L’École supérieure d’études internationales de l’Université Laval (ESEI) compte depuis quelques mois une nouvelle experte en résidence et membre associée. La nouvelle venue est Louise Blais, jusqu’à tout récemment membre du corps diplomatique canadien et aujourd’hui retraitée du gouvernement fédéral.
La carrière diplomatique de Louise Blais s’est échelonnée sur une trentaine d’années. De 2017 à 2021, elle a occupé le poste d’ambassadrice du Canada et de représentante permanente adjointe du Canada à l’Organisation des Nations unies (ONU), à New York. Durant son mandat de quatre ans, elle a notamment piloté la Stratégie nationale du Canada pour le Programme 2030 pour le développement durable de l’ONU, ainsi que la campagne du Canada pour un siège non permanent au Conseil de sécurité. L’ambassadrice a également siégé au comité d’administration de l’UNICEF duquel elle a été élue vice-présidente en 2019. Enfin, elle a été nommée cofacilitatrice par le président de l’assemblée générale de l’ONU pour la résolution de la 31e session spéciale sur la COVID-19.
«Mon mandat à l’ONU a constitué une expérience très enrichissante, souligne-t-elle. Il a changé mon opinion des Nations unies pour le meilleur. On se rend compte à quel point cette organisation a un impact à l’échelle internationale. Mon mandat m’a aussi ouvert les yeux sur le grand besoin de réformer les Nations unies, de revenir au sens premier de la charte onusienne et d’assurer qu’on la défende de façon beaucoup plus assidue.»
Représenter le Canada dans une enceinte telle que l’ONU lui a apporté un grand sentiment de fierté. Elle rappelle que le Canada a contribué à la création des Nations unies. «Dans notre histoire, dit-elle, de grands noms de la diplomatie canadienne ont eu un impact sur l’ONU. Quand on est dans la continuité des Lester B. Pearson, Louise Fréchette et Louise Arbour, pour ne nommer que ceux-là, on a une responsabilité énorme de s’assurer que l’on est à la hauteur.»
Selon elle, un bon diplomate doit avoir trois qualités. Premièrement, il doit être un grand communicateur avec la capacité de bien livrer son message, mais aussi d’écouter, de comprendre son interlocuteur et de développer avec lui une relation de confiance. Il doit aussi pouvoir réseauter. Ensuite, le diplomate doit avoir un intérêt soutenu pour les relations internationales, ainsi qu’un sens politique. Il transige avec d’autres diplomates mais aussi avec les élus de son pays. Capable d’adapter son discours, il communique des messages à des super puissances comme à de très petits pays, qui ont des intérêts complètement différents les uns des autres. Enfin, le diplomate doit avoir une capacité d’analyse très forte.
Des rapports cordiaux
Dans son quotidien à l’ONU, plus souvent qu’autrement Louise Blais entretenait des relations très cordiales avec ses pairs. «On ne peut se permettre, comme ambassadeur ou comme diplomate, d’avoir des conflits interpersonnels, soutient-elle. Il est tellement important de toujours garder les portes ouvertes, même avec des pays avec lesquels notre pays a des relations difficiles. Au niveau des diplomates, les rapports avec ces mêmes pays peuvent être très cordiaux. Entre deux discours il y a des moments conviviaux, des moments d’échanges assez personnels où on s’informe, où on prend des nouvelles de notre interlocuteur.»
De façon générale, les diplomates abordent avec beaucoup de sérieux des sujets qui peuvent être extrêmement difficiles, avec une sobriété qui n’est pas exempte d’émotion, tout en demeurant le plus neutres possible. «Les bons diplomates, poursuit-elle, ont cette capacité d’interpréter le message que le gouvernement leur a demandé de véhiculer afin de l’adapter à la situation. C’est toujours un défi d’avoir l’attention de l’auditoire. Les gens n’écoutent pas toujours de façon attentive. On peut perdre son auditoire parce que les gens sont distraits ou pas intéressés à ce que l’on dit. Ils vont alors aller à leur téléphone intelligent ou faire d’autre genre de travail. Il y a aussi les conférenciers qui lisent leur texte les yeux sur leur feuille, ce qui manque un peu au niveau de la communication.»
La photo ci-dessus représente un bon exemple de la convivialité qui règne à l’ONU. On y voit l’ambassadrice canadienne dans une conversation plutôt agréable avec son homonyme d’Afrique du Sud durant la campagne du Canada en faveur d’un siège non permanent au Conseil de sécurité. «Je suis en campagne et ça paraît! s’exclame-t-elle. Une telle campagne, ce sont les Jeux olympiques de la diplomatie où l’on cherche à obtenir le vote de 192 pays. Cette course représente un très gros travail de relations interpersonnelles. Elle se fait à l’échelle mondiale, elle n’a pas d’équivalent, elle est unique en son genre.»
Une carrière bien remplie
Diplômée en histoire de l’art de l’Université McGill, Louise Blais a commencé sa carrière comme courtier d’art, avant d’être recrutée par Interpol comme analyste en vol d’œuvres d’art. Son bureau était situé dans les locaux de la Gendarmerie royale du Canada. «En ce domaine, explique-t-elle, les œuvres d’art sont souvent volées et exportées dans d’autres pays pour y être vendues. Il est donc important qu’il y ait une coopération internationale.» À compter de 1991, elle est responsable du Programme national de développement des archives à Bibliothèque et Archives Canada. Puis, en 1996, elle fait son entrée au ministère des Affaires étrangères.
À l’étranger, comme diplomate de haut rang, Louise Blais fut en poste à l’ambassade du Canada à Washington, puis à celle de Tokyo et enfin à celle de Paris où elle a occupé la fonction de ministre conseillère aux affaires politiques. Ses premiers pas en diplomatie, elle les a faits comme attachée culturelle. «Nous avions un programme de diplomatie culturelle très bien développé, indique-t-elle. Il consistait à faire des liens entre la culture et le pouvoir politique. C’est ce que j’ai fait, en particulier par le théâtre. C’est comme ça que j’ai fait mes preuves. J’ai toujours fait ce lien-là entre la culture et la politique. La culture, c’est important. Il ne faut pas se gêner de s’en servir en affaires étrangères.»
Louise Blais insiste sur le côté compétitif de la diplomatie et des affaires étrangères. «Dans nos premières années dans ce milieu, soutient-elle, il faut travailler très fort, avancer ses dossiers et se faire remarquer.»
Durant son mandat de cinq ans en France, Louise Blais fut notamment responsable, avec l’équipe de l’ambassade, de préparer la participation canadienne aux sommets du G8, à Deauville, et du G20, à Cannes. Il reste que ses années les plus formidables, elle les a vécues à Tokyo. «Mon séjour au Japon, dit-elle, a été pour moi une très grande école de la diplomatie. J’étais là au moment de l’épisode de la vache folle au Canada. Le gouvernement japonais avait fermé ses frontières au bœuf canadien. Nous avons travaillé d’arrache-pied pour qu’ils les ouvrent à nouveau.»
À Ottawa, elle a par la suite occupé les postes de directrice de la diplomatie publique et de directrice exécutive de la gestion des ressources humaines, un service encadrant plus de 2000 employés à l’échelle mondiale.
En 2014, elle a été nommée consule générale à Atlanta pour la Caroline du Nord, la Caroline du Sud, le Tennessee, la Géorgie, l’Alabama et le Mississippi. Ce territoire représente plus de 50 milliards de dollars en échanges commerciaux avec le Canada. Elle a repris temporairement ce poste en 2021 afin d’aider le Canada à faire face à la montée protectionniste des États-Unis. «Dans mon poste de consule générale, souligne-t-elle, quand je voulais qu’un représentant ou un sénateur soutienne la position canadienne, il était très important pour moi de me mettre dans la position de mon interlocuteur, car ces gens voient tout à travers le prisme politique. Il me fallait comprendre la dynamique à l’œuvre dans leur district ou leur État.»
L’avancement des femmes
Louise Blais a siégé à plusieurs conseils d’administration durant sa carrière. Elle est toujours membre du Responsible Leaders Network, un réseau global de chefs de file.
Elle est également conférencière émérite à l’Université Emory, ainsi que conférencière invitée, depuis trois ans, à l’École internationale d’hiver sur la pratique des relations internationales de l’Université Laval.
L’ex-diplomate est aussi lauréate de nombreux prix dont le Distinguished Leadership Award du Business Council of Alabama.
Durant sa carrière, Louise Blais a toujours eu à cœur l’avancement des femmes, tant en affaires qu’en diplomatie. Elle a lancé le premier Sommet nord-américain de femmes entrepreneures et elle écrit présentement un livre sur le leadership au féminin.
«Dans mon style de leadership, explique-t-elle, j’ai tenté d’imiter celui de mes mentors masculins. Je me suis rendue compte que ce n’était pas pour moi. Je me suis questionnée sur mon authenticité. J’ai fini par changer de style. Je suis devenue beaucoup plus axée sur l’employé et moins sur les résultats. Quand on met vraiment l’accent sur les ressources humaines, les résultats vont suivre.»
Louise Blais est aussi très engagée sur la question des femmes en diplomatie. «Ceux qui me suivent sur Twitter, souligne-t-elle, voient à quel point je pousse sur cette question. Récemment, j’ai publié un texte dans le journal Ottawa Citizen dans lequel je demandais que le prochain secrétaire général de l’ONU soit une femme. Par mes propos et l’influence que j’ai, je pousse à faire avancer les femmes, non seulement à la tête de grandes organisations mondiales, mis aussi dans la résolution de conflits.»
Depuis quelques semaines, elle est conseillère spéciale principale pour le Conseil canadien des affaires. Elle est aussi conseillère senior en développement économique pour The Pendleton Group.