
Le professeur Jean-Christophe Vuillemard, en compagnie du professionnel de recherche Ehab Kheadr et de l'étudiante chercheuse Genevieve Petit.
— Marc Robitaille
Les propriétaires de la microfromagerie gaspésienne, Carole Castonguay et Christian Beaulieu, sont entrés en contact avec l’équipe de l’INAF par l’intermédiaire de la Société des fromages du Québec, une association qui offre des services aux artisans fromagers. «Ils voulaient créer un fromage probiotique à pâte semi-ferme de type saint-paulin. Notre mandat était de choisir la bactérie la plus appropriée parmi les trois souches considérées et de s’assurer qu’elle survivait en assez grand nombre pour produire des effets probiotiques dans le côlon», résume le professeur Vuillemard.
En effet, c’est dans ce segment de l’intestin, long d’environ 1,3 mètre, que s’ébat une flore bactérienne luxuriante comptant au bas mot 300 espèces. L’abondance des bactéries y est telle qu’on estime leur poids à environ 1 kilogramme chez l’adulte moyen. Ces microorganismes se livrent une guerre intestine sans merci et les bactéries probiotiques défendraient avec un relatif succès leur place à l’obscurité. Mais encore faut-il qu’elles soient en nombre suffisant. «Il faut qu’un million de bactéries probiotiques vivantes atteignent le côlon quotidiennement pour espérer un effet santé», souligne le professeur Vuillemard.
Le fromage enrichi de probiotiques préparé à Baie-des-Sables a donc été apporté à l’INAF et placé dans un appareil simulant le passage de la nourriture dans un système digestif humain. Au terme du transit digestif, le fromage — ou plutôt ce qu’il en restait — a été analysé pour déterminer si les bactéries probiotiques avaient résisté en nombre suffisant aux attaques des acides et des enzymes digestives. «Selon nos données, si on consomme 100 grammes de Rayon d’or par jour, entre 15 et 20 millions de bactéries probiotiques vivantes se rendront jusqu’au côlon, ce qui est nettement suffisant», affirme le chercheur. Les allégations sur l'effet des probiotiques relatives à cette bactérie n’ont toutefois pas été testées, précise-t-il. «Ça aurait été très long, très coûteux et ça ne faisait pas partie de notre mandat. C’est le fournisseur du probiotique qui sanctionne l’efficacité et l’innocuité de la bactérie.»
La bactérie probiotique retenue ne produit pas beaucoup d’arômes, de sorte qu’elle ne change pas le goût original du produit, précise le professeur du Département des sciences des aliments et de nutrition. Et, au dire de l’amateur de bons fromages qui se cache derrière le scientifique, «le Rayon d’or est un très bon saint-paulin». Le marché pour les fromages qui sont bons au goût et bons pour la santé serait énorme, poursuit-il. Pourtant, il existe déjà deux fromages probiotiques sur le marché québécois et les consommateurs ne se les arrachent pas. «Le problème, c’est que ce sont des fromages maigres. Des fromages sans gras, c’est pas bon.»