
En Thaïlande ces jours-ci, Matthieu Guitton fait rayonner son expertise: l'analyse des cybercomportements. Comment agissent les gens dans les espaces virtuels? Comment la technologie peut-elle favoriser l'accès aux soins de santé dans les camps de réfugiés? Comment les influenceurs locaux peuvent-ils mobiliser les communautés?
Voilà un aperçu des intérêts de recherche du professeur à la Faculté de médecine et membre associé à l'École supérieure d'études internationales (ESEI). En plus de ses activités à l'Université Laval, il vient de recevoir une chaire professorale à l'Université Thammasat, à Bangkok. Une présence en Asie du Sud-Est qui ouvre les portes de cette région du globe à la communauté étudiante.
Vous êtes professeur à la Faculté de médecine, au département d'ophtalmologie et d'oto-rhino-laryngologie – chirurgie cervico-faciale. Qu'est-ce qui vous a amené à intégrer l'ESEI?
Mes sujets de recherche ont beaucoup évolué au cours des 20 dernières années. D'abord intéressé par le système auditif et les organes des sens, je me suis très tôt passionné pour le potentiel de la technologie, en particulier des espaces de réalité virtuelle. De cette passion sont nées mes recherches sur les cybercomportements, que ce soit pour la télémédecine [la pratique de la médecine, à distance, au moyen d'outils informatiques et de télécommunication] ou l'étude des communautés virtuelles.
Je travaille sur la manière dont les humains interagissent avec la technologie. C'est un sujet très multidisciplinaire. Dans nos recherches, on fait intervenir des méthodes qui vont de l'anthropologie à l'intégration des données massives, des cybercomportements à la cybersécurité, et forcément, on touche aux relations et aux dynamiques internationales, parce que la technologie est partout. On étudie actuellement comment les nouvelles technologies questionnent la souveraineté des états.
Une partie de ma recherche est faite en Asie du Sud-Est et, dans ce contexte, j'ai des étudiants de l'Université Laval qui y participent. Je suis aussi rédacteur en chef de la revue scientifique Computers in Human Behavior, une référence dans le domaine au niveau mondial.
Mon intégration à l'ESEI s'est donc déroulée très naturellement. Il y a une structure à l'Université Laval qui essaie de fédérer l'ensemble des gens qui ont un intérêt pour les études internationales, et j'y ai trouvé ma place.

Pourquoi l'approche multidisciplinaire est-elle si importante pour vous et pour l'ESEI?
L'une de mes premières étudiantes à la maîtrise à l'Université Laval avait un baccalauréat en flûte à bec. Elle a fait une maîtrise sur la cognition auditive. Elle était musicienne. Les gens de mon laboratoire qui venaient du domaine de la biologie ont monté d'un cran en compréhension de l'acoustique, pendant qu'elle a monté d'un cran en compréhension de l'anatomie. S'il y a de l'interdisciplinarité, tout le monde y gagne!
Dans mon laboratoire, aujourd'hui, j'ai des étudiants en télémédecine qui vont côtoyer des gens intéressés par la technologie et les relations internationales. Ils vont apprendre l'un de l'autre et élargir leur champ d'horizon, leur carnet d'adresses, leurs relations. C'est très bon pour eux. Avec leur diplôme, ils vont voir que d'autres métiers s'ouvrent à eux que celui pour lequel ils pensaient être destinés.
L'ESEI offre des études de haut niveau avec un accent sur les relations internationales, sur la diplomatie, sur le développement durable, sur la sécurité internationale. Il faut casser les limites disciplinaires pour répondre aux enjeux de société actuels et pour former les étudiants qui seront les futurs preneurs de décisions.
J'ai participé à une école d'été sur les causes et les conséquences des pandémies, organisée par le directeur de l'ESEI dans une approche multidisciplinaire. J'ai donné des cours sur le bioterrorisme [l'utilisation d'agents pathogènes à des fins terroristes]. On est allé plus loin que l'aspect médical ou épidémiologique pour faire de la prospective, pour donner à nos étudiants cette capacité d'être réactifs aux changements du monde contemporain.
Comme membre associé, l'ESEI m'apporte à moi une deuxième maison après mon département. Une maison intellectuelle dans laquelle je peux interagir avec des collègues qui ont des intérêts communs et, surtout, qui viennent de facultés différentes. Ensemble, on peut mettre au défi nos idées, nos perspectives et nos certitudes.
Comment décririez-vous les étudiants de l'ESEI? Quelle est votre dynamique avec eux?
Chaque fois que j'ai à interagir avec des étudiants de l'ESEI, je suis toujours très impressionné de voir à quel point nos jeunes ont une curiosité énorme et ont un réalisme sur l'environnement dans lequel ils évoluent. Qu'on parle de changements climatiques, de relations internationales ou d’autre chose, ils ne sont pas optimistes ou pessimistes, ils sont réalistes. On voit dans leurs yeux, leurs propos, leurs questions que si on les encadre comme il faut – et on est là pour ça –, ils ont le potentiel de se développer pour être des acteurs de changement. Nous, on transmet, mais c'est eux qui vont agir. Donc, chaque fois que j'interagis avec eux, je suis rechargé à bloc. Ils me redonnent de l'énergie pour aller plus loin.