
Q Pourquoi ces fameux nids-de-poule reviennent-ils chaque printemps malgré l’expertise routière?
R Cette manifestation extrême de dégradation peut survenir dans deux situations. On parle d’abord d’un défaut de construction: les nids-de-poule surgissent alors relativement tôt dans la vie de la route. Dans l’autre cas, ils apparaissent dans des chaussées très âgées qui ont atteint la fin de leur vie utile. Dans tous les cas, ce problème survient surtout au printemps, du fait que l’eau que l’on trouve dans la chaussée pénètre par les fissures, provoquant la rupture localisée de la route. Pourquoi cela revient chaque année? On vit actuellement avec un réseau routier construit dans les années 1950, 1960, 1970, et on sait qu’une route doit être réparée au bout d’une vingtaine d’années, puis reconstruite après 40 ou 50 ans. Une période d’austérité a suivi la construction du réseau routier et, dans les années 1980-1990, on a négligé l’entretien de ces routes qui en auraient eu bien besoin. Par conséquent, les nids-de-poule se généralisent sur énormément de routes en fin de vie. Des investissements sont faits actuellement sur les routes supérieures, mais les réseaux locaux restent déficients. Il faut donc continuer à investir pendant plusieurs années pour espérer venir à bout de ce problème.
Q Combler les nids-de-poule au printemps suffit-il à régler le problème?
R Les réparations que l’on fait actuellement ne permettent pas de faire un beau travail. Pelleter de l’asphalte dans un trou plein d’eau, c’est extrêmement inefficace, mais on n’a pas le choix pour éviter les accidents. En théorie, il faut revenir durant l’été pour couper la zone affectée, s’assurer d’enlever le matériau contaminé, le remplir avec du nouveau matériau, puis effectuer un bon joint. Le problème, c’est que, souvent, on néglige cette étape en attendant de refaire la route, ce qui étire parfois les problèmes sur plusieurs années. Pour certaines routes construites il y a 30 ou 40 ans, la croissance du trafic a été sous-estimée. Une vieille route qui subit beaucoup de trafic est donc plus difficile à maintenir en service, en particulier dans le réseau local. Et le problème est encore plus important sur les routes municipales pour lesquelles on ne dispose que très peu de données puisque les critères de qualité varient beaucoup d’une municipalité à l’autre.
Q Quelles sont les pistes de recherche pour enrayer les nids-de-poule à l’avenir?
R À l’Université de Sherbrooke, on fait des recherches pour rendre les matériaux bitumineux plus durables en introduisant des polymères qui les renforcent lors de gel et de dégel. Ce qui améliore la qualité des enrobés (revêtement constitué d’un agglomérat de produits unis par un liant), ça peut être des caoutchoucs faits de pneus réduits en poudre qui donnent une meilleure souplesse et une plus grande durabilité au bitume. De notre côté, à l’Université Laval, nous travaillons beaucoup sur le renforcement des fondations de la route pour les rendre moins sensibles à l’eau et au gel. On cherche à mettre au point des matériaux qui évacuent l’eau facilement des fondations, mais qui conservent aussi de fortes capacités mécaniques de support qui font une grande différence. La tendance est à l’utilisation de matériaux recyclés dont il faut s’assurer qu’ils ont une faible sensibilité à l’eau et au gel. De plus en plus, on recycle aussi avec des matériaux de rebut comme des bardeaux d’asphalte pour l’asphalte. Il faut aussi intervenir de la bonne façon et au bon moment. Cela implique qu’on doit disposer de données sur les nids-de-poule pour retourner sur les sites rapiécés au printemps et aussi disposer d’équipements spécialisés. Par exemple, certains véhicules robotisés se déplacent maintenant sur les lieux des nids-de-poule et effectuent la réparation, ce qui devrait améliorer la situation.
Propos recueillis par Pascale Guéricolas