Les professeurs et archéologues Allison Bain, Karine Taché et James Woollett, tous rattachés au Département des sciences historiques, ont dirigé des chantiers de fouilles archéologiques entre mai et juillet à Québec, Saint-Augustin-de-Desmaures et Nominingue, ainsi que dans le nord du Labrador. Depuis la mi-août, le professeur et archéologue Réginald Auger fait de même au sud de Terre-Neuve, plus précisément à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il sera rejoint le 8 septembre par la professeure et géoarchéologue du Département de géographie, Najat Bhiry.
Dès le 9 mai, Allison Bain et Karine Taché, coresponsables du chantier-école en archéologie historique de l’Université Laval, ont investi le site de la ferme Cadet accompagnées de 13 étudiantes et étudiants au baccalauréat en archéologie et de trois stagiaires à la maîtrise. Lancé au printemps 2021, prévu se terminer dans deux ans, le projet fait l’objet d’une entente tripartite entre l’Université, la Ville de Québec et la Compagnie Saint-Charles, propriétaire du site. L’endroit est situé près de la rivière Saint-Charles dans le secteur Duberger-Les Saules, à Québec. Le site, qui avait une vocation agricole dans le lointain passé, a été nommé ainsi d’après Joseph-Michel Cadet, un riche homme d’affaires sous le Régime français, munitionnaire général du Roi et propriétaire des lieux entre 1752 et 1766.
«Le site est immense et complexe, soutient Allison Bain. Nous faisons de petites superficies chaque saison. Il y a beaucoup à fouiller.»
Le chantier a pris fin le 10 juin. Les travaux de fouilles se sont concentrés sur les vestiges associés à une résidence du 18e siècle et à un bâtiment du 19e siècle. Ils visaient à mieux comprendre la construction et l’organisation des deux structures. Ils visaient aussi à documenter la transition dans l’occupation du site, après la Conquête de 1759-1760, entre le Régime français et le Régime anglais.
«Étudier cette maison à la campagne est digne d’intérêt, affirme la professeure. On voit vraiment une différence d’avec ce qui se passait à l’époque en milieu urbain dans les méthodes de construction et dans les matériaux choisis. Ces différences sont intéressantes à étudier, car à la campagne, on voit que parfois plein de pierres des champs côtoient des blocs taillés. Parfois il y a du mortier, parfois il n’y en pas. En plus, cette maison est complexe à étudier, on n’a pas quatre murs imbriqués. Il y a plutôt des sections de mur refaites. C’est donc un casse-tête incroyable auquel ont été confrontés les étudiants.»
Un grand nombre d’artefacts ont été découverts ce printemps. Allison Bain souligne la qualité des objets exhumés. «Les occupants au 18e siècle n’étaient pas pauvres, dit-elle. C’est ce que suggère, entre autres, la qualité de la céramique retrouvée.»
La fouille archéologique paléohistorique
Du 4 au 22 juillet, Karine Taché a séjourné dans les Hautes-Laurentides, plus précisément à Nominingue, où elle a dirigé des fouilles au site du ruisseau Jourdain, un cours d’eau tributaire du grand lac Nominingue. Elle a aussi effectué deux courts inventaires archéologiques dans la région.
«En 2021, nous avions fouillé en damier une aire de 8 par 3 mètres, explique la professeure Taché. Un puits sur deux était conservé intact afin de pouvoir observer la stratigraphie. Cet été, notre chantier était pour la première fois un cours universitaire crédité. L’objectif était de former quatre étudiants universitaires de premier cycle à la fouille archéologique paléohistorique et deux étudiants inscrits à la maîtrise à organiser et diriger une campagne de fouilles sur le terrain. Une stagiaire post-doctorale faisait aussi partie de l’équipe. Un autre objectif significatif pour nous était de travailler avec nos collègues et amis anishinabeg-algonquins de Kitigan Zibi. Trois sont revenus pour une seconde année participer aux recherches sur le terrain.»
Mentionnons que cette participation s’inscrit dans une reconnaissance du droit inhérent des premiers peuples à gérer leur patrimoine culturel et archéologique. Elle a pour objectif de contribuer à la formation d’une nouvelle génération d’archéologues issus des communautés autochtones.
L’équipe comprenait également un archéologue-historien et un archéologue préhistorien. Il y avait aussi deux archéologues expérimentateurs. Ceux-ci ont participé au projet, qui consistait à vérifier la qualité de certaines sources d’argile de la région. Tous les membres de l’équipe ont ensuite fabriqué des petits pots. «Les résultats obtenus à la cuisson, dit-elle, ont été surprenants, montrant que nous avons de l’argile adéquat pour la fabrication de poterie.»
Durant son séjour, l’équipe a fouillé un assez grand volume de sédiments, ce qui a eu comme conséquence la mise au jour d’une grande quantité de témoins matériels. «Nous avons découvert une bonne partie de la gamme des artefacts paléohistoriques susceptibles d’être trouvés en contexte laurentien, indique Karine Taché: tessons de céramique, outils et éclats en pierre taillée, os blanchis qui témoignent de cuisson et, pour une première fois croyons-nous, un outil en os travaillé!»
Les étudiants ont terminé leur formation par une semaine de travail en laboratoire afin de traiter une partie de la culture matérielle mise au jour.
Tailler la pierre, fabriquer de la poterie
Du 1er au 12 août, la Station agronomique de l’Université Laval à Saint-Augustin-de-Desmaures a accueilli un chantier-école en archéologie dans le cadre d’un programme immersif en langue et culture wendat pour les jeunes âgés de 15 à 30 ans de Wendake, près de Québec. Au cours de ce chantier offert par l’Université Laval en partenariat avec le Centre de développement de la formation et de la main-d’œuvre huron-wendat, huit étudiantes et étudiants ont été initiés à la pratique de l’archéologie. Ils ont participé à la fouille d’un site paléohistorique, retournant la terre et la tamisant. Ils ont appris comment documenter la fouille. Ils ont aussi pris part à différents ateliers d’archéologie expérimentale, tels que la taille de la pierre et la fabrication de poterie. Ce projet s’inscrit dans l’entente de partenariat entre l’Université Laval et le programme EleV de la Fondation Mastercard.
Le chantier-école de la rivière des Roches visait à permettre aux étudiants d’entrer en relation avec leur passé, leur territoire et leurs traditions, en plus de leur donner les moyens de se réapproprier leur histoire à l’aide de l’archéologie.
«Après avoir travaillé sur leur propre culture, l’histoire, la généalogie, la langue, les jeunes ont trouvé très intéressant le fait de se projeter dans le passé en explorant un site autochtone que l’on soupçonne remonter avant la présence des Européens sur le territoire, explique Allison Bain. On présume que le site date d’au moins 1000 ans avant aujourd’hui. La fascination pour le passé était au rendez-vous dans le fait de comprendre que quelqu’un était là il y a un millier d’années et qu’il a fabriqué l’objet ou le fragment d’objet que l’on vient de trouver.»
Les découvertes faites lors du chantier-école de la rivière des Roches témoignent qu’un événement de taille de pierre s’est déroulé sur ce site temporaire.
Selon l’archéologue coresponsable du chantier-école, Laurence Pouliot, une base de biface brisée ainsi qu’une ébauche de biface ont été mises au jour, en plus des différents éclats de taille caractéristiques d’une telle activité.
«Lors de l’analyse en laboratoire, qui se fera cet automne, poursuit-elle, il est possible que d’autres fragments d’outils ou d’ébauche d’outils soient identifiés. L’absence d’outils finis vient également appuyer l’hypothèse comme quoi les objets fabriqués lors de cet événement de taille auraient été emportés lors du départ des occupants du site. Considérant la petite surface qui a été fouillée, il est toutefois difficile d’interpréter plus précisément le site de la rivière des Roches et les recherches futures nous permettront d’affiner nos hypothèses.»