Une équipe de l'Université Laval a mis au point une intervention comportementale qui améliore le sommeil et la santé mentale des personnes dont le travail implique des quarts de nuit. Une démonstration de l'efficacité de cette intervention vient d'être apportée par cette équipe, dirigée par la professeure Annie Vallières, dans une étude publiée par le Journal of Sleep Research.
«Environ 1 personne sur 4 a un horaire qui implique des quarts de travail à l'extérieur de la période allant de 6 h à 18 h. On estime que 27% de ces personnes souffrent du trouble de l'horaire de travail», souligne Annie Vallières, professeure à l'École de psychologie de l'Université Laval et chercheuse au Centre de recherche CERVO et au Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval.
«Ces personnes vivent une désynchronisation de leur rythme circadien, poursuit-elle. Elles ne sont pas en phase avec leur rythme naturel de sommeil, ce qui entraîne de l'insomnie et de la somnolence. Leurs ruminations mentales par rapport au sommeil exacerbent leur condition. Il en résulte de nombreux problèmes physiologiques tels que des problèmes gastro-intestinaux et des maladies cardiovasculaires, mais aussi des problèmes psychologiques tels que l'anxiété, le stress et des symptômes dépressifs.»
Les traitements usuels offerts à ces personnes font appel aux lampes de luminothérapie servant à synchroniser le rythme circadien à l'horaire de travail, à des somnifères pour contrer l'insomnie ou à la caféine pour demeurer alerte. «Ces différentes approches peuvent aider temporairement, mais elles ne règlent pas le problème de façon durable», constate la professeure Vallières.
C'est pour cette raison que la chercheuse travaille depuis quelques années à la mise au point d'une approche comportementale destinée à ces personnes. «Je fais appel à des approches développées pour traiter l'insomnie nocturne et je les adapte pour les personnes qui travaillent sur des quarts de nuit et qui doivent dormir le jour. Le traitement contre le trouble de l'horaire de travail repose sur la restriction du temps passé au lit et sur son augmentation graduelle lorsque l'efficacité du sommeil s'améliore, sur l'adoption de périodes fixes pour le sommeil de jour, pour les siestes et pour le sommeil de nuit (pendant les jours de congé), et sur un contrôle des stimuli lumineux afin de créer des conditions d'obscurité visant un ajustement du rythme circadien.»
Pour tester l'efficacité de ce traitement, la professeure Vallières et ses collègues ont recruté 43 personnes qui travaillaient la nuit et qui souffraient du trouble lié à l'horaire de travail. La presque totalité était infirmières ou préposées aux bénéficiaires. Elles occupaient un travail de nuit depuis 5 ans en moyenne, et leurs problèmes de sommeil duraient depuis 3,5 ans.
Au terme de l'intervention de 8 semaines, les chercheuses ont constaté une diminution de l'indice de sévérité de l'insomnie diurne et une augmentation de 35 à 40 minutes de la durée du sommeil diurne. Elles ont aussi noté une diminution des ruminations mentales, de l'anxiété et des symptômes dépressifs. «Il s'agit d'améliorations substantielles, commente la professeure Vallières. Chez les personnes qui ont suivi le traitement jusqu'à la fin, 92% ont connu une rémission partielle ou totale du trouble de l'horaire de travail.»
Les personnes qui travaillent de nuit et qui sont aux prises avec des problèmes d'insomnie diurne devront patienter un peu avant de pouvoir profiter des bienfaits de cette intervention. «Ce traitement n'est pas encore offert à la population, mais nous avons entrepris d'en faire une version en ligne, souligne la professeure Vallières. Son efficacité sera évaluée lors d'un projet pilote qui se déroulera cet automne avec la collaboration du CIUSSS de la Capitale-Nationale et du CIUSSS du Nord-de-l'Île-de-Montréal.»
Les signataires de l'étude parue dans le Journal of Sleep Research sont Annie Vallières, Alric Pappathomas, Séverine de Billy Garnier, Chantal Mérette et Célyne Bastien, de l'Université Laval, Julie Carrier, de l'Université de Montréal, et Tyna Paquette, du CIUSSS du Nord-de-l'Île-de-Montréal.