dit-il, depuis les images absolument magnifiques sur le plan esthétique envoyées par le télescope Hubble et, plus récemment, par le James-Webb. Ces images suscitent la curiosité de plusieurs. Plus largement, les scientifiques qui se penchent sur l’astrophysique mettent de l’avant des hypothèses extrêmement complexes. Plus que jamais, l’illustrateur scientifique peut aider à rendre ça plus accessible pour tout le monde. Quand on est rendus à parler d’univers parallèles et quand on considère que notre propre galaxie, qui est quand même immense, qui représente je ne sais combien d’années-lumière, n’est qu’une infime poussière à l’échelle du cosmos… Tout un défi attend l’illustrateur scientifique pour rendre intelligibles des données très complexes sur l’espace.»
En même temps que s’élabore le DESS à l’École de design, les enseignants de l’endroit sont à mettre sur pied le cours Communication visuelle de données scientifiques. Cette formation sera offerte à compter de l’automne 2023, principalement aux étudiantes et aux étudiants inscrits à un programme de science qui ressentiraient le besoin de développer certaines aptitudes pour faire eux-mêmes leurs communications scientifiques sur le plan visuel, ne serait-ce que savoir comment bien réaliser une présentation par affiche.
Le programme de diplôme d’études supérieures spécialisées en illustration scientifique sera rattaché à la Faculté d’aménagement, d’architecture, d’art et de design. Il sera offert à compter de la session d’automne 2024. L’objectif d’admission à court terme sera de 10 étudiantes et étudiants. Ce nombre pourra monter progressivement à 25. Ce programme de 30 crédits se déroulera à temps plein en formule intensive de 10 mois, c’est-à-dire de 3 sessions consécutives (automne, hiver, été). Le taux de diplomation prévu est de 90%.