Deux pionniers de l'enseignement du journalisme à l'Université Laval, Monseigneur Marcel Lauzon et le journaliste Louis Martin, nous ont quittés il y a quelques jours.
Monseigneur Lauzon, le doyen de la Faculté des arts de l'époque, a été en 1968 le père fondateur du programme Journalisme et information, devenu depuis le Département d'information et de communication de la Faculté des lettres. Il a piloté avec brio les travaux qui ont mené à la création de ce premier programme universitaire d'enseignement du journalisme au Québec.
J'ai côtoyé brièvement Mgr Lauzon, un homme doté d'une énergie peu commune et d'une capacité de synthèse remarquable, au sein du comité qui devait préparer le programme, et qu'il présidait. Bien que peu familier avec le monde des médias et du journalisme, il en a vite compris les besoins et a proposé, à la lumière de ce qui se faisait aux États-Unis où le journalisme s'enseignait depuis le début du 20e siècle, un cadre de formation que je continue à croire idéal: l'acquisition d'une solide culture disciplinaire, l'apprentissage à la pratique du journalisme associée à la réflexion sur son rôle social. Mgr Marcel Lauzon a permis au journalisme de faire ses premiers pas à l'Université. Il en a été le précurseur.
Louis Martin, décédé le mardi 22 janvier, atteint depuis plusieurs années d’un mal sournois, avait graduellement perdu contact avec notre monde. On n'entendait plus à Radio-Canada la voix chaleureuse de ce grand journaliste dont les interviews à la télévision et à la radio avaient permis pendant trente ans à de nombreux spectateurs et auditeurs de mieux comprendre les grands enjeux de notre temps.
On a, depuis quelques jours, rappelé de beaux moments de sa carrière et souligné la façon dont il a marqué le journalisme québécois contemporain. On connaît moins la trace qu'a laissée Louis à l'Université Laval. Professeur de journalisme pendant une courte période au début des années 1970, il n'a jamais cessé tout au long de sa carrière de s'intéresser aux questions de formation et de participer avec une grande générosité aux discussions incessantes qui y sont aujourd'hui encore liées. Quel enseignement doit-on offrir? Faut-il une formation plus pratique ou davantage théorique? Qui doit enseigner le journalisme? Des universitaires ou des professionnels? Louis n'aimait pas beaucoup ces débats qui ne mènent nulle part. L'enseignement doit «réconcilier théorie et pratique, âme et corps», écrivait-il en 1972. Plus récemment, ses réflexions ont largement contribué aux travaux d'un autre comité, chargé celui-là d'élaborer un programme de journalisme international. Nous y avons inventé, en cherchant à préciser les qualités souhaitées d'un bon journaliste, l'expression «rigueur imaginative». Rigueur et précision dans la collecte de l'information, imagination et esprit inventif dans l'organisation de la matière et de sa présentation. Louis incarnait dans sa pratique cette rencontre essentielle des arts et des sciences. Louis Martin n'aura pas été qu'un grand journaliste. Il a aussi contribué à l'intégration, parfois laborieuse mais maintenant bien ancrée, du journalisme à l'université.
FLORIAN SAUVAGEAU
Professeur, Département d'information et de communication