Le petit Khashayar est l’un de ces jeunes enfants qui aiment réfléchir, qui ont du verbe et un sens de la répartie. Argumenter n’est pas une chose lourde, mais bien un plaisir pour lui.
Né à Téhéran en pleine guerre Iran-Irak (qui a sévi de 1980 à 1988), le jeune Khashayar se souvient clairement de toutes ces sirènes et attaques constantes qui envahissaient sa ville. Malgré tout, il dit avoir grandi au sein d’une famille des plus aimantes, entouré de son père et de sa mère, ainsi que de ses deux frères.
«Nous étions des enfants qui s’amusions à aller nous cacher dans des bunkers au bruit des sirènes. Bref, nous n’étions pas tout à fait conscients de ce qui se passait. De plus, puisque nous habitions Téhéran, nous n’étions pas situés près de la frontière et n’avions donc pas de bombardements quotidiens», raconte Khashayar Haghgouyan, aujourd’hui professeur en droit fiscal à l’Université Laval.
Il se dit aujourd’hui très reconnaissant de l’héritage de ses parents. Une famille où la réflexion, le jugement et la liberté de pensée ont toujours été encouragés. «Durant la guerre, il y avait évidemment beaucoup de propagande à la télé. Mes parents nous ont toujours enseigné à voir, à prendre conscience et à analyser les deux côtés de la médaille, dans toute situation.»
Nouveau citoyen du Québec en 1991
Alors qu’il est âgé de 11 ans, sa famille décide de s’établir à Montréal. Le jeune Khashayar, qui parle le persan, ne sait alors à peine que quelques mots français et anglais. Pendant un an, et en vertu de la loi 101, il apprend la langue française. Puis, il entre à l'école secondaire. «Les premières années ont été plutôt difficiles. L’apprentissage de la langue française est tout un défi, mais j’ai réussi! Je fais souvent des blagues en disant que je n’ai pas de langue maternelle, mais que des langues secondes», dit-il.
«Pendant toute ma jeunesse, j’ai littéralement plongé dans la langue française. Aujourd’hui, d’ailleurs, j’adore la langue française, j’aime les langues en général, la littérature, et j’enseigne le droit fiscal… qui est plutôt reconnu pour la complexité de ses tournures de phrases», ajoute-t-il, en souriant.
Études, stages, puis marché du travail
Attiré tout autant par le droit que par l’architecture, Khashayar décide finalement d’opter pour des études en droit. «J’ai vite aimé mes cours en droit, je savais donc que j’étais au bon endroit. Mon intérêt pour le droit fiscal s’est concrétisé lors d’un stage pour une firme juridique à l’été 2003. Plusieurs mandats étaient sur la table, dont un en droit fiscal, mais aucun stagiaire ne voulait le prendre. Alors je me suis dit: pourquoi pas?» L’associé qui l’a supervisé dans ce mandat s’est d’ailleurs avéré pour lui un véritable mentor dans son parcours professionnel.
«Souvent perçu, à première vue, comme un domaine du droit mal-aimé, car paraissant complexe, le droit fiscal est en réalité de plus en plus accessible depuis quelques années. Il fait d’ailleurs vraiment partie de notre quotidien, beaucoup plus qu’on ne le pense!, indique le professeur. De plus, une meilleure compréhension du droit fiscal permet de développer des réflexes, et ce, peu importe le domaine de droit dans lequel on décide de travailler. En fait, il est intrinsèquement lié à une foule de domaines de droit plus connus, tel le droit commercial, le droit civil, le droit des contrats ou encore le droit matrimonial.»
À l’automne 2003, il amorce un stage d’une année pour le Barreau à la Cour fédérale à Ottawa. «C’était vraiment génial. J’avais l’impression de vivre dans un microcosme du Canada, de vivre pratiquement ma deuxième immigration au pays, car les autres stagiaires venaient des quatre coins du pays. Parler et travailler avec un Albertain ou un Néo-Brunswickois plutôt qu’avec un Québécois, c’est vraiment différent et enrichissant», explique-t-il.
Le jeune avocat commence ensuite sa carrière au sein de l'un des cabinets d’avocats les plus prestigieux au pays. Manifestement attiré par le domaine du droit fiscal, il décide alors d’effectuer une maîtrise en droit fiscal international à la New York University School of Law, pour laquelle il décroche une bourse importante.
«Il s’agit d’une autre expérience très riche qui a grandement marqué mon parcours. Les étudiants étaient originaires d’un peu partout sur la planète. J’ai d’ailleurs eu la chance de faire mon stage au siège de l'Organisation des Nations unies, qui possède notamment un champ d’expertise en matière fiscale.»
À son retour au pays, il travaille en tant qu’avocat fiscaliste pour une importante firme juridique tout en amorçant une maîtrise en droit, option fiscalité, à HEC Montréal. Également boursier pour cette formation, il devient diplômé à l’été 2008.
«J’étais jeune et j’avais vraiment envie de plaider. Or, cela était évidemment moins possible, à court terme, en demeurant dans une firme. À l’automne 2009, j’ai donc fait le choix de me tourner vers le droit public. J’ai alors travaillé en tant qu’avocat à la direction des affaires fiscales au ministère de la Justice du Canada, à Toronto, puis occupé divers postes au sein de Revenu Québec, notamment celui d’avocat plaidant et de juriste expert à la Direction de l’interprétation relative aux entreprises, où j’ai notamment eu l’incroyable chance de plaider devant la Cour suprême, dans la cause importante Québec (Agence du revenu) c. Services Environnementaux AES inc.»
Professeur en droit fiscal
Khashayar Haghgouyan est professeur à la Faculté de droit depuis l’été 2019. Grandement apprécié par ses étudiants pour ses qualités de vulgarisateur, il ne cesse visiblement jamais de dire que le droit fiscal est accessible à tous, lui qui est également responsable de la Clinique fiscale de l’Université Laval. Menée par des équipes d’étudiants sous la supervision du professeur Haghgouyan, la clinique, qui est aussi un cours, vise à offrir du soutien et des services de recherche, de rédaction juridique et de représentation à des individus faisant face à un litige fiscal devant la Cour canadienne de l’impôt.
«Comme je le dis souvent à mes étudiants: le droit fiscal, c’est difficile, mais accessible. Oui, quand on parle de droit fiscal, on parle nécessairement d’impôts, de taxes, de comptabilité et d’économie, mais ce n’est pas de la physique nucléaire, là! C’est un domaine du droit qui fait tellement partie de nos vies», conclut-il, avec un léger sourire.
Voir le profil de Khashayar Haghgouyan, professeur à la Faculté de droit de l'Université Laval.
Curieux d’en savoir plus sur ce qu’est le droit fiscal? Voici deux capsules d’information du Comité de droit fiscal de l’Université Laval, réalisées en collaboration avec le professeur Khashayar Haghgouyan:
Capsule no1: cette première vidéo vise à initier au droit fiscal en offrant une vision claire de cette branche du droit et de sa place en société.
Capsule no2: cette deuxième vidéo vise à présenter les avenues de carrière en droit fiscal et les différents domaines de pratique où le droit fiscal risque d'intervenir.
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Le professeur Haghgouyan est aussi régulièrement invité à se prononcer dans les médias. À titre d’exemple, il le faisait récemment à propos de l’affaire opposant Ottawa à la multinationale québécoise CAE.