
Tania Gibéryen, sur le terrain: «Nous travaillons d'égal à égal avec les Inuits. Il s'agit d'apporter un savoir scientifique sur la nature des sols à leurs connaissances historiques et culturelles du territoire».
— Michel Allard
De retour au Luxembourg, elle entame alors une carrière dans l’enseignement secondaire. Mais, cinq ans plus tard, ses envies d’ailleurs et de nouveaux défis ressurgissent, entremêlées de souvenirs de Montréal et de vieux rêves d’enfance. Sans plus attendre, elle met son poste d’enseignante des sciences économiques en veilleuse et s’envole à nouveau de l’autre côté de l’Atlantique. Direction Québec cette fois, où elle se joint à l’équipe du professeur Michel Allard au Centre d'études nordiques (CEN) pour un doctorat en sciences géographiques portant sur l'aménagement du territoire sur pergélisol au sein des communautés inuites, codirigé par la professeure de géographie humaine, Caroline Desbiens.
Et les défis ne manquent pas. Le Nord du Québec est en pleine expansion. «La moitié de la population a moins de 19 ans», explique-t-elle. Les villages inuits connaissent une très forte croissance démographique et font face à des problèmes de surpopulation. Actuellement, 95 % des maisons sont des logements sociaux.
En raison du Plan Nord, le gouvernement du Québec investit dans la construction de nouveaux logements. Il y a quelques années encore, c’était l’homme blanc qui imposait son savoir; les Inuits étaient très peu consultés. «Aujourd’hui, nous travaillons d’égal à égal, déclare l’étudiante-chercheuse. Il s’agit d’apporter un savoir scientifique sur la nature des sols à leurs connaissances historiques et culturelles du territoire.»
L’équipe du CEN a mis au point des cartes de constructibilité en fonction de la sensibilité du pergélisol. En collaboration avec les habitants, l’équipe intègre à ces cartes des données culturelles comme la présence de sites archéologiques, de sites sur lesquels ont lieu des activités traditionnelles ou de sites contaminés. À terme, ces outils seront mis à la disposition des habitants afin de les rendre autonomes dans la prise de décision.
Pendant ses expéditions en terre inuite, Tania Gibéryen a été accueillie dans des familles autochtones où elle s’est initiée aux rudiments de la langue. «J’ai découvert des gens chaleureux, avec lesquels j'ai tissé des liens d’amitié incroyables», confie la jeune femme.
Alors que son doctorat tire à sa fin, Tania Gibéryen doit faire un choix entre son poste d’enseignante au Luxembourg, sa carrière en politique et la poursuite de son expérience en terre inuite. Renoncer à un des aspects de ce parcours atypique n’est pas une option pour la doctorante. «J'espère plutôt trouver le moyen de conjuguer l’ensemble de mes compétences.»