Le 6 septembre prochain, Antoine Hurez commencera à travailler chez McFarland Marceau Architects, à Vancouver. En larmes depuis Caen, il explique avoir eu cette belle occasion grâce au professeur Jacques Plante de l'École d'architecture, avec qui il a gardé contact jusqu'à son décès, début juillet. «Il m'a mis en relation avec la cofondatrice de l'agence, Marie-Odile Marceau. Son départ me donne envie de réussir là-bas.»
À l'hiver 2020, Antoine Hurez a participé à un concours international avec un projet réalisé dans le cadre du cours Atelier VI, donné conjointement par Jacques Plante et Richard Pleau, un spécialiste des structures. L'objectif: imaginer un nouveau type de marché public conçu prioritairement en acier. Avec son coéquipier Hatem Bouassida, il a remporté un premier prix, tandis que deux autres étudiantes avaient reçu une mention honorable. «Ils ont fait preuve d'une authentique créativité», avait commenté avec fierté le professeur Plante à ULaval nouvelles, en parlant de ses protégés.
«J'aime faire des concours et on partageait ça. Il aimait gagner, et moi aussi», glisse Antoine Hurez dans un sourire.
Le jeune homme originaire de France a eu «la chance» de côtoyer le professeur Plante en salle de cours jusqu'au 13 mars 2020, avant que tout ne ferme à cause de la pandémie. «Il m'a dit déjà dit: “Tu n'as pas de doutes à avoir, tu es fait pour ce métier”. Il était bienveillant. Il conseillait beaucoup. Il n'était pas dans la critique négative, même quand il faisait partie de jurys. Il était toujours de bonne humeur. On voyait qu'il aimait beaucoup enseigner», confie son ancien étudiant, en ajoutant qu'il aurait souhaité poursuivre sa carrière professorale.
Xavier Nolan peut aussi témoigner de son dévouement. Jacques Plante l'a aidé dans son essai de maîtrise, alors qu'il était en année sabbatique. «Il me disait: “Je le fais pour un ami. C'est comme ça que tu dois le voir.” Jamais je n'aurais cru qu'il allait m'accorder autant de temps, une fois par semaine, un à un, malgré sa propre recherche et sa maladie. Je lui en serai toujours reconnaissant.»
Pour Jacques Plante, l'université représentait un lieu d'avancement dans la société. «Elle suscite, initie des choses», confiait-il au quotidien La Presse en 2016. C'est sans doute ce qui l'incitait à faire réfléchir ses étudiants sur divers projets d'actualité ou autres, comme le stationnement multiétage situé en face du Musée de la civilisation, il y a quelques années. Ou lorsqu'il leur a demandé d'imaginer ce que pourrait être l'École d'architecture du 21e siècle.
Diplômé de l'Université Laval et du Massachusetts Institute of Technology, Jacques Plante a été chargé de cours à l'École d'architecture de l'Université de Montréal, puis à l'École d'architecture de l'Université Laval, où il est devenu professeur titulaire en 2007 et agrégé en 2012, tout en cumulant 40 ans de pratique comme architecte.
Praticien et universitaire
Son legs, essentiellement dans le milieu culturel, témoigne de sa créativité et de sa passion pour la protection et la mise en valeur du patrimoine. Seul ou en collaboration, il a entre autres réalisé Le Diamant, la Caserne Dalhousie, les théâtres La Bordée et Périscope, la transformation du Palais Montcalm ainsi que la TOHU, chapiteau des arts du cirque, à Montréal.
«Son approche était scénographique, il a travaillé avec Robert Lepage. Il avait cette façon d'aller au-delà de la demande pragmatique. Il essayait d'injecter une âme, un peu de spectacle, un peu de surprise et de désirabilité», analyse le professeur Jacques White, qui était directeur de l'École d'architecture au moment de la titularisation de Jacques Plante.
«On était content d'engager un praticien», se rappelle celui qui était aux premières loges pour évaluer son dossier. Il a vu les témoignages des étudiants et mesuré toute l'influence des enseignements de l'architecte. «Il forçait tout le monde à se dépasser. Ceux qui n'avaient pas envie souffraient. Ceux qui en avaient envie souffraient aussi, mais s'accomplissaient», dit-il au sujet de ce confrère authentique, au franc-parler.
Au-delà du praticien, Jacques White salue l'universitaire, qui a contribué à la production et à la diffusion des connaissances, notamment avec la publication de trois ouvrages: Architectures du spectacle au Québec (2011), Architectures de la connaissance au Québec (2013) et Architectures d'exposition au Québec (2016).
«Ce qui est remarquable dans ses livres, c'est la documentation de tous les cas, que ce soit les théâtres, les bibliothèques ou autres. Il est allé chercher des intellectuels, des gens de grand talent, pour contribuer au propos. Il a fait l'effort de demander à ses étudiants de reconstituer tous les dessins des projets analysés pour les comparer, notamment à travers ce que l'on appelle une coupe, qui permet de voir l'intérieur du bâtiment, les entrailles. C'est unique d'avoir produit des livres avec autant de dessins, une nouvelle perspective complète sur l'ensemble des projets.» Il parle d'un exercice rigoureux d'analyse, autant pour les spécialistes que pour la population en général.
«Jacques ne négligeait rien. Il s'intéressait aux grandes idées autant qu'aux détails. Il était du type passionné, productif, toujours le gaz au fond. J'ai rarement vu quelqu'un comme lui, aussi engagé dans tout ce qu'il faisait», lance le professeur White.
La carrière de Jacques Plante a été couronnée de plus de 45 prix et distinctions. En janvier dernier, la Chambre de commerce et d'industrie de Québec le nommait Grand Québécois, lui qui fait partie de ces bâtisseurs qui ont marqué la région et contribué à son rayonnement par leurs réalisations et leurs enseignements.