
Une des nouvelles maisons à l'architecture «verte» érigées dans le cadre du projet de reconstruction Make It Right, dans le quartier Lower Ninth Ward. On remarquera les panneaux solaires sur le toit.
— Teddy Deschampt
Pour l'étudiante Joëlle Gendron, beaucoup d'efforts de reconstruction ont été faits, notamment au centre-ville. «On voit beaucoup de dynamisme, en particulier dans le French Quarter, dit-elle. Mais on voit aussi des traces de Katrina. J'ai été très frappée par le Charity Hospital abandonné et clôturé, alors que tout grouille de vie autour, notamment le Superdome lumineux. Cela fait vraiment un clash!» Selon elle, le contraste est particulièrement visible dans les quartiers vraiment éprouvés par Katrina. «C'est beaucoup plus parlant, souligne-t-elle. Encore aujourd'hui, on voit de nombreuses maisons démolies ou abandonnées.»
On estime que 80% de la superficie de La Nouvelle-Orléans a été inondée à la suite du passage de l'ouragan. Ce pourcentage correspond aux zones urbanisées qui sont situées dans une dépression naturelle en dessous du niveau de la mer. Un premier facteur aggravant fut la hauteur du système de digues conçu pour résister aux raz-de-marée d'ouragans de catégorie 3. Katrina était de catégorie 5. Autre facteur: le système de digues en construction depuis des années n'était complété qu'aux trois quarts.
«Dans le quartier sinistré du Lower Ninth Ward, explique Teddy Deschampt, nous avons vu des maisons abandonnées qui avaient été laissées telles quelles après Katrina. D'autres ont été restaurées. Nous avons aussi vu où était la brèche la plus importante du système de digues. Quand elle s'est ouverte, une vague de six mètres de haut a tout détruit sur son passage.»
Sur l'ensemble de la ville, l'eau aurait pénétré dans quelque 200 000 maisons. Seuls les quartiers les plus anciens ont été épargnés parce que construits sur les terres les plus hautes. Les secteurs d'Uptown, Mid-City et Broadmoor ont reçu entre 1,5 et 3 mètres d'eau. Ceux de Lower Ninth Ward, East New Orleans et Lakeview ont reçu des volumes de 3 à 6 mètres d'eau. Depuis ce temps, des milliards de dollars ont été investis dans le renforcement des systèmes de digues et de pompage. En juin 2012, le montant s'élevait à 14 G$.
Toujours dans le Lower Ninth Ward, les étudiants ont pu constater les progrès du projet de reconstruction Make It Right. Make It Right est une fondation à but non lucratif fondée en 2007 par l'acteur Brad Pitt. Elle contribue à la reconstruction du quartier selon les principes de l'architecture «verte». À terme, 150 maisons à prix abordable et à l'architecture moderne auront été construites pour des familles du quartier qui ont tout perdu à cause de Katrina.
Katrina a aussi eu un effet dévastateur sur les résidents. À l'été 2005, avant l'ouragan, la ville comptait 437 000 habitants. Katrina aurait causé la mort de plus de 1400 d'entre eux, selon les chiffres officiels. Trois ans plus tard, La Nouvelle-Orléans comptait 321 000 citoyens, une baisse de plus du quart. Aujourd'hui, la population est d'environ 385 000 habitants.
«L'évacuation d'urgence a eu pour conséquence que bien des gens n'ont pas voulu ou n'ont pas pu revenir, explique Joëlle Gendron. Les plus pauvres ne sont pas revenus parce que, étant sans travail et n'ayant pas suffisamment d'argent, ils n'auraient pu reconstruire ou restaurer leur maison. Sans assurances, donc sans compensation financière, ils avaient tout perdu.»
Les étudiants ont assisté à des conférences. Ils ont aussi échangé avec des citoyens. Neuf années après la catastrophe, ces derniers n'ont rien oublié. «Ceux avec qui nous avons discuté sont encore très émotifs, soutient Teddy Deschampt. Ils en parlent souvent. Pour extérioriser.»
L'ouragan Katrina a permis de dynamiser les associations de quartier. «On nous a dit qu'elles sont beaucoup mieux organisées qu'avant, souligne Joëlle Gendron. La participation citoyenne est beaucoup plus forte.» Elle rappelle qu'après le passage de l'ouragan, des experts externes ont proposé de raser des quartiers entiers pour en faire des espaces verts plus susceptibles d'absorber l'eau d'une éventuelle inondation. «Mais les gens avaient été évacués de manière chaotique, contre leur volonté, indique-t-elle. Il n'était pas question pour eux d'être rayés de la carte. Rapidement, une forte opposition à cette proposition a vu le jour. Et le maire a reculé.»
Dans les prochaines semaines, le conseil municipal de La Nouvelle-Orléans adoptera un plan directeur de reconstruction pour les 20 prochaines années. Ce plan comprendra un budget de fonctionnement, pour la première année, de plus de 500 M$.
Katrina en quelques chiffres
- Le matin du 29 août 2005, l'ouragan Katrina frappe la Louisiane et provoque l'inondation de 80% de La Nouvelle-Orléans. L'ouragan, de catégorie 5, est accompagné de vents violents de plus de 240 km/h. Par endroits, les pluies diluviennes atteignent 350 mm.
- Menacées par l'ouragan, plus de 1,4 million de personnes évacuent les régions côtières de la Louisiane.
- Le 30 août, les rues de La Nouvelle-Orléans ressemblent à des lacs. Une partie de la ville est bâtie sous le niveau de la mer, jusqu'à six mètres dans certains secteurs. Les autorités ordonnent l'évacuation d'urgence des habitants.
- Plus de 10 000 résidents se réfugient dans le Superdome et le Centre des congrès.
- L'armée américaine ne termine l'évacuation des sinistrés que le 5 septembre. Par la suite, les autorités s'affairent à pomper puis à rejeter à la mer des milliers de mètres cubes d'eau.
- Le 17 septembre, les habitants de La Nouvelle-Orléans commencent à regagner progressivement leur domicile.
- Les sinistrés de la Louisiane reçoivent l'aide de 60 pays et organisations internationales. Le 7 septembre, le Canada envoie 1 000 militaires et quatre navires chargés de matériel de secours.
- L'ouragan Katrina a fait plus de 1 500 morts en Louisiane. Il a causé des dégâts évalués à plus de 80 milliards de dollars.