«Passe une belle journée! Bon appétit!»
Ce simple petit mot d’Émilia, 8 ans, qui est accompagné d’un joli dessin, a toute son importance. Comme celui de ses amis, il a été déposé dans l’une des 50 «boîtes à lunch réconfortantes» qui ont été montées par un groupe de 16 étudiants de deuxième année du baccalauréat en nutrition, puis distribuées dans des frigos-partage de la région.
Mais qu’est-ce qu’un frigo-partage?
«Un frigo-partage, c’est un frigo collectif qui vient d’une initiative communautaire et qui est généralement installé à l’extérieur, explique l’étudiante Justine Chouinard, qui était la coordonnatrice du projet. L’idée, c'est de contrer le gaspillage alimentaire, un problème majeur dans notre société de surconsommation, et de partager gratuitement nos surplus de nourriture avec des personnes dans le besoin.»
Une initiative pleine de sens, quand on sait qu’au Québec, environ 50 % de la nourriture que l’on achète se retrouve aux ordures.
Le concept des frigos-partage provient essentiellement de l’Europe, où des initiatives existent depuis plusieurs années, notamment en France et en Belgique. Des frigos collectifs y sont répartis dans des espaces publics, des immeubles à logements, des milieux de travail et même dans certaines écoles.
«N’importe qui peut aller y chercher de la nourriture et n’importe qui peut aller en porter, précise l’étudiante. Les personnes dans le besoin, ça peut être autant des gens qui vivent dans la rue que des personnes qui vivent en logement et qui ont de la difficulté à "arriver" à la fin du mois. Ça peut être aussi des étudiants qui demeurent en appartement et qui vivent des difficultés financières, ou même des familles.»
Un cours qui se transforme en action communautaire
Ce projet a eu lieu dans le cadre du cours Menus des collectivités, offert aux étudiants de deuxième année du baccalauréat en nutrition. Dans ce cours, les étudiants doivent normalement réaliser la production alimentaire d'un buffet, auquel ils invitent leurs professeurs et leurs proches. Or, compte tenu de la COVID-19, le banquet ne pouvait pas avoir lieu. Mais qu’à cela ne tienne, la professeure responsable Anne-Sophie Morisset, accompagnée de la chargée de cours Nancy Doyon et des techniciennes en diététique Annie Larue et Stéphanie Ouellet – avec l’appui financier de l’École de nutrition –, a décidé de lancer tout un défi à ses étudiants: produire et distribuer un repas pour 50 personnes, pour un organisme communautaire de leur choix. Le repas devait comprendre: 1) une soupe ou un potage; 2) une assiette principale comprenant une viande ou un substitut de viande, un féculent et un légume; 3) un dessert; et 4) une collation nutritive.
«Dans notre boîte, qui s’appelait «La boîte réconfortante», il y avait une vichyssoise, qui est une crème de patates et de poireaux avec du basilic. Notre plat principal était un chili, accompagné d’un muffin au maïs et d’une salade froide de maïs. Comme dessert, nous avions un brownie classique et, comme collation, un pain aux bleuets et au citron», indique fièrement Justine Chouinard.
Faire la production de A à Z!
Chaque groupe, composé de 16 personnes, devait donc choisir un organisme et réaliser sa propre production alimentaire de A à Z. Un coordonnateur et 3 chefs d’équipe composaient le conseil d’administration de chaque groupe. Enfin, quatre visites en laboratoire étaient prévues, incluant le jour J (soit 3 essais pour faire le repas et la production finale).
«Nous devions faire notre propre budget et planifier notre menu, nos commandes, nos achats de nourriture, notre production, puis notre livraison, qui, pour mon équipe, était prévue le 23 mars, explique l’étudiante et coordonnatrice Justine Chouinard. Une coéquipière a eu l’idée des frigos-partage. Je suis entrée en contact avec une représentante de Sauve ta bouffe, qui est un projet du mouvement citoyen Les AmiEs de la Terre de Québec et qui a monté un répertoire de tous les frigos communautaires au Québec. À Québec, il y en a 7! Après une discussion entre la représentante et mon équipe, nous avons choisi les 3 suivants: ceux du Parvis, du quartier Saint-Sauveur et du Patro Roc-Amadour, car ce sont clairement des frigos qui “roulent” beaucoup, dans des quartiers où la demande est grande.»
Évidemment, la situation de crise sanitaire a doublé les défis. «Une chance que notre laboratoire est grand! On travaillait chacun à un îlot, on portait des masques, on se lavait les mains constamment et on était évidemment séparés de 2 mètres. C’est sûr que faire un brownie à 2, séparés de 2 mètres, ça demande un peu plus d’organisation», dit l’étudiante en riant. La distribution a aussi généré des défis. «Ce fut la même chose pour notre chaîne de montage des sacs, lors de la production finale. De plus, au-delà de la COVID-19, il y avait évidemment toujours la gestion relative aux aliments à faire: la température, la salubrité et toute la qualité organoleptique, c'est-à-dire les propriétés d’un aliment en termes d’apparence, d’odeur, de goût, de texture et de consistance.»
Trois autres groupes du cours Menus des collectivités ont réalisé des productions collectives, et ce, pour les organismes suivants: La Dauphine (production finale et livraison faites le 25 mars pour le dîner), La Baratte (20 avril) et L'Évasion Saint-Pie X (22 avril).
Quant au projet de frigos-partage de l’équipe de Justine Chouinard, il pourrait peut-être faire des petits, qui sait… L’École de nutrition et la Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation sont présentement en discussion avec l’équipe du Développement durable à ce sujet. Chose certaine, l’étudiante a adoré gérer ce projet et souhaite qu’il continue, pour le plus grand bénéfice de la société.