![<p>Une famille métisse dans le district d’Auvergne vers 1908.</p>](https://assets.ulaval.omerloclients.com/7d4508d1bcca0e85ddcc3c7d711061de8398ee7a29d236a34c8f1317fc8da17c.jpg??width=1024)
Une famille métisse dans le district d’Auvergne vers 1908.
— Saskatchewan Archives Board
«L’histoire des locuteurs français est exceptionnelle», s’exclame Marc St-Hilaire, professeur au Département de géographie, qui a dirigé le projet avec son collègue Yves Frenette, historien à l’Université d’Ottawa. «L’immigration européenne francophone a été très réduite en Amérique du Nord. Et pourtant, cette population, qui n’a jamais représenté plus de 5% de celle du territoire, ne s’est pas fait noyer. On peut expliquer ce phénomène par la fécondité élevée des francophones catholiques, mais aussi par leur faible urbanisation et leur occupation du lieu, notamment par l’agriculture.»
Les 300 pages de La francophonie nord-américaine sont parsemées d’images et de cartes qui retracent, de façon vivante, les migrations des colons français, puis celles de leurs descendants acadiens, canadiens-français, créoles et huguenots. Les Européens francophones et les Métis ne sont pas en reste. On voyage ainsi des Maritimes à l’Abitibi en passant par la Nouvelle-Angleterre, la Louisiane et le Midwest américain en cinq chapitres qui balisent les grandes périodes de cette histoire.
«Nous avons développé trois trames – textuelle, cartographique et iconographique – qui se complètent, souligne Marc St-Hilaire. Si bien qu’il est possible d’avoir une bonne idée du fait français en Amérique uniquement en regardant les photos ou en consultant les cartes.» «C’est d’ailleurs ce qui fait la beauté et la richesse de ce voyage dans le savoir», renchérit Étienne Rivard, géographe et professionnel de recherche au CIEQ, qui s’est plongé dans la coordination de l’ouvrage en 2009.
Étienne Rivard, qui a rédigé une thèse sur les Métis de l’Ouest, signe dans le livre quatre textes sur ce peuple et l’espace francophone dans cette région. Descendants des colons français qui se sont installés dans le nord-ouest pour y faire la traite des fourrures, les Métis naviguent entre deux mondes. Ils servent d’interprètes et de guides pour les explorateurs en plus d’être commerçants, notamment de pemmican, la viande de bison séchée. Ils se déplacent sur des milliers de kilomètres, allant des Territoires du Nord-Ouest jusqu’à Saint-Paul au Minnesota.
«Winnipeg est le cœur ancestral de leur territoire, à la jonction des rivières Rouge et Assiniboine», précise Étienne Rivard. Sur les 10 000 Métis qui habitent à Rivière-Rouge en 1870, 60% sont francophones.» Dirigé par Louis Riel, leur gouvernement provisoire négocie avec le Parti conservateur fédéral pour créer le Manitoba, en 1870. La Loi sur le Manitoba octroie notamment des terres aux Métis. «Or les autorités refusent de leur concéder les lots promis, vu leur façon de cultiver la terre, et y installent plutôt des colons. Il faut dire qu’à l’époque, ils étaient considérés comme des demi-civilisés», explique le géographe. S’ensuivra un exode qui les dispersera dans l’Ouest canadien et les rendra invisibles. Quinze ans après la fondation du Manitoba, ils ne représentent plus que 7% de la population d’une province où ils étaient majoritaires.
Depuis le milieu des années 1970, les Métis tentent de reprendre leur place dans l’espace francophone de l’Ouest canadien grâce à un rapprochement avec les autres communautés de la région. En 1994, la fondation de l’école Aurèle-Lemoine à Saint-Laurent, au Manitoba, qui met en valeur la culture métisse, a profité du soutien des autres francophones. Les efforts investis dans la promotion de ce patrimoine n’en restent pas moins modestes, tout comme reste fragile le fait français dans les Plaines. «La question de la francisation de la génération suivante se pose constamment. Mais ces gens se sont battus pour le fait français et continueront à le faire», estime Étienne Rivard.