La pandémie de COVID-19 qui sévit depuis maintenant deux ans aura été, pour bien des gens, l'un des événements les plus traumatisants de leur existence. Alors que nous nous dirigeons lentement vers un retour à la vie normale, une question se pose: sur le plan de la santé mentale, sortirons-nous indemnes de cette pandémie?
«Nous n'aurons pas tous à composer avec des séquelles psychologiques, mais désormais, nous sommes tous des personnes qui ont vécu une pandémie. Ça fait partie de notre histoire personnelle, avec les risques que cela comporte», répond la spécialiste du trouble de stress post-traumatique, Geneviève Belleville, professeure à l'École de psychologie et directrice du Centre d'études et d'interventions en santé mentale de l'Université Laval.
La pandémie réunit toutes les caractéristiques des événements qui peuvent provoquer des séquelles psychologiques importantes, rappelle-t-elle. «On parle d'événements devant lesquels nous sommes impuissants, des événements qui causent une grande détresse, qui mettent en danger notre intégrité physique ou psychologique, voire notre vie ou celles des autres. Dans le cas de la pandémie, il faut aussi prendre en compte le fait que la menace était planétaire et qu'il n'y avait pas d'endroit où l'on pouvait se réfugier pour y échapper. En plus, ce stress dure depuis deux ans.»
Si l'on considère la question uniquement sous l'angle de l'exposition à l'événement traumatisant, six groupes semblent particulièrement vulnérables, estime la professeure Belleville:
Les personnes qui ont été gravement malades en raison de la COVID-19 et qui ont pensé qu'elles pourraient en mourir
Le personnel du réseau de la santé qui était sur la ligne de front
Les personnes qui ont perdu un proche à cause de la pandémie ou pendant la pandémie, et qui n'ont pas été en mesure de l'accompagner dans la mort
Les personnes qui souffrent de COVID-19 longue
Les personnes qui ont vécu des violences sexuelles pendant le confinement (la prévalence du phénomène a augmenté alors que la possibilité d'aller chercher de l'aide a diminué)
Les personnes plus vulnérables que la moyenne au stress et à l'anxiété
«Le niveau d'exposition à l'événement traumatisant est un élément important, mais il existe de nombreux facteurs individuels qui modulent le risque de séquelles psychologiques, précise la professeure Belleville. Le réseau social et les ressources à notre disposition peuvent atténuer le risque. À l'opposé, certains stresseurs quotidiens tels qu'une perte d'emploi, la conciliation travail-famille extrême ou la privation des libertés individuelles peuvent avoir été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.»
Au cours des dernières années, Geneviève Belleville a consacré une partie de ses recherches aux résidents de Fort McMurray qui ont été évacués d'urgence, en 2016, en raison des incendies de forêt qui ont dévasté le nord de l'Alberta. Un an après l'évacuation, les séquelles psychologiques de l'événement étaient encore bien présentes chez les évacués: insomnie (29%), stress post-traumatique (15%), dépression (15%), anxiété généralisée (14%), trouble lié à la consommation d'alcool ou de drogue (8%). «La pandémie de COVID-19 pourrait conduire à des pourcentages comparables», avance la chercheuse.
L'expérience montre que la majorité de la population est résiliente face aux catastrophes, poursuit-elle. Ces événements peuvent même avoir du bon parce qu'ils nous forcent à redéfinir nos valeurs. «Pour le reste de la population, la reconstruction n'est pas forcément linéaire. Tout ce qui va nous rappeler ces événements, par exemple les anniversaires ou les commémorations, risque d'être difficile.»
Comment savoir si la pandémie a eu des répercussions sur votre santé psychologique? «Certaines personnes reconnaissent facilement les signaux de leur état de santé psychologique, alors que d'autres y sont moins sensibles. Ces derniers doivent surveiller leur sommeil. Une diminution de la qualité du sommeil ou une augmentation de la fréquence de l'insomnie ou des cauchemars indique que quelque chose ne va pas.»
Et que faut-il faire si tous les indices pointent vers une détérioration de notre santé psychologique? «Il faut d'abord en parler autour de soi, à nos proches et à des personnes en qui nous avons confiance, répond la professeure Belleville, bien consciente que ce conseil a été mille fois répété. Si les problèmes persistent, il ne faut pas hésiter à se tourner vers un professionnel de la santé. C'est comme lorsque le détecteur de fumée se déclenche à la maison. Il faut d'abord évaluer la situation et voir ce qu'on peut faire soi-même. Si la situation est grave, il faut appeler les pompiers.»
Des outils pertinents et conviviaux pour l'autogestion de l'anxiété
Dans un article paru en janvier dans Le Médecin du Québec, Geneviève Belleville, Lydia Gamache et Samuel Gagné ont passé en revue les applications conçues pour faciliter l'autogestion de l'anxiété. Voici quelques applications gratuites et disponibles en français qui, en raison de leur pertinence et de leur convivialité, ont retenu leur attention: