Loretta Robinson est naskapie par sa mère et crie par son père. Elle travaille au Conseil en éducation des Premières Nations. Ce conseil a notamment pour mission d’intégrer les savoirs autochtones dans les milieux d’apprentissage et de préserver les langues autochtones chez les enfants en bas âge. Le vendredi 23 avril, Loretta Robinson a accordé une entrevue en mode virtuel sur l’histoire du peuple naskapi à l’Association des étudiantes et étudiants de Laval inscrit aux études supérieures de l’Université Laval (AELIES). Cette rencontre a eu lieu dans le cadre des activités Pour en savoir plus de la Chaire publique AELIES, en partenariat avec la direction de l’Université. Sous le titre Premiers peuples, des perles à découvrir, l’AELIES consacre une série de rencontres aux peuples autochtones du Québec.
«Je me prépare à retourner dans ma communauté de Kawawachikamach près de Schefferville, explique-t-elle d’entrée de jeu. Je travaillerai au niveau de l’enseignement et de la préservation de la langue naskapie. Au Conseil, je travaille fort pour que les enfants de ma communauté aient des racines naskapies fortes.»
À l’échelle du territoire, les Naskapis ont les Innus comme voisins. «Il y a bien des choses en commun entre les deux peuples, mais la langue écrite nous différencie, souligne-t-elle. Notre système se base sur les syllabes. Les Innus, eux, utilisent des lettres.»
Loretta Robinson insiste sur la place du récit dans la culture naskapie. «Les récits sont au cœur de ce que nous sommes, affirme-t-elle, ils nous définissent. Ils montrent comment nous voyons le monde, comment nous le comprenons et comment nous l’habitons. Ces récits m’ont toujours entourée. Ils comprennent toujours la notion d’être ensemble.»
Mieux comprendre les réalités territoriales et juridiques
L’entrevue avec Loretta Robinson est la huitième réalisée ce printemps dans le cadre de ce grand exercice de découverte des peuples autochtones du Québec lancé par l’AELIES. Jusqu’à présent, la page Facebook de la Chaire publique a donné la parole à des représentantes ou représentants des peuples inuit, attikamek, malécite, algonquin, wendat, abénaki et naskapi.
La deuxième entrevue a été réalisée avec la professeure Geneviève Motard, de la Faculté de droit de l’Université Laval. Directrice du Centre interuniversitaire d’études et de recherches autochtones, elle a abordé des sujets d’importance pour mieux comprendre les réalités territoriales et juridiques, et déconstruire les mythes véhiculés. Parmi les sujets abordés, mentionnons, sous forme de questions: Quelles différences entre la conception du droit canadien et des autres pays? Comment démêler les questions territoriales? Allons-nous atteindre une égalité réelle un jour? Quelle autodétermination pour les peuples autochtones? Comment définir les identités et établir des preuves quand on procède habituellement par transmission orale? Quelles pistes explorer pour l'avenir?
«Nous avions la volonté de parler des premiers peuples du Québec, explique le directeur de la Chaire publique AELIES, Serge Bonin. Leur histoire n’a jamais été racontée. On s’est dit qu’il fallait prendre le temps de tous les voir. Ce qu’on a fait avec une représentante ou un représentant de chaque peuple, parfois même plusieurs. L’objectif est de les distinguer les uns des autres et de leur offrir une tribune publique pour se raconter.»
Dans ce projet, Michèle Audette a joué un rôle clé. L’ancienne militante de la nation innue est adjointe au vice-recteur aux études et aux affaires étudiantes de l’Université Laval et conseillère principale à la réconciliation et à l’éducation autochtone. «Michèle Audette a été d’une grande aide à la coordination, à l’idéation et au recrutement des invités», souligne-t-il.
Ouvrir les esprits
La question identitaire traverse les entrevues. On apprend notamment que le peuple des Malécites revendique son nom d’origine, Wolastoqiyik Wahsipekuk. On apprend également qu’à Odanak, en territoire abénaki, dans le Centre-du-Québec, l’Institution Kiuna offre des formations de niveau collégial conçues pour le rayonnement des savoirs, cultures et langues autochtones et reconnues par le ministère de l’Éducation. Cet enseignement est offert à toutes les communautés, mais également ouvert aux non-autochtones.
«Si j’étais professeur d’histoire, je ferais venir un ambassadeur de chaque nation autochtone pour s’entretenir avec mes étudiants, soutient Serge Bonin. Je pense que tous les professeurs d’histoire au Québec auraient intérêt à montrer des entrevues comme celles que nous réalisons afin que leurs étudiants voient comment les représentants invités parlent de leur culture, de leur territoire, de la recherche de leurs racines.»
Chacune des entrevues a attiré une cinquantaine de personnes en direct, mais beaucoup semblent les réécouter en différé. «Les gens apprécient, dit-il. C’est difficile de se limiter à une trentaine de minutes. Les présentations sont touffues, riches; il y aurait moyen de faire des heures avec chacune.» Selon lui, l’objectif consiste à ouvrir les esprits, à faire connaître les premiers peuples au-delà des préjugés. «C’est un exercice de découverte auquel nous convions la majorité de la population, poursuit-il. On connaît peu les Autochtones et on se doit de les connaître mieux.»
Quatre entrevues restent à venir. La nation innue sera représentée le 30 avril, à 13h30, par un dialogue entre deux amis de très longue date. Une table ronde en mode virtuel est aussi au programme. Elle se tiendra le 4 mai prochain sur le thème Premiers peuples, comment mieux faire connaissance?
Cette table ronde sera animée par Alexandre Bacon, Innu fondateur du Cercle Kisis qui œuvre au plus grand rayonnement des cultures autochtones et au rapprochement entre les peuples.
La rencontre réunira le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard, la professeure Mélanie Lemire, du Département de médecine sociale et préventive de l’Université Laval et titulaire d’une chaire de recherche ayant pour mandat de promouvoir et d’améliorer le bien-être des populations autochtones et côtières du Nord québécois, et l’étudiante en résidence en psychiatrie, Emmanuelle O’Bomsawin. Les panélistes parleront d’apprivoisement mutuel, du rôle des institutions et de chantiers pour l’avenir. Ils aborderont les activités de recherche, les meilleures façons de partager la culture et les défis les plus urgents.
Les rencontres et la table ronde sont diffusées en direct sur la page Facebook de la Chaire publique AELIES. Toutes les entrevues sont retouchées ensuite pour être visionnées dans une liste de lecture sur la chaîne YouTube de la Chaire.