
Le projet de recherche doctorale d’Alexane Thibodeau a pour titre non vulgarisé Développement d’un tube neural par génie tissulaire pour réparer la transsection des nerfs périphériques.
Ce matin, sous un couvert de neige, Marie se précipite à sa voiture, un café à la main. Pressée, elle ne doit absolument pas être en retard à sa présentation d’aujourd’hui. Elle démarre la voiture et quitte en trombe. Puis, l’inévitable arrive. Impliquée dans un accident, Marie est transportée à l’hôpital, où l’on constate un étirement du bras et un nerf complètement déchiré.
C’est par ce scénario dramatique que la doctorante en biologie cellulaire et moléculaire Alexane Thibodeau a commencé sa présentation, le 24 mars, lors du volet francophone de la finale virtuelle du concours Ma thèse en 180 secondes à l’Université Laval. Dix finalistes de niveau doctorat, sélectionnés au sein de leurs facultés respectives, se sont affrontés ce jour-là. Leur défi consistait à présenter leur sujet de recherche en termes simples et en seulement trois minutes. Ils devaient démontrer leurs aptitudes de communicateur et de vulgarisateur scientifique en étant clairs, concis et convaincants.
Dire qu’Alexane Thibodeau a été claire, concise et convaincante durant son exposé relève de l’évidence. Sa physionomie expressive accompagnée d’un langage gestuel approprié, une diction impeccable et des intonations bien placées, l’originalité de son sujet de recherche, bref plusieurs facteurs lui ont permis de mériter la deuxième place ainsi que le prix Coup de cœur du public.
«J’ai toujours aimé expliquer et j’aime beaucoup la vulgarisation, dit-elle. J’ai déjà été guide. Aujourd’hui, je participe souvent à des congrès. J’ai aussi toujours aimé la science. Ma préparation au concours a consisté à m’enregistrer devant la caméra de mon ordinateur et ensuite à m’étudier, notamment mes expressions faciales. J’ai aussi fait une présentation devant ma famille. Mes essais m’ont permis de corriger les endroits où je parlais un peu trop vite et où il y avait trop de termes techniques.»
Un tube nerveux vivant
La doctorante mène son projet de recherche dans le laboratoire et sous la supervision du professeur François Berthod, du Département de chirurgie, au Centre de recherche en organogénèse expérimentale de l’Université Laval / LOEX situé à l’Hôpital de l'Enfant-Jésus, à Québec. Au mois de janvier, elle publiait, comme auteure principale, un article scientifique sur son projet de thèse dans la revue Biomaterials.
Dans son exposé, Alexane Thibodeau soutient qu’il est possible pour un nerf sectionné de repousser. «Les nerfs, affirme-t-elle, ont la capacité de recroître et d’aller rejoindre les muscles responsables du mouvement. Mais pour ce faire, il faut leur donner un petit coup de pouce.»
Ce coup de pouce, dans son projet de recherche, prend la forme d’un tube nerveux vivant et pré-vascularisé fait exclusivement à partir des propres cellules du patient. «Ce tube vivant constitue l’originalité de ma recherche, souligne-t-elle. Il y a plusieurs tubes inertes sur le marché faits à partir de différents matériaux, comme le collagène.»
Ce tube vivant, qu’elle compare aux rails d’une voie ferrée, guide et supporte les fibres nerveuses dans leur traversée de la lésion laissée par l’accident, jusqu’à rejoindre le muscle. «Dans notre équipe de recherche, poursuit-elle, nous croyons qu’un tel tube permettrait de mieux soutenir la guérison de nerfs endommagés. L’objectif de ma thèse est de construire ce chemin qui permettra de supporter la croissance des fibres nerveuses.»
La procédure a consisté à prélever un petit bout de peau sur le patient, à en extraire les différentes cellules et à les multiplier en laboratoire, ensuite à faire pousser, dans un récipient appelé boîte de Petri, un nerf reconstruit que l’on pourra greffer chez le patient.
L’idée a été testée dans un modèle animal, en l’occurrence des rats. Génétiquement modifiés, ceux-ci peuvent recevoir des cellules humaines, ils ne les rejettent pas. «On a donc tenté de réparer une lésion du nerf sciatique de la patte chez les rats, explique Alexane Thibodeau. On a ensuite suivi leur guérison sur plusieurs semaines. À l’aide d’un puissant microscope qui permet d’observer des microstructures, j’ai pu voir la présence de petite fibres nerveuses à l’intérieur du tube nerveux. Dans leur rééducation, les rats devaient traverser des parcours à obstacles tandis que leur démarche était minutieusement évaluée. Résultat: le tube nerveux vivant a permis un retour significatif de l’ordre de 42% des fonctions motrices chez les rats.»
La prochaine étape, pour elle, consistera à démontrer le principe du tube nerveux vivant dans un animal beaucoup plus grand, le lapin, souffrant d’une lésion dépassant trois centimètres.
Visionnez la présentation d’Alexane Thibodeau.

La procédure consiste à prélever un petit bout de peau sur le patient, à en extraire les différentes cellules et à les multiplier en laboratoire, ensuite à faire pousser un nerf reconstruit que l’on pourra greffer chez le patient.