Les 26 finissants au baccalauréat en sciences et technologie des aliments présentaient en équipe cinq produits de leur cru, le 17 avril. Aux côtés d'un gobelet à café comestible, d'un fromage au chocolat et d'une préparation à gâteau à base de farine d'insectes, une bouchée double chocolat aux algues a remporté le prix du public tandis qu'une collation gélifiée végétalienne, sorte de Jell-O à la pomme baptisée Bubbly Jelly, a conquis le jury.
«On a beaucoup aimé la cohésion de l'équipe et la naturalité du produit», a commenté Julien Chamberland, professeur en sciences des aliments et membre du jury, en parlant de la collation gélifiée. «Quand on le consomme, on a l'impression d'avoir une pomme dans la bouche.»
La qualité des créations présentées a compliqué les délibérations, a souligné le professeur responsable de ce cours en développement de produits alimentaires, offert pour une deuxième année.
«Ancrés dans les tendances»
«Les étudiants sont vraiment ancrés dans les tendances. Ces temps-ci, on voit beaucoup de petites bouchées, de snacks, de collations. Comme la bouchée double chocolat aux algues, par exemple. On sent le plaisir, le chocolat.» C'est d'ailleurs le produit coup de cœur de la soixantaine de participants du public, dont les étudiants de l'Institut de technologie agroalimentaire du Québec, à Saint-Hyacinthe.
Cette équipe a misé sur l'aspect santé et la valeur nutritive des algues, un produit québécois peu valorisé, indique le professeur Chamberland. Il ajoute que ces petites bouchées ont été imaginées pour un marché de sportifs.
Le gobelet à café comestible et le mélange à brownies à la farine d'insectes, une source de protéine moins dommageable pour l'environnement, montrent aussi, selon lui, la conscience chez les étudiants de l'importance du développement durable.
Une deuxième vie à la pulpe de jus
Le jury a été séduit par l'histoire derrière la collation gélifiée. Une membre de l'équipe, Rosalie Simard, a eu l'idée d'utiliser et de revaloriser la pulpe de jus de l'entreprise où elle travaille, Les aliments Impress, à Beauport. Ce résidu, ou coproduit, se retrouvait au compost une fois les jus pressés.
«On s'intéressait à l'économie circulaire, on a voulu donner une deuxième vie au déchet», a expliqué à ULaval nouvelles sa coéquipière Amélie Roy, pendant la préparation de Bubbly Jelly dans le laboratoire de transformation des aliments du pavillon Paul-Comtois lors de la journée de livraison des prototypes, le 14 avril. La pulpe infusée avec de l'eau et de la cannelle sert de base au produit gélifié.
«On est les premiers à apporter une saveur naturelle; les produits du genre présentement sur le marché ont des saveurs artificielles. Et en plus, il n'y a pas de Jell-O à la pomme au Canada», a renchéri Véronique Bougie.
L'équipe de la ricotta au chocolat, Chocomage, a aussi travaillé avec un sous-produit des fromageries, le lactosérum. «C'est de la protéine. Il y a beaucoup d'éléments nutritifs qui sont jetés ou donnés à l'alimentation animale. En réutilisant le lactosérum, ou le lait écrémé, on peut faire du profit et moins de gaspillage dans le processus», a exposé son cocréateur, Daniel Petitpas.
La beauté de son produit est sa texture légère et son goût pas trop sucré. «Ça peut être tartiné sur un bagel, utilisé en cannoli, comme garniture, ou même mangé à la cuiller comme un yogourt. Ce n'est pas écœurant comme un glaçage», glisse-t-il en montrant aussi un chou à base de cette crème.
Le professeur Chamberland a été soufflé par les présentations recherchées des aliments. «Ils ont été créatifs. Ils ont aussi créé des logos, des emballages. Ils n'étaient pas obligés de le faire, mais ils ont voulu pousser leur projet plus loin.»
Projet intégrateur
Les finissants avaient certaines contraintes dans l'élaboration de leur aliment, comme utiliser des ingrédients qu'on peut acheter facilement, porter attention aux prix des intrants (l'intégration de foie gras, par exemple, était écartée), penser à une commercialisation à long terme, au coût de revient et à la compétitivité de la bouchée avec des produits concurrents.
«Les étudiants voient toutes sortes de choses dans leur formation: de la microbiologie, de la chimie, des systèmes de qualité, de la durabilité… Ils mettent à profit toutes ces connaissances pour leur projet final, indique le professeur Chamberland. On apprend plus qu'à être des cuisiniers, on apprend à faire des aliments pour des milliers de personnes. L'important, c'est de bien contrôler l'aspect biologique, de bien connaître la matrice alimentaire, tous les règlements de fabrication.»
Ce baccalauréat en sciences et technologie des aliments, un programme unique en français en Amérique du Nord, précise-t-il, permet ensuite de se trouver un emploi dans les grandes entreprises de transformation alimentaire. Certains se lancent aussi à petite échelle, dans la PME.
L'équipe de Bubbly Jelly ne sait pas si elle va développer davantage son produit en dehors du cours, pour éventuellement le commercialiser. Mais avant même le concours, les six coéquipières avaient fait une analyse sensorielle avec un panel de dégustation. Trente-et-une personnes ont goûté à l'aveugle leur gelée et deux autres produits du commerce. Leur recette a emporté haut la main le test du goût, de l'aspect naturel et de l'ensemble du produit. La texture reste le point à améliorer.
Véronique Bougie explique que leur décision de faire une collation végétalienne, sans gélatine à base de porc, a nécessité une bonne recherche pour trouver un agent gélifiant de remplacement. Il a ensuite fallu faire plusieurs essais pour trouver le bon dosage de calcium et de sucre, ce qui influence aussi la texture. Trois mois plus tard, le jury a apprécié.
«Une session, ce n'est pas long pour développer un produit. En entreprise, ça prend un an», souligne Julien Chamberland, fier de sa cohorte.
Outre le professeur Chamberland, le jury était composé d'Yves Pouliot, professeur retraité en sciences des aliments, de Ronan Corcuff, coordonnateur du Service de soutien à l'innovation de l'Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels, de Vincent Banville, directeur scientifique du Centre de développement bioalimentaire du Québec, et de Geneviève Gagnon, chargée de cours et gestionnaire des projets du cours de Projet intégrateur en développement de produit alimentaire.