
Le taux de succès des femmes est presque quatre points de pourcentage plus bas que celui des hommes lorsque l'évaluation repose principalement sur le dossier du candidat.
Un peu partout dans le monde, les organismes subventionnaires observent des écarts entre hommes et femmes dans les taux de succès aux programmes de financement de la recherche. «Jusqu'à présent, les études sur cette question sont essentiellement de nature observationnelle et elles ne tiennent pas toujours compte des autres variables pouvant affecter les résultats», souligne la professeure Witteman. La chercheuse et ses collaborateurs ont profité d'un changement implanté en 2014 par les IRSC pour étudier plus avant la question. L'organisme subventionnaire avait alors remplacé son programme ouvert de subvention de fonctionnement par deux nouveaux programmes nommés respectivement Projet et Fondation. Ces deux programmes tiennent compte du dossier des chercheurs et de la valeur scientifique de leur proposition, mais le programme Projet donne priorité au contenu scientifique (75% de la note), alors que la première étape d'évaluation du programme Fondation repose surtout sur le dossier des candidats (75% de la note).
Les chercheurs ont analysé 23 918 demandes de subvention soumises par 4 472 hommes et 2 621 femmes, en tenant compte de l'âge du chercheur principal et du ratio hommes / femmes dans son domaine de recherche. Résultats? Le taux de succès des femmes est presque quatre points de pourcentage plus bas que celui des hommes au programme Fondation (8,8% contre 12,7%), alors qu'il est équivalent à celui des hommes au programme Projet. «Ces résultats suggèrent que l'écart dans le taux de succès entre hommes et femmes est attribuable à l'évaluation de leur dossier et pas à l'évaluation de la qualité de la science», résume Holly Witteman. Comme la chercheuse n'a pas eu accès aux données permettant de comparer la qualité des dossiers, il n'est pas possible de conclure qu'il y a effectivement un biais. «Il faudrait toutefois que les dossiers des hommes soient nettement supérieurs à ceux des femmes pour expliquer un écart comme celui que nous avons observé, souligne-t-elle. Des études antérieures qui ont comparé les dossiers de publications des hommes et des femmes n'ont pas rapporté de différences très prononcées.»
Soulignons que les IRSC ont adopté une Stratégie en matière d'équité et que l'égalité des sexes figure parmi ses objectifs. Depuis 2016, des correctifs ont été apportés au programme Fondation pour assurer une représentation plus équitable des chercheuses au terme de la première étape de sélection des demandes. De plus, les IRSC ont développé un module de formation destiné aux évaluateurs afin de les sensibiliser aux préjugés non conscients dans le processus d'évaluation.
Holly Witteman et ses collaborateurs ont choisi de publier leur étude sur bioRxiv, une plateforme d'articles en préparation dans le domaine des sciences de la vie. «L'avantage de procéder ainsi est qu'on peut diffuser plus rapidement des informations et obtenir des rétroactions de la communauté des chercheurs, explique la professeure. Notre étude est maintenant dans l'espace public et nous espérons qu'elle contribuera aux discussions pour en arriver à un mode d'évaluation plus équitable qui assure le financement de la meilleure science possible.»
Outre Holly Witteman, les auteurs de l'étude sont Michael Hendricks, de l'Université McGill, Sharon Straus, de l'Université de Toronto, et Cara Tannenbaum, directrice scientifique de l'Institut de la santé des femmes et des hommes des IRSC et professeure à l'Université de Montréal.