Chaque année, l'ASC assume les frais de déplacement et de subsistance de quatre candidats désireux de suivre une formation en médecine aérospatiale. «Les astronautes sont des personnes sélectionnées pour leurs qualités exceptionnelles, mais ce sont des humains comme les autres et il faut s’occuper de leur santé avant, pendant et après les missions spatiales», souligne Caroline Rhéaume. Pas étonnant d’ailleurs que la plupart des médecins de l’espace soient d’abord des médecins de famille, enchaîne-t-elle. En effet, l’espace est en quelque sorte une région éloignée où les ressources médicales sont limitées et où il faut littéralement se débrouiller avec les moyens du bord. Comme les astronautes sont rarement médecins, les spécialistes de la médecine spatiale ont pratiqué la télémédecine avant la lettre.
Des corps humains en apesanteur
«Les astronautes constituent une population exclusive, explique la résidente. Ils ont des problèmes particuliers attribuables aux séjours prolongés qu’ils effectuent dans des environnements extrêmes. Dans l’espace, les astronautes sont exposés aux radiations solaires, l’apesanteur force une redistribution de leur débit sanguin et leur cycle circadien est perturbé. En plus, contrairement à ce qu’on pourrait croire, le niveau de bruit ambiant dans la navette est élevé, - environ 90 décibels -, ce qui peut occasionner des problèmes d’audition à long terme.»
Il n’y a pas que les astronautes qui aient quelque chose d’exceptionnel. Bachelière en kinésiologie (1996) et détentrice d’une maîtrise en physiologie (1998), Caroline Rhéaume a mené de front ses recherches doctorales en physiologie cardiovasculaire (2003) avec le professeur Jean Cléroux et ses études en médecine (2005). Présentement en deuxième année de résidence en médecine familiale, elle a donné naissance à une fille il y a neuf mois. À travers tout cela, elle a participé, en 2001, avec une centaine d'étudiants-chercheurs d’une trentaine de pays, à un stage intensif de deux mois offert par l'Université internationale de l'espace, à Brême en Allemagne. En été 2005, elle récidivait en prenant part à un stage offert par l’École internationale de médecine spatiale à Moscou. Sa motivation n’est pas tant l’espoir d’aller un jour dans l’espace qu’une fascination pour la physiologie du corps humain en apesanteur, précise-t-elle.
Pour l’instant, les services des médecins de l’espace sont requis pour la sélection des aspirants astronautes ainsi que pour le suivi des astronautes pendant l’entraînement et l’après-mission, sans compter le fait qu’ils agissent souvent comme médecins pour les familles des astronautes. Ils sont également «de garde» à la Station spatiale internationale, où des équipes de trois astronautes se relaient tous les six mois. Les perspectives d’emploi en médecine spatiale sont encore limitées, mais on anticipe une hausse de la demande. En effet, la Nasa caresse plusieurs projets de vols habités, notamment des missions lunaires dans la prochaine décennie et une mission vers Mars aux environs de 2030. «On prévoit qu’il faudra neuf mois pour se rendre sur cette planète et autant pour en revenir, en plus du séjour de 15 mois sur Mars, résume Caroline Rhéaume. Beaucoup de choses qui ont une incidence sur la santé des astronautes risquent de survenir pendant une aussi longue période.»
Tiraillée entre sa carrière de médecin de famille, ses intérêts pour la recherche en physiologie en apesanteur et l’appel de la médecine de l’espace, Caroline Rhéaume se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. L’ASC l’encourage à poursuivre en médecine spatiale, mais cette spécialité, offerte uniquement dans des universités américaines, exigerait deux ans d’études supplémentaires. «Je vais voir comment les choses se présentent et, avant de prendre une décision, nous allons en discuter en famille.» Comme quoi, même les spécialistes en médecine spatiale doivent garder les deux pieds sur terre.