Pour les microorganismes qui vivent dans le sol des forêts boréales, toutes les perturbations ne se valent pas. En effet, le microbiote des sols de ces forêts ne rebondit pas de la même façon après une coupe forestière ou après une épidémie d'insectes, révèle une étude publiée dans la revue Forest Ecology and Management par une équipe de l'Université Laval.
Ces chercheurs, rattachés au Département de biologie et au Département des sciences du bois et de la forêt, en ont fait la démonstration en prélevant des échantillons de sol dans trois types de peuplements forestiers de la réserve faunique des Laurentides. Les deux premiers peuplements étaient des sapinières à bouleau blanc qui avaient subi une importante perturbation il y a 50 ans. Dans un cas, cette perturbation était une coupe totale, et dans l'autre cas, il s'agissait d'une épidémie sévère de tordeuse des bourgeons de l'épinette.
«Le troisième peuplement, qui est situé dans l'aire protégée Ya'nienhonhndeh, un projet porté par la nation huronne-wendat, a servi de site témoin. Il s'agit d'une sapinière qui a été affectée légèrement par la même épidémie de tordeuse, il y a 50 ans, et qui a été épargnée par les coupes forestières. Plus de la moitié des sapins matures qu'on y trouve ont plus de 80 ans», précise le premier auteur de l'étude, Philip Bell-Doyon, doctorant en biologie.
Grâce à des analyses d'ADN environnemental effectuées sur les échantillons de sol, les chercheurs ont montré que, 50 ans après la perturbation, des différences substantielles étaient toujours observables dans la composition des communautés de microorganismes de chaque peuplement. «Entre 10% et 12%, de la variabilité observée dans la composition des communautés de bactéries et champignons est expliquée par le type de peuplement, résume l'étudiant-chercheur. Et ces différences n'étaient pas attribuables aux caractéristiques physicochimiques du sol. On ne connaît pas les mécanismes en cause, mais les coupes forestières n'ont pas le même effet que les épidémies de tordeuse sur les communautés de microorganismes du sol.»
En milieu forestier, les bactéries et les champignons du sol jouent un rôle important dans la décomposition de la matière organique, dans la productivité des peuplements et dans la séquestration du carbone. «Dans un contexte de crise mondiale de la biodiversité, il est important de garder intacte une partie des peuplements forestiers de façon à conserver les espèces de microorganismes qui vivent naturellement dans les sols de la forêt boréale, fait valoir Philip Bell-Doyon. Cela permet aussi d'avoir des communautés microbiennes de référence qui nous guident dans la recherche de pratiques forestières dont les impacts se rapprochent le plus possible de ceux des perturbations naturelles.»
L'étude parue dans Forest Ecology and Management est signée par Philip Bell-Doyon, Virginie Bellavance et Juan Carlos Villarreal, du Département de biologie, et par Louis Bélanger et Marc Mazerolle, du Département des sciences du bois et de la forêt. Ces chercheurs sont membres de l'Institut de biologie intégrative et des systèmes et du Centre d'étude de la forêt de l'Université Laval.