![<p>Docteur honoris causa de l’Université d’Aix-Marseille, le sociologue Daniel Mercure a été professeur invité dans une quinzaine d’universités au cours de sa carrière. Il est aussi l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages. Un des faits saillants de son parcours sont ses recherches sur l’ethos du travail, soit l’ensemble des attitudes, valeurs et croyances qui président au comportement quotidien au travail.</p>](https://assets.ulaval.omerloclients.com/bed08ade1fbf60f6889f2dce5bccae5a2877ed89608265a579ffdf7eb73e578c.jpg??width=1024)
Docteur honoris causa de l’Université d’Aix-Marseille, le sociologue Daniel Mercure a été professeur invité dans une quinzaine d’universités au cours de sa carrière. Il est aussi l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages. Un des faits saillants de son parcours sont ses recherches sur l’ethos du travail, soit l’ensemble des attitudes, valeurs et croyances qui président au comportement quotidien au travail.
«Le fait qu’il ait été chercheur ou professeur invité dans de nombreuses universités – entres autres Harvard, Oxford, Berkeley, Louvain, Florence, Genève, la Sorbonne, où il a soutenu sa thèse en 1983 –, le fait qu’il soit membre depuis 2016 de la Société royale du Canada, et notamment de son Académie des sciences sociales, le fait qu’il soit président d’honneur de l’Association internationale des sociologues de langue française après en avoir été le président exécutif de 2000 à 2004, témoignent, parmi bien d’autres distinctions, de l’exceptionnelle renommée de notre récipiendaire.»
Le 17 novembre à Marseille, dans le cadre de la cérémonie de remise des diplômes de docteur honoris causa de l’Université d’Aix-Marseille, Éric Verdier, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique rattaché au Laboratoire d’économie et de sociologie du travail de cette université, a lu le texte de présentation du récipiendaire Daniel Mercure. Celui-ci est professeur titulaire au Département de sociologie de l’Université Laval et spécialiste international des mutations du travail et du management. Ses publications et travaux de recherche portent sur les nouvelles dynamiques du travail. Pandémie oblige, la cérémonie s’est déroulée en mode virtuel. Au printemps prochain, le professeur Mercure se rendra en France prononcer quelques conférences. Il profitera de son séjour pour recevoir en présentiel les insignes de son doctorat.
Durant sa longue carrière de près de 40 ans, le professeur Mercure a fait «une sociologie du temps présent, de ce qui change». «En sociologie, explique-t-il, on parle de la modernité avancée pour décrire notre époque. Dans l’après-guerre, l’emploi était régulier et on observait une standardisation du mode de vie. Aujourd’hui, on assiste à la dernière étape de déstandardisation d’une société en changement, qui est par ailleurs fascinante à regarder. En raison de la pandémie, nous vivons actuellement la plus grande transformation du monde du travail depuis la Seconde Guerre mondiale.»
Dans son allocution, Éric Verdier aurait pu ajouter que le récipiendaire est le fondateur et directeur de la collection Sociologie contemporaine aux Presses de l’Université Laval, ainsi que le fondateur et coprésident du Comité international de sociologie du travail. Il a été professeur invité dans une quinzaine d’universités et titulaire de plusieurs chaires de recherche. Il a prononcé 140 conférences scientifiques dans plus de 20 pays. Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages et lauréat de plusieurs prix. Il est notamment membre de l’Ordre de la Pléiade, une initiative de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie.
L’ethos du travail
Parmi les nombreux livres écrits par Daniel Mercure, deux en particulier lui ont apporté beaucoup de satisfaction. Le premier s’intitule Le travail déraciné. L’impartition flexible dans la dynamique sociale des entreprises forestières du Québec. Cet ouvrage a été publié aux Éditions du Boréal, à Montréal, en 1996. Il a été en nomination pour le prix du Gouverneur général du Canada. Le second livre, écrit avec la collaboration du chercheur Mircea Vultur et publié aux Presses de l’Université Laval en 2010, a pour titre La signification du travail. Nouveau modèle productif et ethos du travail au Québec. Cet ouvrage a mérité le prix Turgot d’économie – Forum francophone des affaires 2011.
«Deux faits saillants ont ponctué ma carrière, rappelle-t-il, mes recherches sur l’ethos du travail, soit l’ensemble des attitudes, valeurs et croyances qui président au comportement quotidien au travail, et mon élection à la présidence de l’Association internationale des sociologues de langue française.»
Le professeur Mercure souligne qu’il a été formé en sociologie de la culture, pas en sociologie du travail. «Ce qui m’a toujours intéressé, poursuit-il, est la dynamique entre l’économie et la culture. Je travaille maintenant sur les nouvelles formes de subjectivité mobilisées par le management.»
Selon lui, la notion de subjectivité a beaucoup évolué avec le temps. «Nous le savons, explique-t-il, depuis une trentaine d’années dans les sociétés caractérisées par une forte individualisation. L’individualisation est la valorisation des personnes. Être l’auteur de sa vie. Être autonome, le porteur de ses propres normes. Cette demande de reconnaissance de l’individu transforme la famille, l’école et le marché du travail. C’est la culture du “je”, du “je veux”. Il me semble que l’aspect subjectif est le changement le plus important du monde du travail. La nouvelle tendance n’est pas de construire son identité, mais plutôt de l’affirmer. Cela n’a rien de négatif en soi. Mais cette dynamique représente un défi dans la manière de gérer les ressources humaines.»
Un doctorat à la Sorbonne
En 1974, le jeune Daniel Mercure remportait le premier prix national d’économie du Concours intercollégial d’économie, Fondation «Les Artisans» Canada. Sa dissertation s’intitulait De l’écoprix ou recherche sur la croissance économique et technique. Le prix consistait en un séjour à l’étranger au choix du lauréat. Il a choisi l’Union des républiques socialistes soviétiques. «Ce fut un voyage initiatique de la fin de l’adolescence», dira-t-il aujourd’hui.
Durant sa carrière, Daniel Mercure a foulé le sol de nombreux pays comme chercheur, professeur ou conférencier invité. Ce tour du monde comme professionnel a commencé pour lui à Paris avec sa thèse en sociologie. Son sujet de recherche était «Les représentations de l’avenir chez différentes catégories socioprofessionnelles au Québec». En 1983, il a reçu les compliments du jury pour la qualité de sa soutenance. «Au cœur de ma thèse, explique-t-il, il y a cette idée que l’emprise du citoyen sur le temps et sur son avenir varie selon les catégories sociales. Pour certains, l’avenir vient à soi, pour d’autres l’avenir est un projet vers quoi on va.»
Daniel Mercure a été engagé par l’Université Laval en 1988.
Il a séjourné dans des destinations aussi exotiques qu’un pays en développement arabe d’Afrique du Nord, la Tunisie, et un ex-pays communiste d’Europe de l’Est, la Roumanie. «Mes séjours à l’étranger ont été enrichissants, soutient-il. Une leçon qu’on peut tirer est qu’il n’y a pas de one best way dans les manières d’organiser le travail. La culture demeure un élément central. J’ai vu la Roumanie après la chute du mur de Berlin et l’affaissement du système communiste. Il y avait une relance des sciences sociales pluralistes.»
Sous la direction ou la codirection du professeur, 40 étudiants et étudiantes ont soutenu une thèse de doctorat ou déposé un mémoire de maîtrise de type recherche, essentiellement dans le domaine du travail et des organisations.
Son enseignement, c’est tout à la fois le cours magistral, l’exposé, le débat, avec des lignes directrices très claires et des lectures imposées.
Durant l’entrevue, Daniel Mercure a vanté les mérites de la démarche de l’enseignant. «Par l’enseignement, dit-il, il y a une réalisation de soi extraordinaire. On donne et on reçoit. On se dépasse en aidant l’étudiant à se dépasser. C’est formidable! L’enseignement est de la formation interconnectée, où on se remet en question en séminaire et où on avance ensemble. Dans cet échange réel, il y a un enrichissement naturel, c’est fascinant.»