Bien qu'environ une personne sur 10 souffrira du trouble de déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) au cours de sa vie, les causes cellulaires de ce problème de santé sont encore très mal comprises. Une étude publiée dans Cell Reports par une équipe du Centre de recherche CERVO de l'Université Laval permet maintenant d'y voir un peu plus clair. En effet, ces chercheurs sont parvenus à déterminer quel type de neurones sont impliqués dans l'apparition de l'hyperactivité chez la souris ainsi que les mécanismes cellulaires en cause. Cette percée suggère un mode d'action plausible pour le Ritalin, un médicament abondamment prescrit contre le TDAH, mais dont le mécanisme d'action est méconnu.
Le responsable de l’étude, Martin Lévesque, de la Faculté de médecine, rappelle qu'on attribue le TDAH à des problèmes survenant pendant l’embryogenèse et en début de vie, lorsque les connexions se forment dans les neurones qui produisent la dopamine. Ce neurotransmetteur est impliqué dans le plaisir, l’attention, la récompense et le mouvement. Le cerveau humain renferme des dizaines de milliards de neurones, mais à peine 500 000 d’entre eux sont des neurones dopaminergiques, précise-t-il.
Dans l’article publié par Cell Reports, le professeur Lévesque et ses collaborateurs montrent que l’inhibition pharmacogénétique des neurones dopaminergiques pendant les premières semaines de vie chez la souris – ce qui correspond à la petite enfance chez l’humain – conduit rapidement à des comportements hyperactifs. «Ces souris parcourent deux fois plus de distance que les souris témoins dans un même laps de temps», précise le chercheur.
Lorsque la même expérience est répétée chez des souris adultes, les chercheurs n’observent aucun effet sur le comportement locomoteur. «En début de vie, le cerveau est très malléable et une perturbation de l’activité des neurones dopaminergiques durant cette période se répercute sur les comportements ultérieurs», explique le professeur Lévesque.
Les travaux des chercheurs ont permis de cerner le rôle de deux protéines – Slitrk2 et Slitrk5 – dans le développement des connexions des neurones dopaminergiques chez la souris. La Slitrk2 favorise la formation de synapses excitatrices qui augmentent l’activité motrice, alors que la Slitrk5 fait l’opposé, précise Martin Lévesque. «Un déséquilibre entre l'excitation et l'inhibition des neurones dopaminergiques pendant le développement des connexions conduit à l’hyperactivité chez la souris.» On ignore ce qui pourrait provoquer un tel déséquilibre chez l’humain, mais une combinaison de facteurs génétiques et de facteurs environnementaux, comme l’exposition aux pesticides, pourrait en être la cause.
Ce mécanisme cellulaire pourrait expliquer le mode d'action du Ritalin chez l'humain, poursuit-il. «On sait qu’une partie de la dopamine qui est libérée par les neurones dopaminergiques est recyclée par ces cellules. Le Ritalin bloque cette recapture, de sorte que même si moins de dopamine est libérée chez les enfants hyperactifs, celle qui l'est agit plus longuement.»
L’étude parue dans Cell Reports est signée par Charleen Salesse, Julien Charest, Hélène Doucet-Beaupré, Anne-Marie Castonguay, Simon Labrecque, Paul De Koninck et Martin Lévesque.