Près d’une centaine de personnes ont assisté, le mercredi 5 avril, à l’inauguration du Cercle des Premiers Peuples de l’Université Laval. La cérémonie s’est déroulée à la Bibliothèque, dans le hall du quatrième étage du pavillon Jean-Charles-Bonenfant, en présence de la rectrice Sophie D’Amours, du député François St-Louis, adjoint parlementaire du ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, et de la vice-rectrice aux études et aux affaires étudiantes, Cathia Bergeron.
Dans son allocution, la rectrice a souligné le fait que le Cercle a pignon sur rue à la Bibliothèque. «Ce n’est pas anodin, a-t-elle dit. La Bibliothèque est la grande maison du savoir et elle va s’enrichir des rêves et de l’apport culturel des étudiantes et des étudiants autochtones.» Prenant ensuite la parole, le député St-Louis a fait remarquer que le plan d’action gouvernemental comportait plusieurs valeurs communes avec le plan institutionnel de l’Université Laval, En action avec les Premiers Peuples.
L’événement a été rehaussé par la présence de l’aîné Oscar Kistabish. Membre de la nation anishnabe, il a prononcé un long et émouvant «mot de sagesse» pour ouvrir la cérémonie. Par la suite, deux étudiants autochtones ont livré un vibrant témoignage: d’abord Alexandre Dumais-Dubé, membre de la nation anishnabe inscrit à la maîtrise en sciences géographiques, ensuite Raven Larocque-Laliberté, membre de la nation mi’gmaq inscrite au baccalauréat en psychologie.
La cérémonie a pris fin sur un chant traditionnel huron-wendat, une berceuse «pour amener les enfants vers les étoiles» qu’a interprétée, en s’accompagnant au tambour autochtone, l’étudiante inscrite au doctorat en médecine dentaire, Keyara Gros-Louis.
Rappelons que le Cercle des Premiers Peuples était l’un des engagements de l’Université Laval lorsque la rectrice Sophie d’Amours a déposé le plan En action avec les Premiers Peuples en décembre 2020.
Le Cercle est une réalisation conjointe de l’Université Laval et de l’équipe du secteur Premier Peuples, en collaboration avec un comité d’étudiantes et d’étudiants autochtones. Il s’agit d’un espace de «sécurisation culturelle» destiné principalement à la communauté autochtone du campus, laquelle compterait environ 400 membres. Les allochtones de toute la communauté universitaire sont également les bienvenus dans ce point de rencontre et d’échange. Ce lieu assure une diversité de services et d’activités adaptés aux besoins spécifiques des étudiantes et des étudiants autochtones, tels que la reconnaissance culturelle, l’intégration à Québec, l’hébergement, l’aide aux devoirs, le soutien psychologique, la recherche de bourses ou le soutien administratif. Le Cercle se veut aussi un espace où étudier, faire des travaux d’équipe, ou échanger autour d’un repas. Des ateliers d’artisanat ouverts à tous, des conférences, des sorties sur le territoire sont ou seront au programme.
Une cérémonie touchante
Oscar Kistabish fut le premier invité à prendre la parole. Tenant une plume d’aigle entre ses doigts, il s’est adressé à l’auditoire d’abord dans sa langue maternelle ensuite en français. «Je suis vraiment content d’être ici, a-t-il dit. La création du Centre est une reconnaissance des étudiants autochtones qui viennent ici et de ce qu’ils sont. Les universités qui comprennent ça peuvent travailler avec les peuples autochtones. On peut aller loin ensemble.»
Le conférencier avait apporté un tikinagan, un porte-bébé autochtone. Pas n’importe lequel puisqu’il s’agissait de celui dans lequel il avait été porté pendant les neuf premiers mois de sa vie. «Le bébé placé debout voit tout; il va observer, il va analyser des choses, a-t-il expliqué. Il va entendre le chant des oiseaux et entendre siffler le vent. Il apprend à écouter. Nos ancêtres qui ont inventé le tikinagan étaient vraiment des génies pour penser à l’enfant.»
Il a rappelé que sa langue maternelle est très descriptive et qu’il a été élevé selon les valeurs traditionnelles dans une communauté regroupant une dizaine de familles. Il a ensuite vécu 10 ans dans un pensionnat pour les enfants autochtones. «On nous a dit que tout ce qu’on avait appris n’était plus bon, a-t-il raconté. Il nous a fallu changer notre façon de vivre, de penser. Plus tard, à un moment donné, on s’aperçoit qu’il nous manque quelque chose dans notre façon de vivre. Personnellement, quand on ne sait plus où aller, quand on ne sait pas quoi faire, quand on cherche quelque chose, je suis tombé, comme mes amis du pensionnat, dans l’alcool. Quand j’ai voulu arrêter, les alcooliques anonymes m’ont aidé pendant trois mois. Mais comme anishnabe, j’avais besoin d’autre chose. J’ai été voir des aînés pour compléter ma formation d’être humain.»
Avant la cérémonie, Oscar Kistabish a discuté avec une quinzaine d’étudiantes et d'étudiants autochtones. À ce moment-ci de sa présentation, il les a spontanément invités à le rejoindre, ce qu’ils ont fait sous les applaudissements de l’auditoire. «C’est pour eux, le Cercle, a-t-il lancé. J’ai tout de suite senti leur vitalité. Il y a tout de suite eu une communication. On dit toujours que les jeunes sont l’avenir. Non, l’avenir, il est là.»
S’adressant ensuite aux allochtones de toute la communauté universitaire, le conférencier a rappelé que les étudiantes et les étudiants autochtones viennent apprendre, observer, regarder, analyser, écouter. «Chaque fois que vous voyez un étudiant autochtone, a-t-il ajouté, rappelez-vous qu’il y a une nation derrière lui, une histoire, une communauté, un territoire, une langue.»
Un endroit chaleureux et accueillant
Dans son allocution, la vice-rectrice aux études et aux affaires étudiantes, Cathia Bergeron, a souligné que le Cercle était un lieu pensé et aménagé par, pour et avec les membres des Premiers Peuples. «Nous sommes très fiers du résultat final, a-t-elle affirmé. Ce lieu s’inscrit dans la volonté de l’Université Laval d’offrir à sa communauté étudiante autochtone un espace qui lui ressemble et qui met en valeur les différentes cultures autochtones. Les quelque 400 étudiantes et étudiants qui s’autodéclarent issus des Premiers Peuples et des Inuit nous classent au premier rang des maisons d’enseignement au Québec à ce chapitre.»
La vice-rectrice a rappelé que le Cercle est l’aboutissement des idées mises en commun par un comité composé de membres de la communauté universitaire autochtone et par deux membres du secteur des Premiers Peuples, Suzie Perron et Yves Sioui. Ces derniers occuperont un local adjacent au Cercle pour l’accompagnement personnalisé des étudiantes et des étudiants autochtones. Mentionnons également la contribution au projet de deux employées de Mon Équilibre ULaval, Julie Turgeon et Sandra Tremblay.
«Un lieu pour être nous»
Raven Larocque-Laliberté est membre de la nation mi’gmaq et est inscrite au baccalauréat en psychologie. Dans son témoignage, elle a rendu hommage à l’équipe du secteur des Premier Peuples.
«Quand je suis arrivée à l’Université, a-t-elle raconté, j’étais plus dépaysée que je le pensais. La COVID-19 a créée une bonne distance entre les gens et m’a empêchée d’avoir des liens. Je me suis sentie loin de ma famille, de ma maison. Une partie de moi a aussi réalisé combien c’était important pour moi la vie de communauté, ma culture et mes racines. Avec l’équipe du secteur des Premier Peuples, je me suis sentie chez moi. Je me suis sentie valorisée, considérée, vue. Merci de nous permettre d’avoir une voix, de nous accueillir les bras ouverts et de nous offrir un lieu pour être nous.»