L’Irak constitue d’ailleurs un exemple frappant de la montée en puissance d’éléments armés frappant les populations de façon aveugle. Pour la journaliste au Nouvel Observateur, Sara Daniel, l’intervention américaine dans ce pays l’a transformé en «Djihadistan», où les groupuscules les plus divers se mènent une lutte fratricide. «On crée des terroristes à la pelle en Irak, affirme l’auteure de Voyage au pays d’Al-Qaïda, sans parler du front afghan qui se développe et du problème des zones tribales au Pakistan.» Difficile dans de telles conditions d’attribuer la violence dans la région seulement à Al-Qaïda, car ce mouvement n’a rien d’une organisation hiérarchisée, avec un chef à sa tête et une série de sous responsables. «Il s’agit davantage d’un label permettant à certains groupes d’avoir davantage de visibilité lors des attentats afin d’attirer le regard des médias et des financiers qui les soutiennent, confirme Aurélie Campana, la titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les conflits identitaires et le terrorisme à l’Université Laval. De petites cellules se forment, s’assemblent, puis s’éloignent, et bien souvent les membres d’un même réseau ne se connaissent pas.»
De tels groupes recrutent fréquemment dans les rangs d’une population éduquée en mal de repères, comme l’a constaté Nicole Schwartz-Morgan, professeure au Département de politique et d'économique du Collège militaire royal du Canada. À l’entendre, une véritable guerre des mots a lieu sur Internet, car de très nombreux jeunes musulmans s’informent quasiment exclusivement en lisant des sites religieux extrémistes. Les textes publiés se réfèrent au passé, aux archétypes et offrent le réconfort du soutien du groupe, au moment même où l’humanité toujours plus mondialisée cherche son centre. Déboussolés face aux changements majeurs que vit le monde contemporain, certains se radicalisent au contact d’une parole rassembleuse, note la coauteure du Manuel de recrutement d’Al-Quaïda publié au Seuil.