Des Universitaires descendent de leur tour d’ivoire. C’est le titre d’un livre numérique lancé le 18 septembre par un regroupement d’universitaires principalement québécois sensibilisés à la lutte contre les changements climatiques, à la protection de l’environnement et à la préservation de la biodiversité. Cet ouvrage de 149 pages, préfacé par l’astrophysicien, vulgarisateur scientifique et écologiste Hubert Reeves, répertorie les textes de 136 interventions récentes de ces professeurs et chercheurs dans les médias généralistes. En plus des questions environnementales au sens large, les textes touchent à des sujets tels que l’engagement des universitaires, le passage à l’action, l’économie et la pandémie de COVID-19.
«L’idée derrière la collection consiste à donner une voix aux universitaires que l’on n’entendrait pas sur la place publique, explique Patrick Provost, professeur au Département de microbiologie-infectiologie et d’immunologie et cocoordonnateur du regroupement. Les universitaires ont leur mot à dire dans le dossier de l’urgence climatique. Ils ont des connaissances très pertinentes à partager.»
Selon lui, il y a péril en la demeure. «Les signes ne mentent pas, soutient-il. Pensons à la sécheresse et aux feux de forêt historiques en Californie. Les ouragans sur l’Atlantique Nord sont de plus en plus nombreux et puissants. Les glaciers fondent plus rapidement que ce que prévoyaient les modèles. Les universitaires, eux, sont au service de la population. Ce n’est pas en restant dans leur tour d’ivoire qu’ils vont influencer la prise de conscience environnementale.»
Le regroupement Des Universitaires vise à ce que la science ait plus de place dans le débat public et, ce faisant, puisse contribuer à améliorer la société. Cet objectif repose sur quelques constats. La science est en recul dans la prise de décision dans le dossier environnemental, l’antiscience prolifère ainsi que les fausses nouvelles. L’environnement continue à se dégrader et l’action politique s’avère insuffisante.
Selon le professeur Provost, l’expérience de la COVID-19 montre que les gouvernements sont capables d’écouter la science, de se coordonner, de se mobiliser et de sensibiliser la population aux risques qu’elle encourt. «Avec le lancement de cette collection annuelle, poursuit-il, nous souhaitons que la voix des universitaires de toutes les disciplines soit entendue par nos dirigeants, afin que des actions majeures soient entreprises dans les plus brefs délais pour résoudre la crise climatique.»
L’autre cocoordonnateur du regroupement est Thierry Lefèvre, professionnel de recherche au Département de chimie. Il rappelle que le regroupement collabore avec des initiatives citoyennes telles que le Pacte pour la transition, le Front commun pour la transition énergétique et le projet Québec zéro émission nette. «Nous désirons ainsi faire le pont entre les citoyens et les gouvernements, dit-il, tout en resserrant les liens entre la population et leurs universitaires.»
Le samedi 26 septembre, le quotidien Le Soleil ainsi que les journaux régionaux La Tribune, Le Quotidien, Le Droit, Le Nouvelliste et La Voix de l’Est ont publié le dernier de 13 articles visant à faire connaître au grand public des solutions existantes avancées par le Pacte pour la transition. Le texte est signé par le professeur Éric Pineault, de l’Institut des sciences de l’environnement de l’UQAM et membre du regroupement Des Universitaires. Il s’intitule Pour mettre en œuvre la transition écologique. Dans les semaines précédentes, ces journaux ont publié des textes sur des sujets tels que la réduction des gaz à effet de serre dans les bâtiments, l’agriculture décarbonée et la réduction des déchets.
«Très peu de gens connaissent les 101 idées pour la relance avancées par le Pacte pour la transition, lequel regroupe 275 000 membres, indique Patrick Provost. Ces idées montrent que beaucoup de solutions existent. En informant le grand public et les décideurs politiques, il y aura une appropriation.»
Plus de 430 membres
Le regroupement compte actuellement plus de 430 membres. À l’Université Laval, on en retrouve dans chacune des 17 facultés. «Les professeurs de l’Université représentent presque 11% de l’ensemble, souligne-t-il. L’adhésion est extraordinaire. Elle démontre que la mobilisation est très importante sur le campus. Ces professeurs se sentent interpellés, la plupart ont des enfants. Les 17 facultés participantes sont la preuve que la problématique environnementale peut intéresser tout le monde.»
À la suite de la parution de l’ouvrage, les responsables du regroupement ont reçu une lettre de félicitations du scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion. Dans sa missive, il invite les membres de la communauté scientifique québécoise à prendre connaissance du livre.
Les membres du regroupement sont invités à soumettre des textes d’environ 900 mots. Ces textes peuvent prendre la forme d’articles, de lettres d’opinion, de textes collectifs, de baladodiffusions ou d’entrevues radio ou télé. Les contenus sont revus par un comité de rédaction. Les textes du livre sont répartis dans onze chapitres. Les sujets sont très variés, l’information très riche. À titre d’exemple, mentionnons «Les universitaires sont de gros émetteurs de gaz à effet de serre. Voyagent-ils trop?», «La décroissance: salut de l’humanité?», «Une vision apocalyptique qui exacerbe les mécanismes de défense», «Le deuil interespèce ou pourquoi pleurer une baleine?», «Yes, the climate change may wipe out six billion people».
Selon Patrick Provost, le Québec possède les ressources et les connaissances nécessaires pour jouer un rôle mondial sur les questions environnementales. «Le Québec peut être un chef de file avec l’hydroélectricité, affirme-t-il. Il s’agit de la forme d’énergie la plus propre que l’on puisse trouver. Nous sommes parmi les mieux nantis à ce chapitre. Je ne comprends pas pourquoi l’on n’en profite pas pour la développer au maximum.» Sur la question de la décroissance, le professeur soutient que notre mode de vie doit changer. «Plusieurs articles de l’ouvrage traitent de ce sujet, dit-il. La décroissance va être subie ou planifiée. Il y en aura une. Au rythme où vont les choses, nous aurons épuisé les ressources de la Terre plus vite qu’on ne le pense.»
La collection a été conçue de manière à promouvoir la science et la communication auprès des jeunes. Elle s’adresse autant aux professeurs qu’aux élèves et étudiants québécois. L’objectif est que les professeurs l’utilisent comme outil pédagogique afin d’organiser des travaux et susciter des réflexions de la part des élèves et des étudiants. À cet effet, il est possible de télécharger gratuitement le tome un de la collection sur le site Web du regroupement. «Tous les enjeux abordés dans le livre vont concerner nos élèves et nos étudiants, du niveau secondaire au niveau universitaire, soutient-il. Ils sont les décideurs de demain.»