
André Parent, professeur au Département de psychiatrie et neurosciences: «Les cerveaux de personnes décédées sont une source d'information exceptionnelle.»
C'est en 1995 que le professeur de neurobiologie de la Faculté de médecine a entrepris la mise sur pied de ce qui est devenu la banque de cerveaux du Centre de recherche Université Laval-Robert Giffard (CRULRG). À l'époque, ce spécialiste des ganglions de la base, une région du cerveau qui contrôle le comportement psychomoteur et la planification du mouvement, souhaitait étendre à l'humain ses travaux qui portaient jusque-là sur les animaux. «J'ai pensé mettre à la disposition de la communauté scientifique les spécimens que j'allais recueillir pour mes propres travaux en créant une banque», raconte le professeur Parent.
La collaboration des neurologues, du personnel infirmier et des pathologistes de la région de Québec et de l'Est de la province s'est avérée cruciale pour obtenir ces précieux organes. Il arrive à l'occasion que des personnes signent une autorisation de don d'organes alors qu'elles sont encore bien portantes. Le plus souvent par contre, ce sont les neurologues ou le personnel infirmier qui font de la sensibilisation auprès des proches de patients atteints de maladies neurodégénératives incapables de prendre eux-mêmes une décision éclairée. La collaboration des pathologistes est aussi essentielle parce qu'il faut prélever le cerveau dans les 24 premières heures qui suivent le décès pour qu'on puisse en tirer des données fiables. «Il faut procéder le plus rapidement possible parce que les neurotransmetteurs que nous étudions ont une courte durée de vie», précise André Parent. Grâce à l'aide soutenue de ces collaborateurs, la collection continue de s'enrichir de cinq à dix nouveaux spécimens chaque année.
Pour la science
Quant à savoir si ce matériel sert vraiment à faire progresser les connaissances, le professeur Parent est formel. «Une dizaine de chercheurs de Québec et de Montréal ont recours à cette banque pour leurs travaux. En 15 ans, j'ai publié une trentaine d'articles scientifiques à partir des données que j'en ai tirées. Jamais je n'aurais cru qu'on pouvait en apprendre autant à partir de cerveaux de personnes décédées. C'est une source d'information exceptionnelle.»
Il existe une autre banque de cerveaux au Québec, celle de l'Hôpital Douglas, un établissement affilié à McGill. «Les deux banques fonctionnent suivant des procédures identiques afin d’assurer à la communauté scientifique le plus grand accès possible à ce précieux matériel, mais elles ont aussi leurs spécificités. La banque de McGill contient surtout des cerveaux de suicidés et de personnes qui souffraient d'alzheimer. La nôtre regroupe des cerveaux de personnes qui souffraient de troubles du mouvement, essentiellement la maladie de Parkinson et la chorée de Huntington, ainsi que certains types de démence.»
Il est difficile de trouver du financement pour maintenir pareilles banques, reconnaît le professeur Parent. «Les grands organismes subventionnaires donnent priorité aux projets de recherche et il y a peu de fonds pour les services communs comme une banque de cerveaux.» Il y a trois ans, le Fonds de recherche en santé du Québec a donné un coup de pouce aux banques de McGill et de Laval en leur accordant 375 000 $. Cette subvention se termine à la fin du mois de mars et elle n'a pas été renouvelée. Comme il le faisait auparavant, le professeur Parent va maintenir à flot la banque du CRULRG en puisant dans ses fonds de recherche. «Je suis toutefois conscient qu'il faudra trouver un autre moyen pour assurer la pérennité de la banque de cerveaux. Parce que personne n'est éternel.»