Guerre en Ukraine, menace nucléaire, prix de l'essence, relations diplomatiques, changements climatiques… Les enjeux internationaux rythment l'actualité, comme ils sont au cœur de la recherche et de l'enseignement de l'École supérieure d'études internationales (ESEI). Sa mission: faire avancer les connaissances et former les futurs diplomates et experts en la matière.
Philippe Bourbeau en est le directeur depuis 2019, alors que l'ESEI a succédé à l'Institut québécois des hautes études internationales (HEI), qui existait depuis 25 ans. Lui et les membres chercheurs traversent les frontières des disciplines pour permettre aux étudiants de comprendre, de débattre et éventuellement d'agir sur la scène internationale.
Comment votre expérience vous a-t-elle mené à la tête de l'École supérieure d'études internationales?
J'ai commencé un doctorat à Vancouver [en science politique de l'Université de la Colombie-Britannique]. Par la suite, j'ai accepté un boulot en Belgique [professeur à l'Université de Namur], puis en Angleterre [professeur au Département de politique et d'études internationales à l'Université de Cambridge]. J'ai appris par des collègues qu'un poste de chaire de recherche du Canada s'ouvrait à l'Université Laval. J'ai accepté, en 2017, de revenir au Canada à cause de cette chaire. Moi, je suis un spécialiste de l'immigration, de la sécurité et de la résilience. C'est avec ce profil que je me suis présenté à l'Université Laval.
Dans un Département de science politique, je suis quelqu'un qui s'intéresse aux enjeux internationaux. De tout temps, j'ai toujours fait de l'interdisciplinarité ou de la multidisciplinarité. Je l'applique dans mes recherches. Je travaille sur des thèmes qui sont interdisciplinaires. Si on parle d'immigration ou de sécurité, il y a plein de disciplines qui travaillent sur ça. Si on parle de sécurité, il y en a encore plus.
Quand le poste de directeur de l'École supérieure d'études internationales s'est ouvert en 2019, j’y ai réfléchi très longuement. […] Il y a trois raisons très fortes pour lesquelles j'ai accepté. La première, on crée quelque chose, et ça, c'est très excitant en tant que professeur. La deuxième, c'est ce que je fais dans ma vie de recherche, de l'inter/multidisciplinarité. Et troisièmement, il y avait un ancêtre qu'on appelait les HEI, mais là, il y a une volonté double, à la fois de la direction de l’Université et à la fois des membres de l'École de pousser la dynamique plus loin. Et donc, le bateau, il est déjà parti, on va tous ramer dans le même sens, on est tous prêts à y mettre du sien.
Comment utilisez-vous ce bagage auprès des étudiants? Quelle est votre implication comme directeur?
Quand la pandémie est arrivée en mars-avril 2020, lorsqu'il y a eu une très forte zone d'incertitude, qu'on se demandait vers quoi on s'en allait et comment on allait gérer tout ça au Québec et partout ailleurs, certains professeurs se sont tournés vers moi, notamment Jean-Frédéric Morin, qui est un très bon collègue, et il m'a dit: «Pourquoi on ne fait pas une école d'été sur la pandémie, à caractère multidisciplinaire comme l'École l'est?»
L'une des premières choses qu'on a faites, depuis mon arrivée en 2019, a été de se tourner vers les occasions qui se présentaient à nous, de saisir la balle au bond et de prouver que la multidisciplinarité, c'est le cœur de ce qui se fait dans la vraie vie. On a donc organisé une école d'été sur les pandémies en mai-juin 2020 dans laquelle on a fait intervenir une trentaine de chercheurs et de décideurs publics.
Le ministre des Affaires étrangères du Canada est venu donner une conférence de deux heures aux étudiants. Il était extrêmement dynamique, extrêmement disponible; les étudiants ont évidemment adoré, parce qu'il leur a raconté comment la pandémie avait tout changé dans son travail.
La déléguée générale du Québec à New York est venue leur parler, l'ambassadrice du Canada aux Nations Unies est venue leur parler, Jean Raby [alors PDG] de Natixis Investment Managers est venu raconter, économiquement, les répercussions. Et 20 à 25 chercheurs de différents domaines sont venus expliquer comment la pandémie avait tel et tel effet pour les gens qui étudient l'environnement, telle et telle conséquence pour ceux qui étudient la sécurité alimentaire, ce qui allait se passer pour les gens en commerce international…
On a été capable d'offrir aux étudiants un lien direct entre ce qu'ils apprennent dans un cadre scolaire, universitaire, et ce qui leur arrive le soir, une fois qu'ils sortent du campus. Et de leur montrer que les chercheurs de l'École sont ouverts, compétents et dynamiques pour interagir avec eux.
Où voyez-vous l'ESEI dans cinq ans? Où comptez-vous l'amener, comment comptez-vous la développer?
J'ai l'immense privilège de travailler en collaboration avec la direction de l'Université, la rectrice, les vice-recteurs, La Fondation de l'Université Laval, les doyens des facultés associées [Sciences de l'administration, Sciences de l'agriculture et de l'alimentation, Droit, Foresterie, géographie et géomatique, Lettres et sciences humaines, Sciences sociales], les 70 membres du corps professoral de l'École et un merveilleux programme qu'on appelle Diplomates en résidence. L'École va être où tout ce groupe de gens veut l'amener. Tous travaillent pour faire de l'École, ce pôle de recherche et d'enseignement en pluridisciplinarité de l'international, la meilleure dans le monde francophone.
L'ESEI sera le fer de lance d'une nouvelle façon de regarder l'international et de comprendre qu'on ne peut pas étudier l'immigration, l'environnement, le commerce, la sécurité si on n'a pas le début d'une perspective pluridisciplinaire.
On va augmenter le nombre d'étudiants, on va augmenter le nombre de professeurs, on va augmenter le nombre de membres, on va faire d'innombrables conférences de haut niveau à l'international. S'il y a un dynamisme à chercher sur l'événement international, nous on pense qu'il sera assurément à l'ESEI, sur le campus de l'Université Laval, et on souhaite que les gens se rendent compte qu'il sera à Québec, parce qu'une École comme la nôtre, il n'y en a pas d'autre.
Où sera-t-on dans cinq ans? On sera établi comme étant l'École qui a su regarder l’avenir, qui est pluriel; on sera ceux qui ont compris comment le monde se dessine.