
Jean Deslauriers en compagnie d'un collègue chirurgien chinois et d'un patient à qui il avait enlevé le poumon gauche.
C’est en ces mots que Jean Deslauriers, chirurgien thoracique à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec et professeur au Département de chirurgie de l’Université Laval, résume son année sabbatique en Chine entre 2008 et 2009. Il a tenu ces propos le vendredi 24 février au Cercle du pavillon Alphonse-Desjardins, lors d’une conférence organisée par la Société québécoise d’histoire de la médecine.
Jean Deslauriers a travaillé au Premier Hôpital d’enseignement de l’Université de Jilin, à Changchun. Cet hôpital se classe parmi les dix meilleurs de Chine. Sur ce campus, trois hôpitaux emploient plus de 1 800 médecins. On y trouve quelque 100 000 étudiants à temps plein.
«Je faisais la plupart des cas difficiles, explique Jean Deslauriers. J’ai aussi opéré des personnes influentes qui tenaient à ce que je sois leur chirurgien. J’ai également aidé de jeunes chirurgiens en faisant avec eux des cas plus faciles. J’ai fait 173 cas majeurs, sans aucune mortalité postopératoire.»
En plus d’opérer, Jean Deslauriers a mis sur pied et dirigé une unité de chirurgie thoracique de 184 lits. Le personnel comprenait, entre autres, 18 chirurgiens et 25 pneumologues.
Facturer les coûts aux malades
En Chine, les hôpitaux ne reçoivent presque pas d’aide financière du gouvernement. «Chaque hôpital doit faire ses frais et facturer les coûts aux malades, indique-t-il. J’ai eu beaucoup de difficultés à m’ajuster à ça.» Autre irritant: les chirurgiens chinois reçoivent un salaire de base plutôt modeste. Pour améliorer leur condition, ils recourent à un système de bonus basé sur la performance. «Plus tu opères, plus tu fais d’argent», soutient Jean Deslauriers. À cette source de revenus s’ajoutent les «enveloppes rouges». «Une somme d’argent, poursuit-il, est donnée au chirurgien par la famille pour s’assurer que c’est lui et non son assistant qui fera l’opération. Personnellement, je n’ai jamais accepté d’argent.»
Ce dernier a dû opérer à coût réduit la plupart de ses patients. Aux moins fortunés, il ne faisait pas faire de radiographie, n’utilisait pas de moniteur pour les soins postopératoires et refermait les plaies avec des sutures manuelles, moins chères que les agrafes chirurgicales. «J’auscultais au stéthoscope et je prenais le pouls pour savoir si le malade faisait de l’arythmie», explique-t-il.
La formation en médecine offerte aux étudiants chinois, Jean Deslauriers la trouve difficile à comprendre puisqu’elle varie d’une université à une autre. «Il n’existe pas de structure nationale pour l’enseignement des spécialités, précise-t-il. Mais le système de santé s’améliore. L’État a pour objectif de rejoindre, à terme, les pays industrialisés à ce chapitre.»
Jean Deslauriers a organisé des conférences multidisciplinaires et conçu les plans d’une bibliothèque médicale. En recherche, il a notamment publié, avec ses collègues, un livre en chinois sur les maladies pleurales ainsi que huit articles scientifiques.
La tradition de collaboration en recherche et en formation entre l’Université Laval et la Chine remonte au début des années 1980. Cette tradition s’appuie aujourd’hui sur une vingtaine d’ententes actives avec des universités chinoises. Signée en 2010, l’entente avec le China Scholarship Council s’est traduite, pour l’Université Laval, par l’inscription de 26 nouveaux étudiants chinois au doctorat ou à des études postdoctorales.