23 juin 2022
De l’aviation à l’agriculture urbaine, en passant par les compétences émotionnelles
Les étudiants finissants de la cohorte 2021-2022 de la maîtrise professionnelle sur mesure en intelligence et transformation ont fait une présentation par affiche de leurs projets d’intervention
Ils étaient une vingtaine, ce jeudi 16 juin, à se réunir dans une salle et à l’extérieur de celle-ci au pavillon Alphonse-Desjardins pour présenter sous forme d’affiche les projets de recherche qu’ils ont réalisés durant trois sessions en 2021-2022 dans le cadre de la maîtrise professionnelle sur mesure en intelligence et transformation. Cette formation s’inscrit dans le programme des Chantiers d’avenir, une initiative unique au Québec mise de l’avant en 2019 par la rectrice Sophie D’Amours.
L’un de ces étudiants finissants était Léandre Lavoie-Hudon, auxiliaire de recherche de deuxième cycle à l’École de psychologie de l’Université Laval. Son projet d’intervention avait pour objectif d’adapter un système d’aide à la décision préexistant, Cognitive Shadow, au contexte de l’aviation. Cet outil a été développé par l’entreprise partenaire Thales.
«Le problème est que, face aux situations imprévues qui surviennent régulièrement en vol, comme lors de l’approche instable au moment d’atterrir, les pilotes n’ont aucun support, explique-t-il. Cela contribue grandement aux risques d’accidents. Ma recherche avait pour but de donner pour la première fois un support aux pilotes dans certaines des situations imprévues auxquelles ils font face. L’adaptation de Cognitive Shadow impliquait premièrement de lui donner une nouvelle forme, et deuxièmement de m'assurer que celle-ci respecte les nombreuses contraintes liées à ce nouveau contexte.»
Dans le cadre de son projet, Léandre Lavoie-Hudon a mis au point un prototype d’interface pour Cognitive Shadow. Basée sur la littérature d’ergonomie cognitive et de facteurs humains, cette interface a fait l’objet de tests préliminaires. Les tests plus rigoureux auront lieu plus loin dans le cycle de développement.
La technologie est au centre de ce projet, car c’est elle qui permet l’innovation proposée. «Sans l’intelligence artificielle de Cognitive Shadow, indique-t-il, il serait impossible de donner des recommandations aux pilotes dans des situations imprévues.»
Le reste du développement sera fait par Thales. «Ils espèrent rendre l’application disponible dans un horizon de cinq ans et continuer de développer cette technologie ensuite, souligne l’étudiant. À partir de ce moment, elle devrait servir dans des avions commerciaux pour rendre les vols encore un peu plus sécuritaires qu’ils ne le sont déjà.»
La gestion intelligente des émotions en milieu professionnel
Un Canadien sur cinq souffre de problèmes de santé mentale et le coût de la prise en charge avoisine les 90 milliards de dollars depuis 2021. Les mutations constantes des environnements de travail et la gestion des changements au sein des entreprises représentent de véritables défis pour la santé mentale des individus et la performance productive des entreprises.
«Partant d’un tel constat, nous nous sommes demandé comment l’on pourrait concevoir un programme de gestion intelligente des émotions en milieu professionnel dans une démarche théorique neuro-sémiotique articulée dans des pratiques ludopédagogiques», explique Jehú A. Hernandez, directrice de la gestion des opérations à l’Institut ludopédagogique du Québec (ILQ).
Selon elle, il y a un grand besoin dans la population de se connecter à ses émotions. «Il y a, dit-elle, une conscience dans la population que nous devons devenir plus humains. Dans notre formation, nous voulons agir de façon très ludique, décontractée. C’est une formation très pratico-pratique où on va apprendre aux gens à identifier les émotions, à savoir reconnaître les émotions chez l’autre, à développer de l’empathie et à avoir une maîtrise de soi.»
L’approche neuro-sémiotique aborde et conçoit les émotions comme un levier de connaissance de soi, de renforcement des capacités cognitives. Dans son projet, l’étudiante a combiné théories et mécaniques des jeux sérieux aux pratiques de la réalité virtuelle et augmentée, tout en intégrant des technologies intelligentes de pointe à des outils multimédias.
Au fil de son projet d’intervention, Jehú A. Hernandez a développé une série d’ateliers ludopédagogiques interactifs et réflexifs faits de jeux de rôle et de simulations, de techniques de relaxation et de cohérence cardiaque en présentiel. Par ces ateliers, les gestionnaires et les travailleurs sont accompagnés dans le développement de savoir-faire et de savoir-être. «Pour les pratiques ludopédagogiques, ajoute-t-elle, nous développons le prototype d’un espace immersif 3D couplé à la réalité mixte et à des systèmes experts comme ressource complémentaire de formation au programme.»
L’entreprise partenaire de ce projet est l’ILQ. «Nous avons commencé à offrir les ateliers aux entreprises membres de l’Institut, souligne-t-elle, et nous commencerons en septembre à faire la promotion de la formation auprès d’autres entreprises. Pour la technologie, nous continuons la conception des ateliers ludopédagogiques interactifs.»
Un parcours expérientiel à mettre en place
Le projet d’intervention de Rachel Lapointe, directrice générale du Musée acadien du Québec, porte sur le renouvellement de l’expérience visiteur dans cet établissement. Il vise à mettre en place un parcours expérientiel adapté aux différents types de visiteurs, principalement la clientèle touristique, locale et familiale, ainsi que l’intégration d’un outil d’évaluation à la fin du parcours.
Le Musée contient environ 4000 artefacts et documents d’archives. L’expérience visiteur actuelle comprend l’exposition permanente, les programmes éducatifs, la présence Web et d'autres aspects. L’établissement est le partenaire de ce projet.
La problématique centrale du projet tourne autour de l’expérience visiteur actuelle qui n'atteint pas ses objectifs de rétention de l’information et de sensibilisation des visiteurs.
«Depuis une dizaine d’années, la baisse de visiteurs est d’environ deux pour cent par an, précise la directrice. On n’a pas de mesures d’évaluation par les visiteurs à la fin de leur parcours. Cette situation empêche de bien planifier, d’ajuster notre offre pour bien répondre aux besoins des visiteurs.»
Dès cette saison estivale, le Musée implantera un parcours expérientiel adapté aux différents types de visiteurs. Ce parcours comprendra l’intégration d’un outil d’évaluation à la fin de la visite. Il sera agrémenté d’une dizaine de pastilles numériques bonifiant le contenu présenté.
La technologie facilitera la mise en œuvre du parcours expérientiel et de son outil d’évaluation. Elle permettra aussi d’offrir des expériences interactives aux visiteurs, lesquelles bonifieront le contenu présenté.
«Le parcours mis en place cet été sera en mesure d’évoluer avec le Musée au fil du temps, souligne Rachel Lapointe, et pourra refléter les attentes et les besoins des visiteurs. Le Musée sera en mesure de réaliser sa mission et de faire rayonner le patrimoine, la culture et l’histoire des Acadiens du Québec.»
Selon elle, les musées se dirigent de plus en plus vers le numérique. «Il faut s’assurer que la technologie soutienne le contenu présenté, affirme-t-elle. Elle doit apporter une valeur ajoutée. Elle doit apporter de l’information qui n’est pas déjà là pour que cela ait une incidence plus grande et que cela serve à quelque chose. Le visiteur veut de l’expérientiel et de l’interactivité, mais il est important pour les responsables de musée que ce soit porteur de sens également.»
Un prototype d’avatar en intelligence artificielle
Caroline Mailhot est codirectrice du Studio Open House. Son projet d’intervention visait la création et l’élaboration d’un prototype d’avatar en intelligence artificielle permettant aux usagers d’avoir accès à des services en santé mentale et à des exercices de développement personnel au moyen d’une interaction avec un ami virtuel, dans un environnement sonore immersif, interactif et individualisé.
«Certaines personnes ont de la difficulté à adopter ou à maintenir de saines habitudes de vie et un regard bienveillant envers elles-mêmes ainsi qu’à reconnaître leur valeur intrinsèque, explique-t-elle. L’objectif de la recherche était d’établir une ressource complémentaire à celles des psychologues et des travailleurs sociaux, tout en offrant des outils concrets permettant d’autonomiser les utilisateurs dans la régulation de leur hygiène mentale et de leur bien-être.»
Caroline Mailhot a conçu un parcours utilisateur personnalisé permettant de reconnaître sa propre valeur et d’expérimenter en réalité virtuelle pour mieux vivre le réel. La solution technologique proposée est celle d’une application sur le téléphone intelligent en combinaison avec le casque de réalité virtuelle. Les algorithmes personnalisés et les méthodes de catégorisation statistiques sont, eux aussi, essentiels au développement du projet.
«Le projet, qui en est encore à ses balbutiements, nécessitera l’élaboration et la coordination d’équipes pour créer un prototype, indique-t-elle. Nombre d’autres recherches seront effectuées dans les prochaines années par le partenaire Studio Open House, tant pour acquérir une meilleure compréhension des différentes perceptions de la réalité quotidienne des utilisateurs que pour établir un système de classification des données intuitif, cohérent et efficace.»
Une solution d’intervention pour des projets d’agriculture urbaine dans les écoles
L’entreprise Vireo met de l’avant des projets d’agriculture urbaine hydroponique dans les écoles, les élèves étant invités à cultiver des plants, des fruits et des légumes. Or, ces projets qui visent à reconnecter les élèves à la nature ne sont pas utilisés à leur plein potentiel éducatif. Les enseignants responsables de ces projets sont surchargés et il est difficile de mobiliser efficacement tous les participants. Il y a donc un risque de désengagement et d’abandon du projet après une année.
«L’objectif de notre recherche consistait à développer une solution d’intervention qui permettrait de faciliter la mise en place et la réalisation de tels projets, explique Louis-Étienne Vallières-Chabot, chercheur et concepteur en design de produit pédagogique chez Vireo. Au terme de la maîtrise, le but est de proposer une solution numérique qui viendrait accompagner les écoles et faciliter l’engagement des participants, élèves, enseignants et autres pour faire évoluer le projet à long terme.»
Dans le cadre de ce projet d’intervention, Louis-Étienne Vallières-Chabot et son collègue chez Vireo Marc-Alliocha Rudolf ont fait le design d’une application qui se veut un point de rassemblement numérique pour ce type de projets d’agriculture urbaine.
«L’application proposée mise sur les dynamiques sociales d’une communauté et les bonnes pratiques de l’apprentissage par projet pour créer de l’autodétermination chez les usagers au sein d’une communauté, souligne Louis-Étienne Vallières-Chabot. En mettant l’accent sur les contributions de chacun, la progression du projet et surtout les relations humaines, nous proposons une application numérique servant de guide pour encourager l’engagement des participants dans le projet.»
Les résultats de la recherche et de la démarche d’intervention seront repris par Vireo, l’entreprise partenaire. Les pistes de solution apportées seront intégrées dans le développement technologique de Vireo, qui a déjà un produit numérique en développement. Ultimement, cet outil numérique pourrait être utilisé dans une variété de projets de développement durable ou dans des projets entrepreneuriaux en milieu scolaire.
Une nouvelle pédagogie
La présentation par affiche du 16 juin marquait la fin d’un parcours exigeant et riche en expériences humaines. «Une forte majorité de cette cohorte, indique le doctorant en psychologie à l’Université Laval Benoît Béchard, nous a dit que le parcours fut difficile, qu’il comportait des défis, mais que finalement ils en sortaient grandis, ils avaient appris un tas de choses transversales qui allaient les aider à cheminer dans la vie.»
Benoît Béchard est tuteur pour le programme de maîtrise professionnelle sur mesure en intelligence et transformation et chargé d’enseignement pour le cours Valorisation de l’innovation et des compétences d’avenir. Il insiste sur le côté pratique de la maîtrise. «Les gens ont tendance à croire que la maîtrise est un stage, dit-il. C’est vraiment un programme de maîtrise professionnelle sur un an. Il y a des cours magistraux, mais ceux-ci enveloppent le projet d’intervention qui représente l’ensemble de la maîtrise, laquelle est axée sur la réalisation du projet.»
Cette formation spécialisée, qui en était à sa troisième cohorte, attire une grande variété de candidates et de candidats. L’âge varie entre la jeune vingtaine et la soixantaine. Plusieurs disciplines sont représentées, comme la politique, la communication, le droit, la psychologie et les technologies de l’information. Toutes et tous viennent chercher des compétences, des connaissances, des acquis.
«Quand les candidates et les candidats entrent dans le programme, poursuit-il, ils ont des cours sur la créativité et la résolution de problèmes complexes. Ce qui les amène après à travailler sur leur projet de manière créative, technique, en appliquant le design thinking. Ils vont essayer de penser leur projet "en dehors de la boîte".»
Les projets d'intervention sont proposés par les partenaires du milieu et sont réalisés de façon étroite avec ceux-ci.
Le programme de maîtrise sur mesure en intelligence et transformation est fondé sur une approche pédagogique expérientielle et interdisciplinaire. Les étudiants travaillent en équipe à un projet réel dans le milieu et sont en contact avec un réseau de partenaires faisant partie intégrante des activités de formation et de recherche. Ce programme vise à contribuer activement à l’évolution des pratiques et des processus organisationnels dans une société en mouvance, notamment par une maîtrise sur mesure. Optimiser l’interopérabilité chez les premiers répondants lors d’une situation de crise, accompagner le retour au sport postcommotionnel à l’aide d’un dispositif de soutien immersif, réduire la consommation d’énergie du secteur du bâtiment grâce à une meilleure compréhension du comportement des occupants sont quelques exemples des projets d’intervention de la cohorte 2022-2023.