
Berthe Morisot, Jeune femme en gris étendue (détail), 1879. Huile sur toile, 60 x 73 cm. Collection particulière, Paris.
C'est l'hypothèse qu'émet Anne-Marie Bouchard, conservatrice de l'art moderne au Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) et professeure associée au Département des sciences historiques, au sujet de la place des artistes femmes en art. Anne-Marie Bouchard partagera ses idées avec le public lors d'une conférence ayant pour titre: «Berthe Morisot et l'histoire de l'art des femmes». Cette rencontre aura lieu à l'occasion de l'exposition «Berthe Morisot, femme impressionniste», qui se déroule jusqu'au 23 septembre au MNBAQ.
«Dans les années 1960, la pensée et le discours d'historiennes de l'art comme Linda Nochlin et Griselda Pollock ont permis de repenser l'histoire de l'art et de montrer que s'il n'y avait pas de grandes femmes artistes connues, c'était peut-être que l'histoire de l'art avait été écrite par des hommes», explique Anne-Marie Bouchard. Déjà qu'à la fin du 19e siècle, parvenir à faire sa place comme peintre exigeait beaucoup de volonté de la part des femmes. Ainsi, les portes de grandes institutions comme l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris leur étaient fermées, ce qui témoigne bien de l'esprit de l'époque, constate Anne-Marie Bouchard. Heureusement, Berthe Morisot a eu la chance de grandir dans une famille bourgeoise qui a encouragé et soutenu ses talents de peintre. Elle a toutefois réussi à vendre plusieurs tableaux, à vivre de son art, en somme, ce qui n'a pas été le cas de plusieurs de ses confrères impressionnistes, qui peinaient à gagner leur vie. Cette véritable pionnière est considérée aujourd'hui comme une artiste majeure de l'impressionnisme.
L'exposition que lui consacre le MNBAQ réunit près de 60 toiles provenant d'établissements publics et de collections privées du monde entier. Tout le tableau d'une époque défile somptueusement devant les yeux du visiteur: l'intimité de la vie bourgeoise, le goût de la villégiature et des jardins, l'importance de la mode et le travail domestique féminin. Les dernières œuvres de l'artiste invitent à méditer sur les relations entre l'art et la vie.
Peut-on dire de la peinture de Berthe Morisot qu'elle est «féminine», de la même manière qu'on parle parfois d'écriture féminine et même de cinéma féminin? «On s'engage là sur une pente glissante, indique Anne-Marie Bouchard. Pendant des années, on a tenté de voir s'il n'existait pas, dans l'œuvre de Berthe Morisot et celles d'autres femmes peintres, une touche dite féminine qui se traduirait par l'utilisation de couleurs plus douces ou d'univers plus éthérés, par exemple. Pour ma part, je crois qu'il s'agit d'une forme de misogynie, misogynie qui persiste dans le monde des arts visuels.» Cela dit, au sein même du groupe des impressionnistes, Berthe Morisot a été très appréciée et respectée par ses collègues, convient Anne-Marie Bouchard.
Échanger sur l'art vous intéresse? Monique Lortie, chargée de cours à la Faculté de philosophie, vous convie à assister à des ateliers philosophiques sur l'art. Lors de ces rencontres, la philosophe abordera le plus simplement du monde les grands thèmes de la culture, de l'humain, de l'art et du bonheur.
Conférence: mercredi 4 juillet, à 19 h 30, au MNBAQ. Ateliers: tous les dimanches jusqu'au 22 juillet (sauf les 24 juin et 1er juillet), à 10 h 30, au MNBAQ.

Berthe Morisot, Le Berceau (détail), 1872. Huile sur toile, 56 x 46 cm. Musée d'Orsay, acquis par le Louvre (1930), RF2849.