Quarante-cinq. C’est le nombre d’étudiantes et d’étudiants inscrits aux programmes de médecine, de physiothérapie ou d’ergothérapie de l’Université Laval à avoir effectué, à l’été et à l’automne 2023, un stage international et interculturel de 9 semaines dans un pays en développement. Au nombre de 11, ces pays comprenaient le Bénin, la Côte d’Ivoire, l’Inde, l’Indonésie, le Laos, Madagascar, le Népal, le Sénégal, la Tanzanie, la Tunisie et le Vietnam. De 2005 à 2019, ainsi qu’en 2023, 950 étudiantes et étudiants de la Faculté de médecine ont pu vivre l’expérience particulière du stage international et interculturel.
«Ces stages sont importants pour nous, explique la conseillère en mobilité internationale à la Faculté de médecine, Chloé De Bellefeuille. Ils permettent à l’étudiant de travailler sur les compétences dont il aura besoin comme professionnel pour intervenir en contexte interculturel, sur les attitudes et les bonnes pratiques pour interagir avec les patients d’horizons culturels différents.»
Dans son stage, l’étudiant est exposé à un contexte sociosanitaire et à une organisation des soins de santé fort différents de ce qu’il connaît. Le stage permet aussi de développer des aptitudes personnelles comme l’autonomie, l’ouverture d’esprit et la capacité d’adaptation.
«Les étudiants disent souvent en entrevue vouloir sortir de leur zone de confort, poursuit-elle. Le stage permet cela en les exposant aux inégalités de santé à l’échelle planétaire. Ce sont des expériences qui transforment un parcours. Ils sont parfois bousculés, parfois émerveillés.»
Selon la conseillère, chaque année, différents étudiants lui disent avoir choisi l’Université Laval pour ses stages. «Neuf semaines, dit-elle, cela parle à beaucoup d’étudiants. Ils ont la possibilité de se plonger dans le volet culturel. Ils créent des liens. L’offre de stages, quant à elle, est assez exhaustive et se démarque des autres universités. Les nombreux partenariats que nous avons établis permettent une diversité de milieux de stages. L’Université se distingue aussi par son programme de bourses d’études et par l’encadrement offert. Nous avons des façons de faire différentes d’autres universités.»
Cinquante-deux étudiantes et étudiants sont présentement en formation en vue du stage de l’été prochain. «Nous sommes en train de rattraper les cohortes prépandémiques», souligne Chloé De Bellefeuille.
Tous les stagiaires, sauf deux, de la cohorte 2023 ont été encadrés et financés par le Fonds étudiant de la Faculté de médecine, le FEMSI. Pendant une bonne partie de leur année scolaire, ces étudiants ont consacré environ 80 heures à des activités de collecte de fonds telles que le Massothon du FEMSI, la vente de produits et autres. Les sommes recueillies ont servi à financer des bourses remises aux stagiaires. Une partie des fonds amassés est octroyée à des projets de réciprocité pour les partenaires de stage qui accueillent les stagiaires. À l’automne 2023, deux bourses ont été remises à des étudiantes de Madagascar afin de financer un stage de 3 mois en médecine à Québec.
De l’Asie du Sud-Est à l’Afrique
Karolanne Demers et Valérie Dollo sont toutes deux inscrites au doctorat en médecine à l’Université Laval. Elles font actuellement leur première année d’externat. L’été dernier, elles ont pris l’avion dans le cadre du stage international et interculturel. La première avait choisi le Laos, un petit pays d’Asie du Sud-Est, la seconde avait jeté son dévolu sur Madagascar, une île immense au large de la côte sud-est de l’Afrique.
«Le Laos est pauvre et attire moins les touristes, explique Karolanne Demers. Il est moins accessible pour les voyageurs et il est difficile de s’en imprégner. J’avais déjà voyagé dans des pays plus développés d’Asie du Sud-Est et je trouvais intéressant d’avoir la chance de comparer les mœurs, les croyances médicales et le savoir-faire culturel entre ces pays du même coin du continent.»
Valérie Dollo, pour sa part, devait initialement partir au Pérou. Vu la situation politique dans ce pays, son stage a été annulé. Trois autres pays de stages lui ont été proposés. «J’ai choisi Madagascar, dit-elle. J’étais très intriguée pour plusieurs raisons. D’abord, il s’agit d’une île faisant partie du continent africain. Ce pays est reconnu pour être très difficile à visiter, ses routes sont désastreuses. Y aller dans le contexte d’un stage me paraissait idéal. Finalement, l’éducation des Malgaches se fait entièrement en français.»
Karolanne Demers a réalisé l’entièreté de son stage au Lux Maria Teresa Hospital, un établissement financé par le Luxembourg, mais dirigé par des Laotiens et situé dans la ville de Phonemy. Il est doté de six départements: la radiologie, la chirurgie, la médecine interne, la gynécologie-obstétrique, l’urgence et la pédiatrie. «Cet hôpital de référence accueillait les cas complexes des autres districts de la province, raconte-t-elle. Mais il devait aussi et souvent transférer des patients à l’un ou l’autre des hôpitaux de la capitale, lesquels offrent des soins privés.»
Valérie Dollo a travaillé dans trois établissements durant son séjour. D’abord, au Centre de santé de base de Mahavoky Sud, une sorte de CLSC et de groupe de médecine familiale où l’on offre, entre autres, des soins prénataux. On y fait aussi les suivis de grossesse, les naissances, la vaccination et la contraception. Un seul médecin est sur place. Ensuite, au Centre de santé intégré Mahabibo, un endroit semblable au précédent où l’on offre, entre autres, des suivis de la tuberculose et du VIH. Trois médecins desservent l’établissement. Enfin, au Centre hospitalier universitaire Androva, à Mahajanga, où l’étudiante a passé un mois dans un service de pédiatrie.
«Le système de santé malgache est somme toute bien organisé, soutient-elle. On y retrouve, comme au Québec, des centres de première ligne, les centres de santé de base, ensuite des institutions supervisant ces centres et, finalement, des hôpitaux. En campagne, on ne retrouve que des centres de santé de base.»
Au Laos, les hôpitaux privés de la capitale Vientiane offrent des soins ressemblant davantage à ceux des pays industrialisés. «Les soins à l’intérieur de l’hôpital régional dans lequel mon stage avait lieu étaient gratuits pour les prises de sang et imageries de base, le lit, le traitement de base comme le soluté et l'antibiotique, explique Karolanne Demers. Ces soins étaient réservés aux résidents de la province ayant leurs papiers d’identité, ce qui est le cas de la majorité des patients. Chaque hôpital régional organise ses soins à sa façon, souvent dans la conformité des autres hôpitaux régionaux dans le but d’un fonctionnement optimal.»
Des médecins bien formés
Dans leurs tâches quotidiennes, l’une et l’autre étaient considérées comme des étudiantes en médecine.
Pour sa part, Karolanne Demers était invitée à faire des actes de niveau infirmière ou externe en médecine, par exemple faire une prise de sang, mettre une sonde, assister en chirurgie, faire une ponction pleurale, faire des points de suture et faire des électrocardiogrammes. «Mais, souligne-t-elle, je mettais mes limites pour respecter mes droits en tant qu’étudiante en médecine au préclinique.» Elle ajoute qu’elle ne faisait jamais d’actes seule, même pas un examen physique. «Surtout, dit-elle, parce que je demandais à toujours être supervisée par les médecins de la place.»
Et les médecins que vous avez côtoyés? «À Madagascar, le système d’éducation est basé sur le système français, les médecins sont donc très bien formés, répond Valérie Dollo. Ils ont de bonnes connaissances et les moyens pour rester à jour, mais ils n’ont pas le matériel pour appliquer leurs connaissances, qu’il s’agisse de médicaments ou de technologies à la fine pointe.»
Au Laos, les médecins sont en majorité formés au pays dans les hôpitaux de la capitale. Ces établissements universitaires ont beaucoup de moyens ainsi que des technologies qui ressemblent à celles des hôpitaux occidentaux. «Ils sont très bien formés à mon avis, répond Karolanne Demers. Toutefois, ceux que j’ai côtoyés n’avaient pas de formation continue, alors leurs connaissances n’étaient parfois pas à jour ou oubliées. Certains médecins avaient étudié en Chine. Ils semblaient avoir des connaissances plus à jour, possiblement parce qu’ils avaient appris l’anglais, ce qui leur permettait de se renseigner dans des ressources à jour.»
Les deux étudiantes ont beaucoup retiré de leur expérience dans des pays en développement. Valérie Dollo croit que nous avons «beaucoup à apprendre» du système de santé malgache, un système «si humain».
Karolanne Demers met en lumière le fait que les hôpitaux laotiens sont gérés indépendamment par un comité à même l’hôpital. Dans ces établissements, l’opinion et le bien-être du personnel soignant sont pris en compte. «Dans ce pays, ajoute-t-elle, rapidité d’exécution et anxiété ne font pas partie du quotidien. Il faisait bon vivre et les médecins semblaient heureux, accomplis dans leur rôle de soignant.»
Selon elle, la qualité des soins n’est pas la même qu’au Québec. «Les médecins faisaient beaucoup avec peu, par exemple, inventer une mèche stérile pour drainer un abcès à partir d’un gant stérile plutôt que d’acheter d’un manufacturier spécialisé, indique-t-elle. Et jamais personne ne se plaignait de ne pas avoir accès aux technologies qui faciliteraient les soins, comme celle permettant un examen par tomodensitométrie. À la fin de la journée, patients comme personnels soignants affichaient toujours un grand sourire de simplicité et de reconnaissance. La vie y était légère et facile, bien qu’elle aurait été considérée comme épouvantablement difficile ici.»