
Thrasea Paetus ainsi qu'Helvidius Priscus et Paconius Agrippinus sont parmi les sénateurs stoïciens à avoir siégé au sénat romain au 1er siècle de notre ère. Depuis le remplacement de la République romaine par l'empire, en 27 avant Jésus-Christ, le sénat a vu son pouvoir décliner au profit de l'empereur.
Le lundi 22 novembre au pavillon Félix-Antoine-Savard, le parcours particulier et exemplaire de Thrasea Paetus a fait l’objet d’un exposé par le professeur Bernard Collette, de la Faculté de philosophie. «Pour comprendre l’attitude de Néron, explique-t-il, il faut remonter à l’assassinat de Jules César par Brutus survenu un siècle auparavant. Brutus était un philosophe qui voulait empêcher César de supprimer la république et d’imposer la dictature.» Selon lui, des gens avides de pouvoir se sont servis de cet exemple pour influencer Néron. «Peu à peu, poursuit-il, ce dernier en est venu à voir les philosophes comme des personnes qui méprisaient l’autorité des rois et des magistrats, des trouble-fête et des entêtés qui se percevaient comme une sorte de contre-pouvoir, des individus qui étaient même prêts à commettre des actions violentes pour restaurer la république.»
À cette époque, certains des philosophes du sénat ont été expulsés hors de Rome ou hors d’Italie. D’autres sont partis en exil ou ont été carrément exécutés. «À plusieurs reprises, Thrasea Paetus a eu des attitudes qui ont déplu à l’empereur, raconte Bernard Collette. Par exemple, en 59 il est sorti en silence du sénat pendant la lecture de la justification du meurtre de la mère de Néron par ce dernier. Plusieurs historiens modernes croient qu’il voulait protester contre la tyrannie du prince et l’absence de liberté du sénat. Je crois plutôt qu’il voulait montrer à tous la valeur supérieure de la liberté morale, la seule reconnue par un stoïcien.»
Le sénateur-philosophe se refusait à jouer le jeu de l’éloge et de la flatterie à l’endroit de l’empereur. Il ne se rendait donc pas l’acclamer aux concours de poésie et de cithare, ce qui était perçu comme un mécontentement politique. Thrasea Paetus s’est également fait reprocher son austérité. Cette attitude était vue comme une condamnation de la vie dissolue de l’empereur. «L’austérité est un des traits propres au sage, indique le professeur Collette. Un philosophe stoïcien est assez ferme devant les plaisirs.»
Thrasea Paetus a quitté le sénat en 63 en ne donnant aucune explication de sa décision. Un geste pour lequel il a été jugé sévèrement. Trois ans plus tard, tombé en disgrâce, il est condamné à mort par l’empereur qui lui offre la possibilité de mourir de manière honorable pour un Romain, en se suicidant. «Pour un stoïcien comme lui, la mort faisait partie des choses devant lesquelles il se devait d’être indifférent et ferme, explique Bernard Collette. Il a utilisé la mort pour exprimer sa conception de la vie morale, pour montrer ce qu’est un homme libre.»