3 septembre 2025
Des combinaisons de vieillissement pour se glisser dans la peau d’une personne aînée
Au Centre de simulation Apprentiss, les étudiantes et étudiants de la Faculté de médecine peuvent expérimenter de façon concrète les limitations physiques et sensorielles liées à l’âge
La combinaison de vieillissement (geri suit) vise à restreindre les mouvements, tout en les rendant plus exigeants physiquement. Vêtue d'une telle combinaison, la technicienne spécialisée en simulation Vanessa Massicotte s'assoit de manière pénible sur le lit d'hôpital.
— Yan Doublet
Le 27 août, près d’une centaine d’étudiantes et étudiants de l’externat en médecine participait à une formation PDSP (principes pour le déplacement sécuritaire de personnes), où on leur enseignait notamment les bonnes pratiques pour aider une personne aînée à se mouvoir d’un fauteuil à un lit d’hôpital. Ce déplacement, en apparence banal, peut toutefois représenter une rude épreuve pour une personne aux prises avec plusieurs limitations causées par la vieillesse.
Pour sensibiliser les futurs médecins aux efforts que peuvent exiger certains gestes simples chez la personne aînée, on les a invités à revêtir une combinaison gériatrique (geri suit) pour ressentir les effets du vieillissement.
Cette combinaison, munie de sangles qu’on resserre pour courber les épaules et le dos, vise à restreindre les mouvements, tout en les rendant plus exigeants physiquement. Des poids sont donc ajoutés aux poignets et aux chevilles pour simuler en quelque sorte la baisse d’énergie liée à l’âge. Pour reproduire la perte de souplesse, des pantoufles sont attachées au vêtement et des bandes sont fixées pour limiter les flexions du cou, des coudes et des genoux. À cela s’ajoutent quelques accessoires: des lunettes qui, en plus d’altérer la vision périphérique, sont teintées en jaune pour simuler une cataracte; des bouchons pour diminuer l’audition, et des gants pour réduire la dextérité fine.
De gauche à droite: Julie Langlois, Théo Dubé et Gabrielle Fernandez, étudiantes et étudiant à l'externat en médecine, à l'occasion d'une formation PDSP, le 27 août, au Centre Apprentiss.
— Yan Doublet
«Entrer dans un geri suit, c’est comme entrer dans la peau d’une personne plus âgée. C’est une belle leçon d’humilité. Ça m’a causé des douleurs dans le bas du dos et je me suis dit que c’est peut-être ce que ressent l’aîné moyen. D’ailleurs, les aînés se plaignent souvent de maux de dos. En ce qui concerne la vision, j’ai été étonnée de constater à quel point on ne voit pas grand-chose», témoigne Marie-Ève Leclerc, étudiante à l’externat en médecine, qui essayait pour la première fois une combinaison de vieillissement.
L’effet est immédiat, comme il a été possible de le constater auprès de la technicienne spécialisée en simulation Vanessa Massicotte, qui a enfilé une combinaison pour la séance de photos. Les gestes sont plus lents, les déplacements plus précaires. «Dans un geri suit, on se sent écrasé. Monter quelques marches épuise rapidement. Trouver son équilibre pour marcher droit devient un défi», explique Geneviève Côté, responsable de travaux pratiques et de recherche au Centre Apprentiss, qui a aidé sa collègue à revêtir le vêtement et ses accessoires.
Un vêtement tout simple, mais qui change tout
La combinaison gériatrique prouve que la fine technologie n’est pas toujours nécessaire pour faire de belles avancées en matière de simulation. Toutefois, même si l’équipement est relativement simple, le mettre sur soi n’est pas pour autant un jeu d’enfant. «Idéalement, il faut être deux. C’est plus facile si une autre personne resserre les sangles jusqu’à donner une posture qui ressemble à une scoliose», indique Geneviève Côté, qui ajoute que le Centre Apprentiss a produit un tutoriel, avec le concours de deux techniciennes en travaux d’enseignement et de recherche, Sarah Meunier et Frédérique Lalande, pour expliquer aux étudiantes et étudiants comment l’enfiler correctement.
Geneviève Côté, responsable de travaux pratiques et de recherche, resserre les sangles de la combinaison gériatrique portée par Vanessa Massicotte, technicienne spécialisée en simulation.
— Yan Doublet
Une fois revêtue, la combinaison peut profondément changer la vision de la vieillesse dans un contexte de soins. «Dans un hôpital, où le temps est compté, il est facile d’oublier les réalités du patient. Le geri suit sert de rappel: certaines consignes qu’on donne peuvent être longues ou difficiles à effectuer pour une personne âgée», affirme Vanessa Massicotte, qui a déjà été infirmière dans un hôpital. À titre d’exemple, on peut penser à ouvrir un pilulier et à prendre la plus petite parmi quatre ou cinq pilules, ou encore à aller remplir un petit contenant d’urine aux toilettes.
Acquises par le Centre Apprentiss il y a environ un an et demi, les combinaisons de vieillissement ont d’abord été utilisées dans des formations pratiques en physiothérapie et en médecine d’urgence, mais se retrouvent aujourd’hui dans des ateliers de divers domaines de la santé. Par exemple, en audiologie, les étudiantes et étudiants vêtus d’une combinaison sont appelés à monter quelques marches, à entrer dans une cabine d’audiométrie, puis à aller chercher un formulaire quatre étages plus haut. «Ils se rendent bien vite compte que ce n’est pas si facile d’entendre, de se déplacer sur une longue distance, de voir le bon bouton dans l’ascenseur et de tourner les pages d’un formulaire», raconte Geneviève Côté, pour qui il est essentiel de développer l’empathie chez les futurs professionnels et professionnelles de la santé.
— Geneviève Côté, responsable de travaux pratiques et de recherche au Centre Apprentiss
Au Centre Apprentiss, la formation ne consiste donc pas qu’en l’acquisition de connaissances techniques. On travaille également à développer les compétences humaines et relationnelles des étudiantes et étudiants. Conscientisés aux défis d’un corps qui ne répond plus avec la même agilité, ils ne ressortent pas insensibles de l’expérience. «D’emblée, je pense être capable d’une grande empathie, mais entrer dans les souliers de son patient, ça aide vraiment à mieux comprendre ce qu’il vit et ça remet en question certaines de nos croyances et de nos pratiques. Comme futur médecin, c’est important de développer l’empathie», conclut l’étudiante Marie-Ève Leclerc.
Le vêtement, avec les poids qu'on ajoute dans de petites poches à la hauteur des poignets et des chevilles, ainsi que les accessoires: gants, pantoufles, lunettes et bouchons.
— Yan Doublet