Les inscriptions sont en cours pour un nouveau MOOC (Massive Open Online Course) sur la santé des peuples autochtones, qui se déroulera du 20 février au 5 mai. Huit modules sont offerts en ligne, pour un total de 24 heures de formation à réaliser à son rythme. Une occasion d'entendre des membres des Premières Nations et des Inuit sur les enjeux de santé qui les touchent et les efforts déployés dans leurs communautés pour y remédier.
«Plus il y aura d'information sur la santé autochtone dans notre milieu de travail et dans nos vies, mieux nous serons outillés pour agir comme il faut», estime Christopher Fletcher, professeur au Département de médecine sociale et préventive. Il a coconstruit ce MOOC avec Mathilde Lapointe, agente de planification, de programmation et de recherche au centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.
Pour éviter des décès comme celui de Joyce Echaquan, mais plus encore
Tous deux en conviennent, impossible de parler de la santé des premiers peuples sans penser à Joyce Echaquan. En septembre 2020, cette mère atikamekw de 37 ans publiait une vidéo en direct sur Facebook alors que des employées d'un hôpital lui proféraient des insultes à caractère racial. Sa mort, survenue peu après, a ébranlé le Québec.
«Les événements autour du décès de Joyce Echaquan sont très choquants, mais aussi représentatifs d'une série de problèmes très profonds auxquels on cherche des solutions, notamment par l'éducation», indique le professeur Fletcher, aussi chercheur dans l'Axe Santé des populations et pratiques optimales en santé au Centre de recherche du CHU de Québec.
Si ce drame a renforcé la pertinence du MOOC, l'idée a germé bien avant dans l'esprit du professeur Fletcher et le projet prend forme depuis 2019, sur la base des recommandations de la Commission de vérité et réconciliation du Canada.
La prémisse du MOOC: les inégalités de santé entre les populations autochtones et le reste de la population canadienne sont parmi les plus importantes dans notre société. Il est nécessaire de se familiariser avec les facteurs qui influencent négativement la santé des Premières Nations et des Inuit, mais il est aussi important de mieux comprendre les facteurs qui contribuent à la protéger.
La voix des peuples autochtones
La formation comprend des entrevues avec une vingtaine de personnes. «On est allé chercher des experts en santé, en politique», indique le professeur Fletcher, en nommant Ghislain Picard, chef de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, ou Michèle Audette, sénatrice et conseillère principale à la réconciliation et à l'éducation autochtone à l'Université Laval.
Pour les organisateurs, il était primordial d'aborder le sujet sous différentes perspectives, d'être une source d'information fiable et scientifique en santé publique et de faire entendre les voix autochtones. Le MOOC est donc le fruit d'une collaboration avec des membres de communautés et d'organisations autochtones, des professeurs de plusieurs universités québécoises et la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador.
«On veut vraiment mettre en évidence le potentiel et la volonté des gens dans les communautés et leurs efforts pour l'amélioration de la santé. Les Autochtones ne sont pas passifs devant les inégalités», souligne le professeur Fletcher.
Plusieurs modules présentent des études de cas, une approche prisée en anthropologie, ajoute Mathilde Lapointe, qui a fait une maîtrise dans cette discipline à l'Université Laval. «Il n'y a personne de mieux placé pour parler des cas d'une communauté que les membres de la communauté eux-mêmes.»
S'inspirer d'ailleurs
C'est en discutant avec un collègue néo-zélandais il y a six ans que le professeur Fletcher a eu l'idée de ce MOOC. «L'Australie et la Nouvelle-Zélande sont très avancées dans leur réflexion sur la santé autochtone, mais aussi d'un point de vue plus social et politique par rapport à la réconciliation, précise Mathilde Lapointe. Le concept de sécurité culturelle, qu'on aborde dans le MOOC, vient d'une infirmière d'origine maorie.»
Irihapeti Ramsden cherchait à atténuer l'insatisfaction du peuple maori – les Autochtones de la Nouvelle-Zélande – à l'égard des soins infirmiers qui leur étaient prodigués. Ses travaux ont permis de mieux outiller les professionnels de la santé afin qu'ils donnent aux Maoris des soins «culturellement sécuritaires», dans le but de diminuer les disparités en matière de santé, peut-on lire sur le site de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Une histoire qui fait écho.
«Les MOOC sont relativement nouveaux ici, poursuit l'agente de planification, de programmation et de recherche. Mais aux États-Unis, il en existe beaucoup et ils sont très bien faits. Ça a été une source d'inspiration pour nous. On trouve ça merveilleux d'avoir une formation de niveau universitaire poussée, avec des informations pertinentes et bien structurées, mais gratuite et ouverte à tous.»
À qui s'adresse ce MOOC?
Le professeur Fletcher indique que la formation s'adresse d'abord à un public s’intéressant aux questions de santé autochtone, peu importe la raison. Il espère interpeller les travailleurs du système de la santé. Et il vise également les autochtones qui y travaillent, des gens qui ont une perspective communautaire, mais qui n'ont peut-être pas eu une formation en santé publique.
Il voit aussi le MOOC comme un outil intéressant dans un contexte de haut taux de roulement de personnel en santé dans les communautés, alors que de nouveaux employés sont constamment formés. «On espère que ça peut aider les gens dans cette situation à mieux connaître leur milieu.»
Selon Mathilde Lapointe, tout le monde peut apprendre en consultant le MOOC. «Un professionnel de la santé innu, par exemple, qui entend une Mohawk ou une Abénakise parler s'ouvre à d'autres perspectives, à d'autres réalités.»
Elle ajoute que les participants recevront une trousse à outils avec beaucoup de références et de ressources supplémentaires pour approfondir la réflexion.
Ce nouveau MOOC offert en français aura éventuellement une version anglaise. D'une durée de neuf semaines, il nécessitera un effort hebdomadaire de deux à trois heures de la part des participants. Sans être une formation créditée, il peut s'accompagner d'une attestation de réussite. La période d'inscription prendra fin le 6 mars.
D'autres MOOC sont offerts par l'Université Laval.