
Les membres du groupe Chantons ensemble en pleine prestation lors du lancement officiel du vidéoclip de leur chanson La langue de nos âmes. Cette pièce est l’une des retombées du projet de recherche que codirige la professeure Maria Teresa Moreno (à droite) de la Faculté de musique. À sa gauche, apparaît l’intervenante musicale Julie Rousseau puis Pascaline Lebrun, professionnelle de recherche et étudiante à la maîtrise en travail social, toutes deux associées au projet.
— Muriel Leclerc
«C’était très important pour nous, dès le départ, de créer un espace où tous sont sur un pied d’égalité, explique Maïté Moreno, qui codirige le Laboratoire de recherche en formation auditive et didactique (LaRFADI) de la Faculté de musique. Nous souhaitions que les arrivants puissent apporter quelque chose de positif à leur nouvelle société.» Pendant dix semaines, durant l’automne 2017, une vingtaine de personnes avaient donc rendez-vous le samedi matin, dans les locaux du LaRFADI, pour chanter, danser et découvrir la musique de l’autre. Au menu : des percussions syriennes, des chansons du Congo en swahili, des airs de Birmanie ou des œuvres québécoises. Mon pays de Gilles Vigneault a particulièrement marqué Jad Moussalli, originaire d’Alep en Syrie et étudiant à la maîtrise en génie des matériaux à l’Université Laval.
Jad Moussalli:
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Au fil des semaines, les membres de la chorale ont appris à se connaître et ont eu envie d’écrire ensemble une chanson. La langue de nos âmes, née de ce travail collectif, témoigne de la séparation douloureuse de certains avec leur pays d’origine et de la main tendue des habitants d’ici. Lorsqu’ils chantent en chœur ces paroles, «Il me manque parfois les mots/Pour te dire comme il faut/Que cette terre de partage/Elle est à tous sans barrage», la Syrienne Nisrine Al-habbal ne peut s’empêcher de verser une larme.
Nisrine Al-habbal:
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Extrait de La langue de nos âmes:
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Né au Québec, Pierre-Paul Racicot a quant à lui profité de cette expérience collective pour se rapprocher des réfugiés du monde arabe, un univers qui l’inquiétait un peu, avoue honnêtement le sexagénaire. «Les évènements liés à cette région du monde teintent notre perception de l’autre, fait remarquer celui qui est aussi membre du Chœur du Musée de la civilisation. Avec Chantons ensemble, j’ai pu mieux connaître ces gens-là, et surtout je les ai mieux appréciés.»
Ce rapprochement fait justement partie des conclusions préliminaires de cette expérience, qui constituait un projet de recherche pour Maïté Moreno et son équipe. À partir d’entrevues réalisées avec les participants, les chercheurs ont mesuré l’impact d’une telle activité de création artistique. Même s’il faudra encore un peu de temps pour obtenir les résultats définitifs, les chercheurs ont constaté que le stress des réfugiés qui participaient au groupe diminuait pendant l’activité. Ils semblaient aussi avoir une meilleure compréhension de la culture de leur société d’accueil et se sentaient moins isolés.
L’une des cochercheuses, Stéphanie Arsenault, professeure à l’École de service social et de criminologie, espère bien que le projet pourra voir le jour ailleurs. «Ce genre de groupe ressemble à une microsociété qui peut faciliter l’intégration de gens venus d’ailleurs, note-t-elle, persuadée de l’intérêt de ce rapprochement culturel. En prenant conscience des points forts de Chantons ensemble, on pourrait proposer un modèle pour mieux intégrer des réfugiés ou d’autres personnes de la société.» Des organismes communautaires de la région seront d’ailleurs bientôt invités à une journée de rencontres pour évaluer si une telle activité culturelle peut se transposer chez eux.