13 décembre 2024
Mieux guérir le cancer de l'œil grâce à des implants radioactifs personnalisés
L'équipe du professeur Marc-André Fortin à la Faculté des sciences et de génie a conçu une technologie qui cible les cellules tumorales tout en préservant les tissus sains environnants
Le mélanome uvéal, ou cancer de l'œil, est le type de mélanome le plus répandu après celui de la peau, avec 350 nouveaux diagnostics chaque année. Le traitement de cette maladie pose plusieurs défis que veut surmonter Marc-André Fortin, professeur au Département de génie des mines, de la métallurgie et des matériaux.
«C'est un projet qui me tient à cœur, lance-t-il. C'est pratiquement une maladie orpheline pour laquelle il n'y avait pas eu beaucoup de développement dans les 30 dernières années et pour laquelle on pouvait avoir un impact significatif.» Il a présenté ses travaux de recherche sur les implants radioactifs lors d'une conférence grand public organisée par la Formation continue de la Faculté des sciences et de génie.
Le professeur Fortin explique que le cancer de l'œil est actuellement traité grâce à une plaque de métal circulaire qui contient des grains radioactifs. Cette plaque épisclérale est insérée chirurgicalement dans l'œil pour tuer les cellules tumorales. L'approche de radiothérapie directement à l'intérieur du corps, appelée curiethérapie, pose toutefois des risques aux tissus sains entourant la tumeur.
«Pour 30 à 45% des patientes et patients traités, notamment quand la plaque est située trop proche du nerf optique ou de la rétine, il y aura des dommages oculaires et une diminution de l'acuité visuelle, une pathologie nommée rétinopathie radio-induite», souligne Marc-André Fortin, aussi chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec – Université Laval.
Selon la forme de la tumeur et sa profondeur dans l'œil, c'est plus difficile à traiter. La plaque doit être plus grande, ce qui endommage davantage les tissus sains. «Les tumeurs allongées ou profondes comptent pour 25% des cas, précise-t-il. Et pour 5% des patients, les dommages causés mènent à l'énucléation, soit le retrait de l'œil.»
Améliorer le traitement
Avec son groupe de recherche, le professeur Fortin souhaite bonifier la technologie de traitement en améliorant la plaque épisclérale. Les chercheuses et chercheurs utilisent l'impression 3D pour fabriquer des plaques avec une forme et une répartition de la radioactivité plus personnalisée. «Comme ingénieur, c'est de loin le type d'objet radioactif le plus intéressant, car il est petit. C'est donc associé à un défi de conception et de fabrication.»
Dans son laboratoire, Théophraste Lescot, ancien étudiant à la maîtrise et professionnel de recherche, a travaillé sur le design numérique de la plaque et sur son impression. «La précision est le principal défi de l'impression 3D. Il fallait donc trouver un moyen de vérifier la conformité de la plaque en la comparant au schéma initial», rapporte le professeur Fortin.
Son équipe a notamment collaboré avec Claudine Bellerive, professeure de clinique à la Faculté de médecine et chercheuse au CHU de Québec – Université Laval, pour s'assurer que les plaques sont faciles d'utilisation. «Si un implant est trop différent de ce à quoi les chirurgiennes et chirurgiens s'attendent, ils ne l'utiliseront peut-être pas.».
En plus de la forme de la plaque, l'équipe du professeur Fortin a personnalisé la disposition de la radioactivité pour mieux traiter les tumeurs profondes, souvent sous forme de champignon, dans l'œil. Le doctorant Souheib Zekhraoui a mis au point une nouvelle façon de transformer les sources radioactives. Habituellement sous forme de grain de riz qui irradient dans toutes les directions, elles prennent plutôt la forme de petits canaux qui contiennent la radioactivité. Cette configuration permet de projeter les radiations dans une direction pour préserver les tissus sains alentour.
Ces canaux radioactifs peuvent être positionnés dans la plaque selon la dose prescrite. Pour valider cette disposition, un profil de dose est nécessaire pour déterminer la portée de la radiation. La doctorante Mahdokht Akbari a conçu un hydrogel qui se solidifie légèrement en présence de radiation. Ces zones, dites polymérisées, servent à cartographier les radiations.
Le professeur Fortin et son équipe testent leur technologie à partir de données de cas réels, de la prescription à la validation de l'implant imprimé. Ils souhaitent déposer une demande à Santé Canada pour un permis d'étude clinique.
Selon Marc-André Fortin, les avancées en lien avec le cancer de l'œil peuvent être transférées à d'autres types de cancer, dont celui de la gorge, de l'œsophage ou des parties génitales. «Ça peut servir dans tous les types de traitements qui impliqueraient le design d'un implant personnalisé.»