Le vendredi 28 octobre, une quarantaine de personnes étaient réunies dans une grande salle du pavillon Gene-H.-Kruger pour la signature de deux importantes ententes de recherche entre l’Université Laval et la région Nouvelle-Aquitaine, en France. La première entente portait sur la création d’un regroupement franco-québécois sur la problématique de l’eau à l’ère des changements climatiques. Ce grand réseau transatlantique de recherche et d’échange regroupe le Centre québécois de recherche sur l’eau CentrEau, dirigé à partir de l’Université Laval, et le Réseau régional de recherche sur l’eau en Nouvelle-Aquitaine – Naïades. La seconde entente visait à reconduire le partenariat NAQeau, le Réseau scientifique Nouvelle-Aquitaine Québec de l’eau.
Prenant la parole, la rectrice Sophie D’Amours a qualifié la rencontre de «beau moment». «Avec le partenariat CentrEau – Naïades, a-t-elle dit, une collaboration scientifique s’élargit. On tient trop souvent pour acquise la ressource eau. Il faut s’en soucier.» Selon elle, on ne peut que sortir gagnant de cette entente. «Tout le monde ici est très au fait des défis pour faire face à la crise climatique, a-t-elle ajouté. L’eau est essentielle à notre vie. Je crois que nous pourrons ensemble faire des avancées significatives dans ce domaine.» Elle a souligné que le Réseau scientifique Nouvelle-Aquitaine Québec de l’eau avait fait ses preuves. «C’est pourquoi, a-t-elle poursuivi, l’entente CentrEau – Naïades nous amène encore plus loin sur le chemin de la coopération. Elle fera la promotion d’un usage responsable de l’eau, à en assurer la disponibilité pour les générations futures. Je vous invite donc à faire plus et mieux ensemble, à chercher à accroître votre impact sur la société et à trouver quelles seront les niches de demain.»
Pour sa part, le professeur du Département de génie géologique de l’Université Laval et directeur par intérim de CentrEau, René Therrien, a rappelé que des chercheurs de neuf universités québécoises et de trois centres de transfert technologique de niveau collégial travaillent sur des thématiques très ciblées. «CentrEau, a-t-il expliqué, regroupe plus de 50 membres réguliers, près de 300 membres étudiants et une centaine de collaborateurs au Québec et ailleurs. Notre thématique principale est la gouvernance de l’eau. On s’intéresse aussi aux enjeux de la disponibilité de l’eau et à son usage. C’est très intersectoriel. Et le lien avec Naïades est tout à fait naturel.»
François Anctil est professeur au Département de génie civil et de génie des eaux de l’Université Laval. Il est aussi coresponsable du réseau NAQeau. D’entrée de jeu, il a mentionné que ce réseau touchait au génie des eaux, au génie chimique et au génie biologique ainsi qu’à des disciplines telles que la philosophie, le droit et l’économie. «On a besoin de cette diversité pour pouvoir aborder les défis de l’eau, a-t-il dit. Cela permet de tester des idées avec des manières de faire différentes, de ne pas se spécialiser trop sur notre réalité. Avoir l’esprit ouvert permet de chercher les meilleures idées possibles.»
Un territoire affecté
Selon le président de la région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, ce territoire a été le plus affecté cet été, en France, par la sécheresse et la canicule. «Il fait 28 degrés Celsius aujourd’hui dans notre région, ce qui est totalement aberrant, a-t-il indiqué. À Agen ou à Toulouse, l’eau qui sort du robinet est à 26 degrés. Comment peut-on purifier une eau qu’on prélève à une telle température dans les rivières et les fleuves?»
L’élu a rappelé que les grands bassins du Lot et de la Garonne ont un manque d’eau en période d’étiage de 220 millions de mètres cubes. «Dans l’Aveyron, a-t-il poursuivi, des rivières étaient quasiment à sec cet été. Dans les Pyrénées, vous avez des ruisseaux à sec à 1000 ou 1500 mètres d’altitude. Les conséquences sur l’eau sont assez terribles. Nous allons essayer de régler cette situation notamment par l’irrigation, la lutte contre le gaspillage industriel et citoyen, et la réutilisation des eaux usées.»
Une accélération des effets du dérèglement du climat
En marge de la cérémonie de signatures, ULaval nouvelles s’est entretenu avec Alain Dupuy, directeur de l’École nationale supérieure en environnement, géoressources et ingénierie du développement durable à Bordeaux INP et cosignataire des deux ententes. Celui-ci a d’abord rappelé qu’il y a trois ans, ses collaborateurs et lui avaient remis un rapport au président Alain Rousset sur l’état des connaissances sur l’effet du dérèglement du climat en Nouvelle-Aquitaine.
«Le rapport disait qu’une accélération des effets allait se faire sentir, explique-t-il. Nous sommes trois années plus tard et nous sortons de trois années consécutives qui établissent un nouveau record de température, chaque fois accompagné d’un déficit hydrique. On est dans la crise. Des cours d’eau sont à sec; on constate partout un débit minimal des plans d’eau et les précipitations sont sporadiques et localisées. On sait que c’est là pour encore longtemps. Donc, on est vraiment dans une crise à la fois quantitative et qualitative.»
Il y a plus de 12 ans, Alain Dupuy et ses collègues français avaient commencé à travailler sur les problématiques de l’eau, notamment sur les effets du changement climatique sur la gouvernance de la ressource eau. Tous les angles de recherche ont été mis en place avec la création en 2012 du Réseau scientifique Aquitaine Québec de l’eau (AQeau), renommé AQeau2 en 2016, puis Réseau scientifique Nouvelle-Aquitaine Québec de l’eau en 2022 (NAQeau).
«Le réseau NAQeau, dit-il, est une petite communauté de recherche. Nous avons, par contre, une activité relativement importante. C’est vivant, c’est humain. On a créé des liens entre nous. On a maintenu nos échanges malgré la pandémie. Nous avons tenu à faire vivre cette entente parce que nous avons des complémentarités de compétences qui sont réelles. Et on a des partenaires conjoints, comme nous, à l’international. J’envoie des étudiants en échange à l’Université Laval. J’ai hébergé deux professeurs en sabbatique de cet établissement. Quelques thèses en cotutelle ont été écrites.»
Le 16 décembre, Léa Bussière fera la soutenance de sa thèse interuniversitaire en sciences de la Terre. Dans sa recherche, la doctorante française compare ce qui s’est passé potentiellement en Nouvelle-Aquitaine il y a 10 000 ans avec ce qui se passe actuellement avec la fonte du pergélisol au nord du Québec. «On a des traces d’un phénomène qu’on ne sait pas interpréter, explique le directeur. On a supposé que quelque chose est dû à l’évolution du pergélisol. On a pu l’observer au Québec.»
Dans la foulée de la création en 2019 du réseau CentrEau au Québec, Alain Dupuy a été mandaté par le président Rousset pour créer des réseaux thématiques de recherche, dont un sur l’eau, le Réseau régional de recherche sur l’eau en Nouvelle-Aquitaine – Naïades. Il fut ensuite chargé de coordonner la mise en place de ce réseau. Vint ensuite ce questionnement: et si l'on créait un pont entre nous et les chercheurs de CentrEau? «Ce nouveau réseau, souligne-t-il, est une brique de connaissances et de partenariats. Les 5 sites universitaires de la région Nouvelle-Aquitaine y participent, de même que 18 établissements de recherche. Quarante laboratoires ou équipes de recherche réunissent quelque 200 chercheurs de tous les champs disciplinaires sur la problématique de l’eau.»