
Le spécialiste des maladies lipidiques s’est d’abord attaqué à un gros morceau, le cholestérol. Ce lipide démonisé est essentiel au bon fonctionnement de l’organisme, a-t-il rappelé. On le retrouve en abondance dans le foie, le cerveau et la moelle épinière. C’est un composant majeur des membranes cellulaires, mais aussi un précurseur de nombreuses molécules notamment les hormones stéroïdes (cortisol, cortisone, et aldostérone), les hormones stéroïdes sexuelles (progestérone, œstrogènes, et testostérone), les acides biliaires et la vitamine D3, qui intervient dans la formation des os. Même si on réduisait à zéro la consommation de cholestérol dans notre alimentation, ce lipide serait quand même présent dans l’organisme parce que le foie le synthétise à partir d’autres molécules. Le cholestérol n’est pas mauvais en soi, sauf s’il est trop abondant. Il favorise alors la formation de dépôts sur la paroi des artères, ce qui entraîne leur durcissement et leur rétrécissement et, du coup, un risque accru de maladies cardiovasculaires.
Le bon et le mauvais?
Pour se déplacer dans l’organisme, le cholestérol s’associe à des lipoprotéines du sang. Les deux types les plus connus sont les LDL, couramment appelés mauvais cholestérol, et les HDL, le bon cholestérol. Les LDL transportent le cholestérol du foie vers l’organisme et les HDL le ramènent au foie où il est dégradé. «Les deux transporteurs jouent un rôle essentiel, a souligné le professeur Julien. Il ne faut pas viser l’élimination des LDL, mais leur rétablissement à un taux normal.»
Les médicaments anticholestérol servent à abaisser son absorption par l’intestin ou encore sa synthèse dans le foie. Dans les cas où la génétique n’est pas en cause, une personne peut améliorer son profil lipidique en modifiant son alimentation. La faible teneur ou l’absence de cholestérol dans des aliments est d’ailleurs devenue un argument de vente très exploité. «Ce que les étiquettes ne disent pas c’est que le cholestérol est un lipide d’origine animale», a rappelé le conférencier. Il n’y en a donc pas dans les pommes de terre, ce qui signifie qu’à moins d’utiliser des graisses animales pour la cuisson, il n’y en a jamais eu dans les chips ou dans les frites.
L’exercice peut aussi contribuer à réduire les risques associés à un taux anormal de cholestérol. En effet, l’activité physique augmente la concentration des HDL, ce qui favorise l’élimination du cholestérol par le foie. «Pas besoin de faire un entraînement de marathonien pour obtenir cet effet, précise Pierre Julien. Une marche quotidienne d’une trentaine de minutes fait le travail.»
Omega-3, 6 et 9
Le professeur Julien s’est aussi attardé au cas d’une famille d’acides gras à la mode, les oméga-3, dont la liste des vertus ne cesse d’allonger. Au point où une certaine confusion s’est installée autour des autres acides gras dont le nom inclut le terme oméga. L’alimentation occidentale est riche en oméga-6, a rappelé le conférencier. Trop riche, en fait, ce qui contribuerait à la prolifération des maladies inflammatoires. «Il faut viser une consommation égale en oméga-3 et en oméga-6», a-t-il rappelé. Les consommateurs qui pensent en avoir plus pour leur argent en achetant des suppléments contenant un mélange de ces deux types d’acides gras se leurrent. Quant aux oméga-9, abondants dans l’huile d’olive et les noix, ils sont dits non essentiels — contrairement aux oméga-3 et 6 - parce que l’organisme peut les synthétiser à partir d’autres acides gras.
Par ailleurs, tous les oméga-3 ne se valent pas, a expliqué le conférencier. Ainsi, les oméga-3 de source marine — comme l’EPA et le DHA — sont directement assimilables par l’organisme. Par contre, le corps humain convertit au mieux 10 % des oméga-3 contenus dans l’huile de lin en EPA ou en DHA. Il faudrait donc consommer 10 gélules d’huile de lin pour obtenir l’effet d’une gélule d’EPA ou de DHA. Enfin, précise Pierre Julien, contrairement à une croyance répandue, les concentrations d’oméga-3 dans les saumons sauvages ne sont pas plus élevées que dans les saumons d'élevage ou les truites arc-en-ciel d'élevage. Les truites sauvages afficheraient toutefois des concentrations trois fois plus faibles en oméga-3.