
Pour reconstituer les migrations de l'anguille, les chercheurs ont eu recours à des émetteurs satellites qui mesurent et enregistrent la température et la profondeur de l’eau. Le détachement de ces appareils est programmé afin qu'ils puissent remonter à la surface pour transmettre leurs données.
— José Benchetrit
Ces découvertes ont été retenues parmi toutes les propositions que le magazine a reçues des universités, des centres de recherche ou des chercheurs eux-mêmes. Les recherches proposées devaient constituer une percée ou une avancée majeure dans un domaine de recherche fondamentale ou appliquée et elles devaient avoir fait l’objet d’une publication scientifique dans une revue révisée par les pairs entre le 1er octobre 2015 et le 31 octobre 2016. Un jury, composé de scientifiques et de journalistes, a sélectionné les dix découvertes les plus marquantes.
Le fait que l'étude dirigée par Julian Dodson ait apporté une réponse à une énigme qui hantait les biologistes depuis plus d'un siècle a sûrement contribué à sa sélection. On soupçonnait depuis 1904 que l'unique site reproducteur de l'anguille d'Amérique se trouvait dans la mer des Sargasses parce que des larves de l'espèce y avaient été observées. Toutefois, les nombreuses expéditions visant à capturer des anguilles adultes dans leur mystérieux site de rassemblement avaient toutes échoué.
Mélanie Béguer-Pon, José Benchetrit et Julian Dodson, du Département de biologie, Martin Castonguay, de Pêches et Océans Canada, et Shiliang Shan, de l’Université Dalhousie, ont tiré la question au clair en suivant les migrations de 28 anguilles munies d'émetteurs satellites. Contrairement aux mammifères marins, ces poissons restent toujours sous l’eau, de sorte qu'il faut les munir d'appareils qui mesurent et enregistrent la température et la profondeur de l’eau afin de reconstituer leurs migrations. De plus, il faut programmer le détachement des émetteurs afin qu'ils puissent remonter à la surface pour transmettre leurs données. Les premiers modèles qui possédaient toutes ces fonctions tout en étant assez petits pour être installés sur une anguille sont apparus il y a quelques années seulement.
Les analyses des chercheurs publiées en octobre 2015 dans Nature Communications montrent que toutes ces anguilles ont adopté des trajectoires et des patrons migratoires similaires. Elles semblent utiliser les gradients de salinité et de température pour gagner la haute mer, mais une fois au large, un autre système de guidage, qui repose probablement sur les champs géomagnétiques, prendrait la relève. La seule anguille qui a fait toute la migration a franchi 2 400 km en 45 jours. Lorsque son émetteur s'est détaché, elle avait atteint la limite nord de la mer des Sargasses.
Pour Julian Dodson, aujourd'hui mi-retraité, la sélection de cette étude parmi les découvertes de l'année de Québec Science revêt un caractère particulier. « Il faut d'abord souligner qu'il s'agit d'une reconnaissance d’équipe, précise-t-il, et je suis très heureux d’avoir réalisé ce projet, un de mes derniers en science, en compagnie de collègues et d’amis aussi agréables que dynamiques. » Cet honneur s'ajoute à l'abondante couverture médiatique qui a été consacrée à cette découverte. « J’ai été surpris de l’intérêt international généré par nos recherches sur l’anguille. Je n’imaginais pas l’existence d’un aussi fort intérêt dans les médias pour la biologie de cette espèce. » La visibilité médiatique de cette découverte apporte un appui aux efforts de conservation de l'anguille d'Amérique, une espèce dont les populations ont périclité au cours des dernières décennies, rappelle le chercheur. « Les biologistes peuvent accumuler une quantité importante d’informations concernant l’état précaire des habitats ou des espèces, mais si le public n’est pas sensibilisé, la pression nécessaire pour faire agir les instances publiques ne peut se manifester. Une reconnaissance comme celle que nous accorde Québec Science permet de braquer les projecteurs sur une espèce et une situation écologique critique. »
Par ailleurs, Yves De Koninck et Dominic Boudreau, du Département de psychiatrie et de neurosciences et de l'Institut universitaire en santé mentale de Québec, figurent parmi les auteurs d'une étude également primée par Québec Science. Ces deux chercheurs ont collaboré aux travaux de l'équipe de Peter Grütter, de l'Université McGill, qui ont conduit à une publication dans The Journal of Neuroscience en janvier 2016.
L'article en question présente une méthode permettant la reconnexion artificielle de neurones. Les chercheurs ont fait appel à des nano-instruments pour réaliser des connexions fonctionnelles permettant la transmission de signaux électriques entre deux neurones. Cette technique constitue un nouveau pas vers le rétablissement de connexions neuronales chez les personnes souffrant de lésions ou de maladies du système nerveux central.